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Le livre le Maître-ignorant est le récit d’aventures intellectuelles. Celle de Joseph Jacotot d’abord qui, par hasard, découvrit l’égalité des intelligences.  Celle de Jacques Rancière ensuite qui, par hasard aussi, retrouva l’histoire et les écrits de J.Jacotot. Une seule voix nous parle alors, celle du livre.

Quelle passion de l’inégalité est la nôtre ? Je suis plus intelligent, pas le plus intelligent sûrement, mais plus intelligent que d’autres certainement, que beaucoup d’autres peut-être. Et même si je ne dis rien, je n’en pense pas moins.  Tous sûrement, les riches, les pauvres, les érudits, ceux qu’on fait des études, les illettrés, ont un imbécile, un idiot, un abruti. Mais les pauvres souffrent peut-être davantage d’une croyance en leur inégalité ; ils croient en l’inégalité des intelligences et ils la constatent, ils sont ignorants aussi et ne se sentent pas capables pour ces choses là. La passion de l’inégalité est partagée mais elle fait souffrir certains plus que d’autres.  

     Mais il ne s’agit pas d’expliquer un livre qui raconte l’histoire naturelle de la non-nécessité des explications. Il s’agit plutôt de le traduire, de le faire vivre à travers une autre aventure intellectuelle. Mais il faut aussi répéter les mots, ceux de Jacotot puis  ceux de Rancière. Emancipation intellectuelle, égalité des intelligences, capacité et attention, logique d’abrutissement, passion de l’inégalité… Alors lisons le texte ensemble, annonçons la bonne nouvelle et émancipons nous en tentant d’émanciper les autres.

Description d’une expérience de hasard.

 J.Rancière part d’une expérience faite au début du 19ème siècle par un professeur, Joseph Jacotot. En 1815, suite au retour de la monarchie des Bourbons (Louis XVIII puis Charles X), J.Jacotot s’exile aux Pays-bas de l’époque et enseigne à Louvain aux jeunes français et futurs belges francophones. Le succès de ces cours attire de jeunes néerlandais curieux mais qui ne parlent pas le français. Comment faire ? Jacotot ne parle pas le hollandais et les étudiants hollandais ne parlent pas le français ?

 La solution sera trouvée dans un livre, publié au Pays-bas à l’époque. Il s’agit de Télémaque de Fénelon dans une édition bilingue, sur la page de gauche le français, sur celle de droite le hollandais. Jacotot propose alors aux étudiants de se procurer l’ouvrage puis de répéter les phrases les unes après les autres, de chercher des correspondances, bref, de se débrouiller tout seul. Il leur donne rendez-vous six mois plus tard. Il leur demande alors de rédiger un texte en français sur ce qu’ils ont compris. Le résultat est extraordinaire. Les étudiants, sans maitre-explicateur, sans explication, sont parvenus à apprendre une langue au point de réussir à l’écrire correctement.

  Cette expérience est hasardeuse, Jacotot ne pouvait pas prévoir, anticiper les effets de ses consignes. Les résultats étaient imprévisibles. Mais il ne se contente pas de rester surpris par cette expérience, il va chercher à en tirer des leçons, les leçons qui s’imposent, aussi paradoxales et originales qu’elles soient. La réflexion se prolonge dans le Maitre-ignorant de J.Rancière.

 

  Première leçon. On apprend sans explication. (mots clefs : expérience, argumentation)

Cette thèse paradoxale (c’est-à-dire qui s’oppose à l’opinion ou au sens commun) s’appuie d’abord sur un problème logique qui est celui d’une régression à l’infini dans l’ordre explicateur. En effet, le maitre est celui qui va transmettre des connaissances en expliquant ce qui est contenu dans le livre. Il considère que le livre ne peut seul suffire à se faire comprendre, et  qu’il faut qu’une parole, celle du maitre qui sait, l’introduise et surtout l’explique. Pourquoi faudrait-il «  un ensemble de raisonnements pour expliquer l’ensemble des raisonnements que constitue le livre  » ? Dès lors, si des explications sont nécessaires à l’explication, d’autres explications devraient aussi être nécessaires aux explications de l’explication, et cela à l’infini. Voilà la régression à l’infini qui rend suspect le principe pédagogique de l’explication. Et l’explication qui est souvent orale accorde un privilège à l’ouïe sur la vue.  «  Cela suppose que les raisonnements sont plus clairs, s’impriment mieux dans l’esprit de l’élève quand ils sont véhiculés par la parole du maitre, qui se dissipe dans l’instant, que dans le livre où ils sont pour jamais inscrits en caractères ineffaçables. » Apprendre se fera désormais dans la classe pendant le cours du professeur. L’élève a compris qu’il a besoin d’explications, qu’il ne peut comprendre seul.

 

Texte (entretien Rancière)

Expliquer quelque chose à l’ignorant, c’est d’abord lui expliquer qu’il ne comprendrait pas si on ne lui expliquait pas, c’est d’abord lui démontrer son incapacité. L’explication se donne comme le moyen de réduire la situation d’inégalité où ceux qui ignorent se trouvent par rapport à ceux qui savent. Mais cette réduction est tout autant une confirmation. Expliquer c’est supposer dans la matière à apprendre une opacité d’un type spécifique, une opacité qui résiste aux modes d’interprétation et d’imitation par lesquels l’enfant a appris à traduire les signes qu’il reçoit du monde et des être parlants qui l’entourent.

 

 Mais pourtant combien de choses avons-nous apprises seul ? Par expérience, par répétition, par imitation, en avançant à tâtons, en devinant, en rapportant le nouveau au déjà connu… Nous n’avons pas appris notre langue maternelle à l’école. Il n’y a pas de leçon de langue maternelle, on l’a appris seul en écoutant et en imitant les autres.

   «  Tout homme a fait cette expérience mille fois dans sa vie, et cependant jamais il n’était venu dans l’idée de personne de dire à un autre : j’ai appris beaucoup de choses sans explications, je crois que vous le pouvez comme moi (…) ni moi ni qui que ce soit au monde ne s’était avisé de l’employer pour instruire les autres ». J.Jacotot, Enseignement universel. Langue maternelle.

La méthode véritable  est individuelle. La méthode est un chemin (odos) que l’on suit, mais un chemin qui se trace après coup, a posteriori. On explore seul le chemin, on le trace soi-même. Tandis que dans la logique de l’explication, la méthode est présentée comme le seul chemin possible, et ce chemin est tracé par l’enseignant. Le maître-explicateur donc ne se contente pas de montrer le chemin, il fait de la méthode, un seul chemin qu’il a balisé en étapes ou en obstacles.

Pourtant, tout ce que l’on a appris seul, on l’a appris en déployant notre attention. Une attention qui est à la fois observation et réflexion. L’observation est soutenue, la concentration ramène à un point ce qui est l’objet de notre intérêt. « Il s’agit toujours de rapporter ce qu’on ignore à ce que l’on sait, d’observer et de comparer, de dire et de vérifier » (Rancière, entretiens)

 Il s’agit de deviner, de tâtonner, de répéter ce que l’on a vu et compris. Saisir des rapports et ramener à ce que l’on sait.  «  Quand l’homme veut s’instruire, il faut qu’il compare entre elles les choses qu’il connaît, et qu’il y rapporte celle qu’il ne connaît pas encore. » J.Jacotot, Enseignement universel, Langue maternelle.

 La méthode est individuelle aussi parce qu’on part toujours du savoir que l’on a déjà ; « l’expérience de Jacotot permet, elle, de penser que le processus d’apprentissage n’est pas un processus de remplacement de l’ignorance de l’élève par le savoir du maître, mais de développement du savoir de l’élève lui-même. Il y a d’abord un travail autonome de l’intelligence, et ce travail va de savoir à savoir et non d’ignorance à savoir » (Rancière, entretiens).

 On sait toujours quelque chose. Une prière par exemple dit Jacotot. Le père de famille qui ne sait pas lire mais qui connaît par cœur une prière peut comparer le premier mot de sa prière avec le premier mot qui est écrit sur la feuille, puis le second et cela jusqu’à ce qu’il sache lire. On développe ce qui est déjà connu  c’est-à-dire qu’on l’étend à l’inconnu en saisissant un nouveau  rapport, une ressemble, une différence. Jacotot parle de « méthode naturelle ».  Ce que l’on sait, ce n’est pas ce que l’on a appris, c’est ce que l’on retient.

La première leçon qui dit que l’apprentissage véritable se fait sans explication peut très bien être entendue de la façon suivante : il y a un ordre explicateur qui abrutit. L’abrutissement signifie ici la séparation d’avec ses capacités. L’individu se dessaisit de ses capacités en attendant l’explication et en croyant à sa pertinence.  Voilà comment Rancière dans un entretien qualifie la méthode d’émancipation intellectuelle :

Comment faut-il entendre le terme d’abrutissement ? Jacotot montre que c’est cela même qui est la méthode la plus abrutissante, si l’on entend par abrutissante la méthode qui fait paraître dans la pensée de celui qui parle le sentiment de sa propre incapacité. L’abrutissement c’est au fond le propre de la méthode qui fait parler quelqu’un pour lui faire conclure que ce qu’il dit est inconsistant et qu’il n’aurait jamais su que ce qu’il avait dans la tête était inconsistant, si quelqu’un d’autre ne lui avait pas montré le chemin pour se démontrer à soi-même sa propre insuffisance.

 

 

Texte d’un entretien donné par J.Rancière.

Son idée est orientée vers une fin unique : la révélation d’une capacité intellectuelle. Son enseignement ne vise pas l'apprentissage d’une discipline quelle qu’elle soit. D’où une méthode qui s’arrête sur chaque lettre, chaque mot, chaque phrase, chaque idée. Si on possède bien vingt ou cinquante pages d’un livre quelconque, et si l'on peut en rendre compte avec ses expressions elles-mêmes, on est capable de n’importe quel autre apprentissage. C’est un défi, une provocation, mais aussi quelque chose qu’on vérifie tout le temps. On s’est formé essentiellement à partir des choses que l’on a déchiffrées soi-même, difficilement, laborieusement. La méthode c’est celle de l’aventure. Il faut trouver le chemin. Ce n’est pas la « méthode active », où le maître organise le parcours d’obstacles. Il s’agit de mettre la personne en situation de se servir de sa propre intelligence, non pour arriver au but mais pour se frayer un chemin.

Texte sur l’esprit de l’émancipation

L’opposition entre « abrutissement » et « émancipation » n’est pas une opposition entre des méthodes d’instruction. Ce n’est pas une opposition entre méthodes traditionnelles ou autoritaires et méthodes nouvelles ou actives : l’abrutissement peut passer et passe de fait par toutes sortes de formes actives et modernes. L’opposition est proprement philosophique. Elle concerne l’idée de l’intelligence qui préside à la conception même de l’apprentissage. L’axiome de l’égalité des intelligences n’affirme aucune vertu spécifique des ignorants, aucune science des humbles ou intelligence des masses. Il affirme simplement qu’il n’y a qu’une seule sorte d’intelligence à l’oeuvre dans tous les apprentissages intellectuels. Il s’agit toujours de rapporter ce qu’on ignore à ce qu’on sait, d’observer et de comparer, de dire et de vérifier.

   La réflexion sur le processus d’apprentissage conduit à penser l’égalité des intelligences. En effet, la description de l’expérience que nous faisons d’apprendre conduit à la répéter, la reproduire et de fait à se sentir capable de tout. On découvre que l’intelligence est un acte intellectuel qui est partout le même. Rancière écrit ceci :

«  L’essentiel est d’aider les gens à basculer d’un état d’incapacité reconnue à un état d’égalité où on se considère capable de tout parce qu’on considère aussi les autres comme capables de tout. »

Mais qu’est-ce que cela veut dire ? N’y a-t-il pas des gens plus intelligents que les autres ? N ’y a-t-il pas une inégalité des intelligences ? Et en quel sens considérer les autres comme également intelligents me conduirait-il à me considérer moi-même comme étant capable aussi de tout ?

 

Deuxième leçon : l’égalité des intelligences.

(mots clefs : attention ,acte, puissance, capacité, opinion, vérité)

L’intelligence est un acte et non pas un état. Il est toujours le même. Il est un acte d’attention. L’attention est quelque chose que l’on fait ou que l’on ne fait pas.

 L’analyse du mot attention à partir des expressions courantes (« faire attention », « attention ! », «  tu n’as pas fait attention »., Attention à la marche, regarde bien, écoute attentivement, Soit présent. Soit à ce que tu fais, tu ne peux pas être ici et là en même temps) révèle que l’attention est un acte qui est réclamé pour qu’une réalité soit perçue.   L’attention se requiert, elle est réclamée, attendue pour que la réalité puisse être vue, saisie, sue. L’intelligence n’est donc pas quelque chose que l’on est mais quelque chose que l’on fait. C’est un acte dont nous essayons de décrire la démarche. Cela veut dire qu’il n’y a qu’une seule intelligence à l’oeuvre dans tous les apprentissages intellectuels. Jacotot pose qu’il n’y a pas de différence entre des types d’intelligences. Tous les actes intellectuels s’opèrent de la même façon.

   Si l’intelligence est un acte d’attention, et si l’attention ne peut pas porter sur deux choses à la fois, je ne peux pas me concentrer sur un texte, un problème mathématique et en même temps penser à mon incapacité, à mon inégalité d’intelligence. La croyance en son infériorité intellectuelle rend incapable. L’obstacle à l’exercice des capacités de l’ignorant n’est pas son ignorance mais son consentement à l’inégalité. Il réside dans l’opinion de l’inégalité des intelligences

    Rancière écrit que l’égalité des intelligences est une croyance, une opinion. En quel sens faut-il le comprendre ? Cela remet-il profondément en cause l’idée  que l’on peut avoir  de l’égalité des intelligences ?

Une opinion qui se décrète et qui se vérifie. « L’égalité, en général , n’est pas un but à atteindre . Elle est un point de départ, une présupposition qu’il s’agit de vérifier par des séquences d’actes spécifiques ». cf. prolongement 1

 

 

Conclusion partielle : une redéfinition de la volonté comme vision du monde.

Les différences apparentes de capacité ne viennent pas d’inégalités d’intelligences mais de différences de volonté. Dès lors la volonté nécessite aussi une clarification conceptuelle.  Le maitre doit transmettre une volonté. Mais la volonté n’est pas véritablement une force, une énergie que certains déploierait plus que d’autres. Elle ne se pense pas seulement  en terme d’intensité et d’effort, de plus et de moins. Son contraire est peut-être la paresse ou la réticence à faire quelque chose. Mais avant d’être une énergie qui se déploie, la volonté est une représentation ; elle repose sur des représentations, des visions et des sentiments d’appartenance sociale.

La question est-elle alors de motiver l’élève ? Ce problème pour Jacotot ne se pose pas sous la forme habituelle : comment motiver celui qui n’est pas motivé, comment l’enfant, l’ignorant va-t-il apprendre quand il n’en voit pas l’intérêt ? Jacotot va au cœur même de cette expression : « ne pas en voir l’intérêt ». Ce qui est en jeu ce n’est pas tant une paresse ou une réticence, mais une structuration symbolique du monde. Parce qu'au fond qu'est-ce que c'est que vouloir ? C’est se reconnaître membre d’un certain type de communauté. Et ce qui fait obstacle au désir d’apprendre c’est le sentiment qu’on a pas besoin d’apprendre, que le savoir que l’on possède est en réalité supérieur à celui qu’on nous propose. L’ « ignorant » qui dit : « c’est trop compliqué pour moi », dit que ce savoir est inutile, et que seul compte pour lui la conduite pratique des affaires.

La volonté n’est pas une faculté qui serait plus ou moins développée, elle dépend d’idées, de représentation. La paresse est en réalité une vision du monde. Ce que je ne comprends pas, c’est ce dont je n’ai pas besoin. "Je ne comprends pas" n'est pas seulement une antiphrase, cela laisse entendre : j'ai assez de savoir de ce qui est réellement important pour ne pas m'occuper de ces futilités.

La volonté est constituée d’idées, ce sont les idées qui entrainent, qui ont un pouvoir d’adhésion. Ces idées sont des représentations sur  la place que l’on  occupe dans la société.

Jacotot propose une méthode pour ceux chez qui il est considéré comme normal de ne pas accéder au désir même de savoir. S'il ne nie pas le poids des inégalités sociales, il considère que reconnaître ce poids ne change rien au problème. Sa question est : comment faire que celui qui dit « je ne suis pas capable », se mette à dire « je suis capable ». Poser la question des poids sociaux dans l'éducation c’est y mêler un autre problème : comment faire de l’école un certain modèle de sociabilité ? L’institution scolaire lie le problème des capacités à un autre problème, celui du fonctionnement de la société scolaire dans son rapport à la société qui l’a produite et qu’elle produit. Jacotot, lui, considère que ce qui relève du social relève de l’inégalité. Autrement dit, ce qui relève de l’égalité ne relève pas de l’institution sociale. L’institution sociale poursuivra toujours un autre but que d’actualiser l’égalité. Jacotot se place dans une provocation radicale par rapport à toute institution scolaire. C’est ce qui fait notre distance par rapport à lui.

Il s’agit donc de prime abord de prendre conscience des enjeux de la redéfinition des notions d’intelligence et de volonté. Ces redéfinitions ne sont pas anodines, elles engagent l’homme d’une nouvelle façon dans l’entreprise de connaissance. Elles conduisent à minimiser le poids de l’héritage culturel et social. Il s’agit de ne pas s’enfermer dans le cercle de l’impuissance en refusant de changer de place, de quitter une position sociale.

Le maitre-émancipateur forcer l’élève à regarder vers ce qu’il n’a pas l’habitude de regarder.  La volonté de l’élève se force en exigeant de lui discipline et attention. Mais la discipline n’est pas ici la surveillance et le conditionnement, elle est la condition matérielle de la capacité d’être attentif. L’acte du maitre est d’obliger une autre intelligence à s’exercer. Ainsi il pourra être cause de savoir sans transmettre  aucun  savoir. Il pourra enseigner ce qu’il ignore.

 Il convient donc  dissocier deux rapports intriqués: un rapport de volonté à volonté et un rapport d’intelligence à intelligence. Le rapport entre le maître-émancipateur et l’élève est un rapport de volonté à volonté et non d’intelligence à intelligence. L’intelligence de l’enseignant ne s’oppose pas à celle de l’élève, elles ne sont pas face à face,  elles portent toutes les deux sur une chose commune qui est pleine d’intelligence, le livre (MI.P66)  Elles sont côte à côte.

Jacotot inverse le sens de la dissociation : le maître ignorant n’exerce aucun rapport d’intelligence à intelligence. Il est seulement une autorité, seulement une volonté qui commande à l’ignorant de faire le chemin, c’est-à-dire de mettre en oeuvre la capacité qu’il possède déjà, la capacité que tout homme a démontrée en réussissant sans maître le plus difficile des apprentissages : celui de cette langue étrangère qu’est pour tout enfant venant au monde la langue dite maternelle. Rancière, Entretiens.

Il ne s’agit plus pour le maitre de transmettre une connaissance, mais de transmettre une volonté. A quoi voulons nous consacrer notre intelligence ? A nous prouver que nous sommes incapables ou au contraire à nous prouver que nous sommes capables ?