Monastère... d’asile


Monastère Bonnelles

 

Samedi matin, je me rends au monastère des Orantes à Bonnelles (78), commune du Parc Naturel de la Haute vallée de Chevreuse. Ce monastère, habité par des sœurs, est partiellement inoccupé. Alors, quand au début du mois de septembre, la Préfecture a demandé à des associations de trouver des lieux pouvant accueillir des réfugiés, le monastère a été choisi pour les recevoir.  Cet accueil s’est fait par le biais d’une association, Habitat et Humanisme, qui s’occupe d’habitude de la réinsertion par le logement des personnes en situation d’extrême pauvreté. Cela consiste à offrir des logements à des prix modérés pour les personnes sans toit et avec peu de revenus.

 

Cette association a été contactée par la Préfecture et c’est le 9 septembre dernier qu’est arrivé le car de 70 réfugiés syriens et irakiens. Le Président avait déclaré deux jours plus tôt qu’ « Elle (la France) a toujours été capable d'accueillir les martyrisés, les proscrits, les déplacés. Elle a son honneur d'être à la hauteur". Il y a en majorité des hommes de 17 à 50 ans, mais aussi deux familles avec trois enfants de moins de dix ans, qui sont aujourd’hui scolarisés à la maternelle de Bonnelles.

 

Laurent, responsable de l’accueil des réfugiés me confie que l’arrivée fut très rapide et que tout le nécessaire pour l’accueil n’avait pas forcément encore été préparé. Mais lorsqu’il voit ces gens descendre du bus, il ressent une vive intention de les aider parce qu’il les sent volontaires de bien s’intégrer, eux qui ont fui leur pays et subi de multiples périples durant leur voyage vers l’Europe.

 

C’est alors que fut lancé un appel au don pour ces Irakiens et ces Syriens. Dès le lendemain, des personnes arrivèrent avec des habits, des valises, des jouets et des produits de première nécessité. Face à ces dons qui arrivent par dizaines, les responsables organisent une collecte dans les jours qui suivent, tant de dons sont amenés que le surplus a été donné à la Croix-Rouge. Les personnes les plus impliquées sont en majorité les habitants de Bonnelles, et en particulier le maire, Guy Poupart, qui a apporté personnellement son aide.

 

Depuis, certains des réfugiés sont déjà repartis et ceux qui restent apprennent le français pendant les 4h de cours quotidiens qui leur sont proposés. Ce flux massif continuera sûrement pendant un  certain temps ; d’autres migrants seront peut-être accueillis au monastère ou dans la région. La priorité était que chacun obtienne le droit d’asile, ce qui fut fait il y a quelques jours. Certains d’entre eux sont déjà partis ailleurs en France, dans un logement qui les attend. Ils pourront alors commencer à travailler et à refonder une nouvelle vie, ce qui très important pour eux.

 

 

J’ai recueilli le témoignage de Yasiv, une vingtaine d’années, réfugié irakien qui a fui la guerre contre l’Etat Islamique. Bien qu’il commence à bien parler français, la conversation se déroule en anglais, qu’il maîtrise beaucoup mieux. Il a quitté seul son pays pour venir en Europe.

« Je m’appelle Yasiv et je viens d’Irak. Comme beaucoup de personnes ici, j’ai fui la guerre pour connaitre une vie meilleure en Europe. Je suis web-developer, c’est-à-dire que je crée des programmes pour des entreprises ou pour des sites internet.

J’ai quitté l’Irak par bateau. Le passeur m’a donné rendez-vous à un endroit près du rivage et nous nous sommes retrouvés à 60 personnes ; hommes, femmes et enfants ; dans un bateau de 10 m sur 6 qui ne pouvait contenir que 40 personnes. Nos passeurs nous ont montré comment marchait le moteur, puis ils sont partis et nous ont laissés nous débrouiller seuls. Heureusement, nous avons eu beaucoup de chance et notre traversée, qui n’a duré que 45min, s’est bien passée. Contrairement à d’autres qui chavirent ou percutent des navires, notre bateau est arrivé intact et tout le monde a survécu. Je sais que nous sommes arrivés sur une île grecque, mais je ne sais pas laquelle. J‘ai pris ensuite un ferry pour Athènes et à partir de là, je me suis dirigé vers l’Allemagne, parce que les gens disaient qu’elle accueillait bien les migrants.

Ensuite, j’ai traversé à pied ou en bus la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, l’Autriche et enfin je suis arrivé à Munich en Allemagne. Avant la frontière autrichienne, les policiers maltraitaient tous les migrants et les gens ne s’occupaient pas de notre sort. J’ai appris peu après que la Hongrie venait de fermer ses frontières aux migrants.

 Alors quand je suis arrivé en Autriche, et que les policiers et les bénévoles nous ont annoncé qu’il y avait des douches, des vêtements chauds, à manger et à boire, j’ai eu l’impression de changer de monde et d’être vraiment arrivé en Europe. Ma plus grande surprise et mon meilleur souvenir fut l’arrivée à Munich en Allemagne : les gens nous applaudissaient, ils avaient des pancartes avec écrit dessus « Willkommen » (bienvenue) et il y avait des caméras partout, je me suis senti comme un acteur célèbre à Hollywood !!(rires).

Ensuite des  Français nous ont demandé si nous voulions venir en France. Les gens autour de moi ont dit qu’il fallait y aller et que nous aurions plus de chances si nous étions les premiers à partir. C’est comme ça que je suis arrivé à en France, à Bonnelles. Ici, c’est très différent, tout est vert alors que chez moi c’est plutôt le désert ! Et puis les gens sont très gentils et ils ont toujours le sourire !

Pour l’avenir, mon rêve serait de rester ici en France et créer un gros projet de développement de programmes, diriger une équipe et être utile comme je le peux, à mon tour, aux personnes qui en ont besoin. J’aimerais faire venir mes parents, mes frères et mes sœurs qui souffrent beaucoup de la guerre et des conditions de vie difficiles.»

 

 

Noé Leproust pour Le Vilain petit Canard, le 17/10/2015

 

 

 

Repas syrien partagé dans le réfectoire, à l’occasion du départ imminent de certains pour la Province

 

Entrée du monastère

 

 

Partie du groupe des réfugiés de Bonnelles

 

Noé Le Proust