Comme indiqué dans un précédent article, le romancier et nouvelliste Georges-Olivier Châteaureynaud est venu au collège, grâce à la Maison des écrivains et de la littérature, rencontrer les élèves de 3e1 et de 3e4.

Le présent article a pour vocation de reprendre et de faire partager le travail réalisé par les élèves.


 

I. Comme G.-O. Châteaureynaud est un nouvelliste d'expérience, et comme le genre de la nouvelle est au programme de la classe de 3ème, les élèves ont eu à lire au moins deux nouvelles de notre auteur, extraites notamment des recueils Le Verger et autres nouvelles (éd. Hachette, coll. Bibliocollège, 2005), et Singe savant tabassé par deux clowns (publié en 2005 chez Grasset, puis aux éditions du Livre de poche)

Les élèves ont eu en particulier à étudier une nouvelle : « Le verger ».Il s’agissait de voir comment une fiction, avec des aspects fantastiques voire merveilleux, pouvait rendre compte d’événements particulièrement tragiques de l’Histoire. Le Verger raconte en effet comment un enfant, pris dans l’horreur d’un camp de concentration, trouve refuge au cœur de ce camp, dans un verger : l’enfant y trouve chaleur et nourriture, mais il y est surtout invisible aux yeux des autres - ce qui le sauvera temporairement des tortionnaires. S’agit-il d’un rêve de l’enfant ? D’une hallucination des soldats ? L’enfant semble pourtant faire bénéficier des bienfaits du verger aux autres concentrationnaires, qui prennent ces dons du ciel pour un miracle… Mais l’enfant préfèrera finalement risquer la mort plutôt que de rester seul dans son verger.

Cette nouvelle a permis aux élèves de percevoir combien la fiction pouvait interroger la réalité la plus barbare.

 

II.  La découverte de notre auteur s’est poursuivie avec un travail sur l’autobiographie (également au programme de 3e). En effet, G.-O. Châteaureynaud venait de publier en 2011 son autobiographie chez Grasset : La vie nous regarde passer.  Ainsi, nous avons pu étudier des passages de cette dernière œuvre de G.-O. Châteureynaud afin d’envisager sa singularité (puisque l’auteur affirme n’avoir « que faire ici de l’entière vérité… »). Il s’agissait alors de réfléchir aux rapports entre les nouvelles et le discours autobiographique, entre la fiction et ce que devrait être la réalité l’ayant inspirée : la recherche du père absent, ayant vécu les camps de concentration, n’est pas absent de la nouvelle étudiée, « Le verger », récit faisant pourtant la part belle à l’imagination et au fantastique.

 


III.  Mais les élèves n'en sont pas restés à contempler les fruits du travail de l’écrivain…

1) Ils ont eu à écrire eux-mêmes une nouvelle s'inspirant de documents historiques (étudiés en cours d’Histoire) sur ce que fut la vie dans les tranchées durant la Première Guerre Mondiale. Il s'agissait finalement de faire basculer leur récit dans une atmosphère fantastique, un peu à la manière de G.-O. Châteaureynaud…

2) Nous avons également tâché d’exploiter l’expérience vécue des élèves lors de leur stage en entreprise. En effet ils ont eu à écrire un court texte relatant un moment marquant de leur stage, mais de façon fictive, à nouveau fantastique.

→ Quelques uns de ces textes ont été lus lors de l’intervention et ont pu recueillir l’avis éclairé de notre auteur, membre de nombreux jurys de concours de nouvelles et maintenant secrétaire général du prix Renaudot. Vous trouverez les productions des élèves en pièces jointes.

Selon Mariem, l’analyse de Georges-Olivier Châteaureynaud a été « très profonde » : « Tout ce qu’il disait était juste, bien dit et argumenté. J’ai remarqué, dit-elle dans son compte-rendu, que quand il se mettait à analyser, il essayait de se fondre dans l’histoire et de comparer à la réalité ce qui était fantastique. »


 

IV. Lors de la rencontre, de très nombreuses questions ont pu être posées.

Ce qui suit a été établi à partir des questions des élèves, des réponses de l’auteur, et surtout, des comptes-rendus des élèves.


 

Mariem explique d’abord dans quel cadre s’est déroulée l’intervention de l’écrivain : « nous avons accueilli M. Georges-Olivier Châteaureynaud dans notre CDI. Nous étions autour de lui afin de bien l’écouter ».

Et Swann commence ainsi son compte-rendu : « quand on est entrés au CDI, Georges-Olivier Châteaureynaud était déjà dans le CDI. Sur une table à côté de lui, il y avait certains de ses livres, parmi eux des livres à succès. Il s’est présenté, et nous avons appris qu’il était membre de jury dans différents concours. Après l’avoir accueilli, on a commencé à lui poser des questions. »

 

G.-O. Châteaureynaud interrogé notamment par Swann puis par Olivine sur ce qui l’avait poussé à écrire, commença par exprimer son plaisir à raconter des histoires, se définissant finalement lui-même comme un « raconteur », tout en rappelant que dans toute société il y a eu, et il y aura sans doute toujours, des gens comme lui pour raconter des histoires.

Fadoua a de même demandé : « Comment êtes-vous devenu écrivain ? ». Et Fadoua rend ainsi compte de la réponse de notre auteur : « il a été envoyé dans un pensionnat à l’âge de six ans pour des raisons familiales, il s’ennuyait beaucoup, donc il a commencé à inventer des histoires même s’il ne savait ni lire ni écrire. C’est un camarade de pension qui lui a appris à lire et à écrire… » Inase reprend cette anecdote : « G.-O. Châteaureynaud dit qu’il y avait un type assis à côté de lui, et comme il s’ennuyait, ce type lui a dit de lire. G.-O. Châteaureynaud lui dit qu’il ne savait pas lire, alors ce type lui dit de suivre son doigt : il se rend compte finalement qu’il sait lire… ».

Salla note également que très tôt, il avait « commencé à écrire des petites histoires qui avaient l’air de plaire à son entourage ; c’est donc ce qui l’a encouragé à devenir écrivain. »

Anissa retient aussi que « depuis tout petit, raconter des histoires le passionne, c’est pour cela qu’il en a fait son métier. »

Pour conclure Raphaël a noté qu’il « avait commencé très tôt à inventer des histoires » et que « dans sa jeunesse, il écrivait toute la journée entière… » ; « quand il était jeune, il écrivait beaucoup, souvent la journée puis même la nuit » renchérit Mélissa. « Maintenant, il est plus patient en ce qui concerne l’écriture de ses livres » ajoute-t-elle dans son compte-rendu.

 

Lorsqu’Anissa lui demanda d’où lui venait l’inspiration, notre auteur expliqua l’importance de tout ce qu’avait vécu un écrivain. A ce sujet, G.-O. Châteaureynaud évoqua, pour répondre à une question d’Antoine, toutes les professions qu’il avait dû exercer avant de se consacrer en 1982 à l’écriture ( : du travail en usine au métier de brocanteur), et il rappela alors que toutes les expériences vécues constituaient autant de sources d’inspiration.

Hassan reprit ainsi dans son compte-rendu la façon dont G.-O. Châteaureynaud prenait ses distances avec la notion d’inspiration : « L'inspiration, c'est-à-dire la vision romantique, cette vision romantique se définit par des idées qui viennent à l'esprit rarement,  il y aurait des jours avec et des jours sans. »

Mais des expériences quotidiennes et singulières peuvent être à l’origine de la création d’une œuvre, ainsi Hassan a retenu ceci : « par exemple pour la nouvelle La belle charbonnière (issu du recueil Le Verger et autres nouvelles), il était sur les bords de Seine à Paris, et il a aperçu une jeune femme (peut-être une jeune SDF) qui était très belle et qui avait comme du charbon sur le visage ; il inventa à partir de là le titre de cette nouvelle « la belle charbonnière », qui met en scène une magnifique et attrayante sorcière isolée sur son île. »

Hassan releva également, que la réalité vécue en tant que telle n’était pas seule à l’origine de la création d’œuvres : « il y a aussi les rêves qui procurent des expériences fortes et riches et peuvent aussi donner différentes idées. » Anissa retient ceci : « G.-O. Châteaureynaud est un écrivain qui s’inspire principalement de sa vie, de son vécu pour écrire ses livres mais il s’aide aussi de ses rêves qui s’éloignent un peu plus de la réalité. »

Ainsi Olivine explique : « durant son intervention, j’ai au moins appris une chose : la fiction est le mariage de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas. » Et en effet, dans l’œuvre de G.-O. Châteaureynaud (comme chez la plupart des écrivains du mouvement littéraire de la « Nouvelle Fiction » auquel notre auteur appartient), le surnaturel ne s’y oppose pas au réel...

Quoiqu’il en soit, Elodie note qu’« il essaye de ne pas s’inspirer des récits d’autres écrivains ; il préfère puiser son inspiration dans des livres ou des revues d’Histoire. » Et, pour répondre à une question de Faraj, s’il n’a pas à proprement parler écrit de livres sur la guerre, notre auteur rappelle combien la Seconde Guerre Mondiale, qu’il n’a certes pas connue en tant que telle, est restée très présente et alimentait quand il a débuté à écrire, une certaine inquiétude.

Enfin pour répondre à la question de Khadidiatou sur les liens qu’il pouvait y avoir entre ses œuvres et sa vie, notre auteur expliqua que sa vie était continuellement évoquée, « recyclée » dans ses récits. Et s’il n’a finalement écrit son autobiographie qu’en 2011, alors que sa première œuvre a été publiée en 1973, G.-O. Châteaureynaud exprima la nécessité qu’il avait éprouvé d’un certain « recul »… Aucun autre de ses livres, retient Salla, ne doit d’ailleurs être considéré comme autobiographique : « il n’a écrit que des livres fantastiques. »

 

A propos d’une question d’Elodie portant sur les « limites » que l’écrivain pouvait s’imposer, G.-O. Châteaureynaud répondit d’abord qu’il y avait  des limites « comme dans tous les métiers du monde, mais que le but d’un écrivain était aussi de repousser ces limites ». Il illustra son propos à partir de la nouvelle Le verger qui pouvait être matière à débat : pouvait-on se permettre de créer une histoire fantastique ou merveilleuse à partir de l’horreur de la Shoah ? Que pourraient en penser les survivants ? …

 

Alexandre demanda pourquoi il avait écrit davantage de nouvelles que de romans, et Dylan interrogea quant à lui l’auteur sur son envie de continuer à écrire toujours des nouvelles, ce dernier répondit en expliquant qu’il était plus aisé et rapide d’écrire des nouvelles bien que cela demandât un talent particulier et une certaine maîtrise technique. En effet, pour G.-O. Châteaureynaud la nouvelle permet de ne se concentrer que sur un élément essentiel de l’histoire à raconter ; elle s’oppose en cela à la complexité du roman, qui exige bien plus de temps : la nouvelle serait, selon lui, à la « cabane de branchages » ce que le roman serait au « building ».

 

Swann, comme Rebecca, demanda à notre écrivain : « Avez-vous déjà pensé à faire des films à partir de vos récits ? » G.-O. Châteaureynaud répondit qu’effectivement, l’une de ses nouvelles au moins devait être le point de départ d’un scénario, mais que le film ne put finalement être réalisé jusqu’au bout. Swann a retenu qu’il « est difficile de trouver un producteur, ça coûte cher ; le monde du cinéma est difficile… »

 

Interrogé par Pierre sur le nombre d’ouvrages publiés, l’écrivain répondit qu’il en était à une vingtaine de livres, et, d’après ses derniers comptes, à 103 nouvelles exactement.

Elodie a retenu que G.-O. Châteaureynaud compte, parmi ses plus belles réussites, la nouvelle Le verger pour son succès auprès des lecteurs, et L’Autre rive parce que ce long roman (publié chez Grasset et Grand Prix de l'Imaginaire en 2009) réalise une magnifique synthèse des thèmes essentiels de son œuvre...

Laurenza conclut dailleurs son compte-rendu ainsi, en évoquant ce long roman : « G.-O. Châteaureynaud porte beaucoup d’importance à son travail, il aime ce qu’il fait au point de rester quatre ans sur un livre de sept cents pages » Siham a également retenu : « durant la rencontre, je vis une très grande passion. »

 

Les élèves ont découvert par ailleurs que  l'œuvre de G.-O. Châteaureynaud avait été primée de nombreuses fois, dont notamment :

- Le prix des Nouvelles Littéraires en 1974, pour Les Messagers (roman publié d’abord chez Grasset, et maintenant chez Actes Sud Babel)

- Prix Renaudot en 1982, pour La Faculté des Songes (roman publié chez Grasset)

- Prix Valéry Larbaud en 2003, pour Au fond du Paradis (roman publié chez Grasset)

- Bourse Goncourt de la nouvelle en 2005, pour Singe savant tabassé par deux clowns (recueil publié d'abord chez Grasset, puis en Livre de Poche)

- Prix des Éditeurs en 2006, pour le Jardin dans l'île (recueil de nouvelles édité notamment chez Zulma)

- Grand Prix de l'Imaginaire en 2009, pour L'Autre rive (roman publié chez Grasset)

 

 

Finalement Mariem déclare dans son compte-rendu : « l’intervention m’a paru assez intéressante et cela m’a permis de découvrir une facette du métier d’écrivain… » Mariem insiste sur la précision et la clarté de ses réponses.

Et Rebecca note également que « l’écrivain donnait beaucoup de détails » : « il était très explicatif, c’est pourquoi j’ai pu beaucoup apprendre de lui. Je n’avais jamais vu d’écrivain, j’ai beaucoup apprécié son arrivée… »

Miranda conclut « ce jour était très intéressant et m’a appris beaucoup de choses sur ce métier et peut-être à l’avenir m’aideront à progresser dans l’écriture… »

Selon Khadidiatou, G.-O. Châteaureynaud a été « chaleureux : il s’est mis dans la peau d’un jeune… »

Pour Elodie : « il y a eu un très bon échange entre lui et nous, lui, toujours calme et attentif à nos questions. J’ai beaucoup aimé cet échange, et cela m’a appris beaucoup de choses. »

 

                                                                                                  Thibault Clément