Je m'éveillai, tout était sombre, mes bras étaient repliés sur eux mêmes. Je me trouvais dans une sorte de boîte qui ne m’inspirait guère confiance quand subitement, tout s’illumina.

Je fus violemment attrapé par de gigantesques pinces qui agrippaient toutes les parties de mon corps. Cette entrave emboîta mes bras dans deux socles de forme tout à fait adéquate pour moi. Ces plis de chair décrivaient un arc de cercle, ils étaient reliés à une grande forme ronde de couleur beige et qui avait la forme d’un ballon.

Et je restais planté là des secondes, des minutes, des heures à ne rien faire, à attendre la libération. Malgré tout, mon propriétaire me chérissait, plus que ça, il avait besoin de moi comme une taupe à besoin de son sixième sens. Je l’aidais à comprendre les formes, les lumières, la beauté de la vie. Je lui étais indispensable !

Chaque soir, les mêmes pinces qui m’emprisonnaient le matin, venaient me délivrer du support sur lequel j’étais posé, on repliait mes bras et malgré la douleur je ne hurlais pas, de toute manière cela m’était impossible. On me renfermait dans cet océan de noirceur où je passais des heures à me lamenter sur mon sort.

Tout cela se répétait en boucle. Chaque jour les cinq doigts m’attrapaient et posaient mes bras sur ces appuis faits de chair et de cartilage. Au moins, de cet emplacement, je pouvais voir la lumière, toutes sortes de choses de la vie quotidienne, la voiture, la foule, l’ordinateur, puis encore la foule, la voiture et enfin on me renfermait dans ma prison de tissu et de plastique.

Mais la dernière fois, mon propriétaire m’a brusquement reposé et mon bras s’est violemment tordu, une douleur vive m’a transpercé l’âme.

Une fois de plus je n’avais pu crier.

Bizarrement, le lendemain mon porteur ne vint pas me chercher, ni les jours suivants, me laissant seul dans mon désarroi.

Au bout d’une semaine il vint cependant et me transporta dans un étui où se trouvait déjà un petit mouchoir contre lequel je me pressais. J’étais apeuré, plongé dans l’inconnu. Puis je sentis l’étui s'ouvrir. De grandes mains m’attrapèrent et un homme à la voix grave s’esclaffa :

-" Ne vous inquiétez pas, monsieur, la branche de vos lunettes est seulement tordue ! "

Benjamin