Prix des Incorruptibles en 3e2
Par pg le 28 avril 2014, 14:10 - Des écrivains au collège - Lien permanent
Rencontre avec l’auteur
Jean-Michel PAYET le 10 avril 2014
Cette année c’est la classe de 3e2 qui a relevé le défi de lire les 5 titres proposés par l’association du Prix des Incorruptibles pour le niveau 3e/2de et de participer au vote national qui aura lieu courant mai pour départager le meilleur d’entre eux.
Dans le cadre de ce projet, les élèves ont eu le plaisir de rencontrer l’écrivain Jean-Michel Payet pour son livre Dans la nuit Blanche et rouge dont l’action se situe entre Pétrograd et la Sibérie centrale de février 1917 à août 1918, dans une Russie tsariste bouleversée par la révolution bolchévique et l’engagement dans le conflit mondial de 14-18.
Jean-Michel Payet était déjà venu au collège en 2012 pour son livre Mademoiselle Scaramouche.
« Pétrograd, février 1917. Dans
une Russie tsariste épuisée par des années de guerre, où grondent la famine et
le mécontentement, la comtesse Tsvetana Kolipova, 17 ans, rêve d'un monde
qu'elle voudrait plus juste. Contribuant à une revue clandestine, la jeune
fille découvre bientôt un secret familial qui va balayer ses repères et la
propulser dans le tourbillon de la Révolution.
Des premières émeutes populaires à l'exécution du Tsar et de sa famille,
Tsvetana cherchera ainsi à retrouver la trace de sa demi-sœur, Natacha, dont
tout la sépare ; à mettre la main sur un bijou aux vertus surnaturelles pour
lequel certains seraient capables de tuer et, plus que tout, à rejoindre Roman
Vrabec, ce jeune homme sans âge dont le destin semble irrémédiablement lié au
sien... » (4e de couverture)
Pourquoi ce thème historique ?
Je connaissais cette période, cette idéologie communiste qui a marqué toute une partie du monde jusqu'en 1989. Je suis né en 1955 et j'ai grandi entre ces deux idéologies de l'Ouest et de l'Est. Je voulais comprendre un peu mieux les enjeux de cette confrontation. J'ai aussi pensé à votre génération qui est née après la chute du mur de Berlin. Je ne voulais pas en faire un roman politique mais je souhaitais que ce thème fasse partie de votre culture.
Et puis, quel sujet intéressant, riche d’événements extraordinaires, d’anecdotes ! Une période où on a à la fois une guerre mondiale et une révolution.
Mais il n’y a pas que des motivations raisonnées dans le choix de ce thème. Il y a aussi l’envie, un désir assez confus finalement.
Pourquoi avez-vous eu envie de devenir écrivain ?
Question très difficile ! J’écris pour comprendre pourquoi j’écris. Ecrire me permet de trouver des réponses à mes interrogations. Lorsque j’étais enfant et adolescent, je lisais énormément. Ecrire m’a permis de prolonger mes bonheurs de lecteur.
Lorsque je suis avec mes personnages, je les envisage comme de vraies personnes et en même temps, c’est moi qui décide, qui tire les ficelles. Si j’ai envie de devenir footballeur, l’écriture m’en donne la possibilité.
Comment créez-vous vos personnages ? Sont-ils inspirés de gens réels ?
Non, pas dans ce roman. Je me documente beaucoup avant d’écrire. Pour ce livre, j’ai lu un grand nombre d’autobiographies et de biographies.
On retrouve un peu le même personnage d’un livre à l’autre. Ainsi, il y a pas mal de points communs entre Mlle Scaramouche et Tvsetana.
Pourquoi mêler l’histoire au surnaturel ?
J’ai besoin d’un petit moteur qui va déclencher l’action et je constate qu’à chaque fois, cet élément appartient au fantastique. Ensuite, quand j’écris le livre, cela devient presque secondaire. Mes personnages ne sont pas des super héros.
D’où vous vient l’inspiration ?
Je lis beaucoup, je me nourris en permanence de récits imaginaires ou non.
J’ai un sens de l’observation très développé. Un moment vécu, une expérience personnelle peut déclencher une démarche d’écriture.
L’écriture c’est 1% d’inspiration, 99% de transpiration.
Comment composez-vous votre récit ?
Je commence par un synopsis. C’est une phase de travail où l’histoire peut prendre plusieurs directions.
Comment en êtes-vous venu à faire partie du Prix des Incorruptibles ?
Je n’ai rien fait pour cela. Le comité de lecture du prix me propose de faire partie de la pré sélection. Il faut que l’éditeur soit d’accord et que l’auteur accepte de rencontrer les lecteurs.
Avez-vous un message à faire passer ?
Plutôt qu’un message, je souhaite vous apporter des billes pour construire votre propre réflexion à propos des thèmes que j’aborde ainsi que sur l’attitude des personnages. Loin de moi la volonté de vous asséner des idées toutes faites.
Vivez-vous de votre plume ?
Non, j’exerce aussi le métier d’architecte. Je suis aussi illustrateur.
Comment faites-vous le lien entre toutes ces activités ?
Ado, j’aimais lire et dessiner. Je faisais des théâtres dans des boîtes à chaussures. Je fabriquais des décors, j’utilisais des petits personnages et j’inventais des histoires.
Illustrateur, auteur, architecte. La vie fait qu’un fil va se développer plus qu’un autre en fonction des opportunités, des envies.
Pendant un temps, il y a eu plus de dessins que d’histoires et à un moment donné, l’envie d’écrire s’est réveillée.
Les difficultés que doivent affronter les personnages sont-elles inspirées par les événements historiques ?
Oui bien sûr :
Les mouvements de foule sont vraiment liés à des événements relayés par des journalistes heure par heure.
J’ai aussi réutilisé des situations réelles. Par exemple lorsque la foule offre un bouquet de fleurs à un officier et évite ainsi un bain de sang. Après, je me demande pourquoi ce bouquet de fleurs en pleine émeute révolutionnaire et je propose ma propre explication en lien avec mes personnages.
Je me suis aussi renseigné sur les trains à cette époque. La scène du tribunal et des jugements arbitraires dans une gare, alors que Tsvetana tente de retrouver son frère, est basée sur des faits réels. J’essaie toujours de vivre ça de l’intérieur.
Combien de temps vous a pris l’écriture de ce livre ?
A peu près un an d’écriture effective mais dix ans de préparation et de maturation.
Combien vous rapporte un livre comme celui-ci ?
Je gagne un euro par livre vendu. J’en ai vendu à ce jour 6000 exemplaires.
Pourquoi ces indications de jours et de dates en début de chapitre ?
J’avais
besoin de ces indications temporelles pour sentir la progression des événements
et ne pas faire d’erreur.
Il y a la première révolution en février 1917 et ensuite la révolution
bolchévique en octobre, l’exécution du tsar en juillet 1918 et la guerre civile
a duré jusqu’en 1923.
Pensez-vous à un autre roman ?
J’ai un livre à paraître dans le magazine « Moi je lis »
Je me suis intéressé récemment à la bataille de Lépante, une des plus grandes batailles navales de l’histoire entre la marine ottomane et la flotte chrétienne en 1571. Ce sujet va peut-être m’inspirer un nouveau roman.
Avez-vous de l’admiration pour Tsvetana ?
Je ne sais pas si je l’admire mais j’apprécie ses valeurs morales. Elle est courageuse et persévérante.
Cela dit, le fait qu’elle soit infirmière n’est pas un signe de courage parce qu’il était de bon ton dans l’aristocratie de l’époque, d’aller soigner les blessés.
Avez-vous prévu une suite à ce roman ?
Non. J’aime bien les personnages et cela ne me déplairait pas de les retrouver d’autant plus que les événements sont loin d’être terminés à la fin du livre.
C’est vrai qu’il y a des fils qui permettraient de continuer l’histoire. Je me laisse du temps mais ce n’est pas exclu. Par exemple, en travaillant, je me suis rendu compte que j’avais une vision très européenne de l’histoire de la révolution russe. Mais il y a aussi le versant asiatique de cette page de l’histoire. Que se passait-il à la frontière chinoise ?
Cela dit, je n’ai pas envie d’enchaîner les romans historiques.
Pensez-vous qu’un de vos livres pourrait être adapté au cinéma ?
J’aimerais bien mais les films historiques sont extrêmement compliqués et chers à réaliser.
De toute façon, pour moi, le cinéma n’ajoute rien au livre. Il suffit de commencer à lire pour être dans l’histoire, pour se faire son propre film.
Considérez-vous votre vie d’écrivain comme un plus ?
Oui bien sûr. Cela rend ma vie plus riche. J’ai toujours dans ma tête un monde en cours d’écriture. Dans ma vie il y a ce que j’ai réellement vécu mais il y a aussi tous les personnages que j’ai créés et ce qu’ils ont vécu.
Merci encore à Jean-Michel Payet de nous avoir parlé de la littérature et de son travail d’écriture avec passion.
Venez tous découvrir au CDI son livre magnifiquement dédicacé.