Alors comme vous, je me suis dit : « Ouf, enfin les vacances ! » avant de me rappeler qu'en plus de mes devoirs de vacances habituels, j'avais aussi un livre à lire. Zut, j'ai des devoirs à faire ! En même temps, vu la taille du livre, ça devrait aller, ma collègue de français a été plutôt cool dans son choix.

Le titre en lui-même m'a paru prometteur : Virus L.I.V 3 ou la mort des livres. J'y voyais déjà des hordes de zombies infestés déambulant dans les rues sombres, éclairés par la pâle lumière de la lune, à la poursuite de pauvres livres sans défense (eh bien quoi ? Vous avez déjà vu un livre se défendre, vous ?). Après coup, je me dis que je me suis peut-être un peu enflammée sur le scénario.

J'aime bien les histoires de science-fiction, j'adore l'idée de m’immerger dans des mondes qui n'existent pas encore, ou plutôt, qui n'existeront sûrement jamais mais qui sont une sorte de futur possible fantasmé. C'est donc avec un certain plaisir que j'ai entrepris la lecture de ce petit ouvrage et avec un peu de déception que je l'ai refermé à la fin. Je ne vais pas vous mentir : ce n'est pas un coup de cœur. Il est bien écrit, ce n'est pas la question. L'histoire est originale, c'est sûr. Il y a plein de pistes de réflexions que j'ai adorées comme je vous l'explique ensuite. Mais. Il y a un mais. La plupart des révélations qui sont censées être les rebondissements dans l'histoire sont trop prévisibles à mon goût. Je ne vais pas vous les dévoiler ici, mais clairement, je n'ai eu aucune surprise au cour de ma lecture.

Alors, il y a sûrement une explication à cela : soit je suis d'une intelligence supérieure ce qui me permet de percer les mystères de cette histoire avec une facilité déconcertante ; soit je ne suis pas la cible prévue par l'auteur. En effet, c'est un livre jeunesse (ce qui ne veut pas dire que je sois dans la catégorie vieillesse, n'est-ce pas ?! « jeunesse » en littérature est synonyme de « livre pour enfant et adolescent ») ! Je disais donc : c'est un livre jeunesse, le public visé est donc un public adolescent et forcément, l'écriture et l'intrigue s'adaptent pour parler à ce public. Je suppose que c'est pour cela que l'histoire en elle-même m'a paru trop lisse, trop facile à anticiper et donc a perdu de son intérêt à mes yeux. Mais voyons tout de même quelques extraits, car tout n'est pas à jeter, loin de là, comme je vous l'ai dit : de très intéressantes pistes de réflexions sont lancées à travers cette histoire et ces personnages !

Le PPP avait été instauré vingt ans auparavant. Pour décrocher cet examen, il fallait faire preuve d'un minimum de connaissances et savoir manier correctement la langue et les idées. Le PPP était obligatoire quand on devait s'exprimer en public devant plus de deux personnes. 

Ce PPP correspond au Permis de Prise de Parole, presque un rêve éveillé en tant qu'enseignante, non ? Imaginez : une interdiction formelle de parler si vous ne possédez pas, si vous n'avez pas un minimum de connaissances. Finies les interruptions de cours toutes les deux minutes par des élèves qui se plaignent, papotent ou pire, demandent de l'aide ! Non, en fait, je crois que ce serait terriblement ennuyeux comme vie !

En gros, l'histoire s'inscrit dans un monde où domine la République des Lettres, des gens sûrement très bien, pour qui les livres sont la richesse suprême, mais qui ont du coup tendance à rejeter toutes les autres activités que la lecture et à les rendre hors la loi. Ainsi se développe une force de résistance appelée les Zappeurs. Comme vous vous en doutez, vu le nom, ces derniers sont plutôt portés sur tout ce qui est écran, ordinateur, télévision, jeux-vidéo et internet. Dans le cadre de leur lutte contre le pouvoir des Lettrés, les Zappeurs inventent un virus qui efface les mots des livres une fois qu'ils ont été lus, condamnant ainsi les livres à disparaître. C'est là qu'entre en scène Allis, qui va devoir naviguer entre les deux mondes rivaux pour trouver un antidote.

L'opposition entre les deux mondes est incarnée, en fond, par la relation entre une mère et son fils. Elle est une écrivaie, qui fait partie des dirigeants de la République des Lettres. Lui a fui la maison familiale suite à une opposition trop forte avec sa mère (je ne vous en dévoile pas plus). Convaincu de ne jamais être accepté par sa mère, d'être pour toujours rejeté il s'est lancé dans la lutte contre les livres et est devenu un zappeur renommé. Ils personnalisent chacun l'un des deux mondes qui semblent s'opposer et ne jamais pouvoir se parler et encore moins se réconcilier. Pourtant, comme dans ce monde, comme dans cette relation, pourquoi faut-il toujours opposer les choses qui nous semblent différentes ? En quoi les livres et les écrans ne seraient-ils pas compatibles ?

Ce ne sont que des objets. De simples objets. Inanimés. Ils ont l'importance que nous, les hommes, leur accordons. Ils ont les adversaires que nous, les hommes, nous leur trouvons. C'est l'excès qui est à l'origine du mal, pas les objets. Un livre n'est pas mauvais en soi, ce n'est qu'une suite de mots. Mais une République des Lettres qui interdit les écrans, comme dans cette histoire, bascule dans l'extrême et, en cela, la situation devient mauvaise. Les jeux-vidéos ne sont pas mauvais, ce sont des distractions qui permettent d'accéder à des mondes et d'entrer en action dedans. Mais faire tourner sa vie autour du jeu et lui consacrer un temps qui déborde sur le temps de travail, de sommeil et de partage avec les gens qui nous entourent et rejette toutes les autres activités, c'est tomber dans l'excès. Tout est une question d'équilibre.

« SIDO : Était-ce une raison pour les détruire ? Les livres, eux, ne me trahissaient pas. Ils étaient ma réserve de rêves, ma provision de bonheur. Tout cela, votre virus l'a anéanti !

SONN : Plaisir de Lettrés, mademoiselle ! Nourriture de luxe ! Vous croyez que je combats les livres ? Au contraire : j'ai voulu les rendre accessibles au plus grand nombre !

SIDO : Mais ce ne sont plus des livres, Sonn ! »

Pourquoi faudrait-il choisir un camp ?

Les Zappeurs ont certes inventé une nouvelle façon de vivre les histoires racontées dans les livres, comme le cinéma en permet aussi une adaptation, mais l'héroïne a raison : ce ne sont plus des livres. La lecture a quelque chose de magique. Elle donne au lecteur un pouvoir infini : le pouvoir de faire naître ses propres images, rien que les siennes, dans sa tête, au fil des mots qui s’enchaînent sur les pages. Le pouvoir d'accéder à des milliards de monde, de voyages dans des lieux et des temps qui n'existent pas encore, ou n'existent déjà plus ou n'existeront jamais. Le pouvoir d'observer ou d'incarner différents personnages, de partager leur vie, de les suivre et de ressentir, avec eux, les sensations que font naître des événements qui ne nous arriveront peut-être jamais à nous-même.

Chaque livre est une multitude d'aventures : certaines nous enflamment, nous prennent à bras le corps et nous emmènentcjusqu'au bout sans nous laisser le temps de souffler. Certaines nous prennent aux tripes et nous tordent le cœur en faisant échos aux émotions les plus fortes qui sommeillent en chacun de nous. Certaines nous attendrissent, nous font sourire, ou rire aux éclats, nous font nous attacher aux personnages au point que nous ayons l'impression d'avoir fait la connaissance d'un nouvel ami. Certaines nous font réfléchir, nous poussent à remettre en question nos certitudes, nos actions, nos pensées parfois et nous montrent d'autres chemins possibles, d'autres regards que nous n’aurions pas imaginés. Et certaines enfin, nous déplaisent ou nous laissent indifférents, certaines ne sont juste pas faites pour nous, pas à ce moment là de notre vie, certaines nous dérangent, et chaque mot de plus à lire est une véritable plaie qui nous demande un effort surhumain.

C'est là tout le pouvoir des livres. Toute cette diversité propre à chacun. Les livres qui vont me transporter et me faire voyager comme jamais vont peut-être vous laisser totalement indifférents. Un livre que vous allez trouvé passionnant et qui va vous toucher pourra, moi, me déranger, me déplaire. Ou peut-être, serons-nous d'accord, parfois.

Mme P.