La découverte de la RAISON

 

La notion de vérité est associée aux idées d’objectivité, de communicabilité, d’universalité de nécessité et d’unité.

La vérité se définit à deux niveaux : conformité au réel (vérification, expérimentation) et

conformité aux principes logiques (principe de non contradiction – démonstration, déduction).

But du cours. L’élève sera capable d’identifier plusieurs types de discours : philosophique, scientifique et religieux. Il connaitra les grandes étapes de l’histoire des sciences. Il pourra distinguer dogmatisme, scepticisme et relativisme. Enfin le projet du cours  est de montrer que cette notion n’a pas toujours existé et qu’il y a une historicité de la notion de vérité.

 



 

I. L’invention de la raison.

 

A.La rupture avec la vision mythologique du cosmos

 Le discours de la pensée rationnelle et objective va apparaître aux 6 et 5ème siècles avant J-C en Grèce en se dégageant d’une pensée religieuse et mythologique. Pour commencer décrivons le contexte mental de la pensée pré-rationelle. La culture grecque archaïque est une civilisation fondamentalement orale qui repose sur l’écoute des chants poétiques qui sont transmis de génération en génération. Ces chants racontent des récits légendaires qui portent sur le passé des hommes,  les exploits des héros, la vie des dieux, leurs familles, leur généalogie, mais aussi sur le monde, sur sa figure et sur son origine. Les grands poètes de cette période sont Pindare, Hésiode et Homère. Le poète retrouve ces récits lors de visions divinatoires qui sont placées sous le signe de la déesse Mnémosyné qui est Mémoire et mère de Muses. Cette mémoire n’est pas une mémoire individuelle mais elle est collective et elle atteint le souvenir de l’origine. 

   Quand vont apparaître les Physiciens de l’école de Milet (Thalès - 625-547, Anaximandre  et Anaximène) presque plus rien ne subsistera de cette imagerie dramatique dans leur conception. Ils vont proposer un nouveau mode d’intelligibilité et ils s’exprimeront en prose. Ils exposent une théorie explicative concernant certains phénomènes naturels et concernant l’organisation du cosmos. On est passé de l’oral à l’écrit, du récit mythique à une enquête sur la nature (en grec phusis). Aucun être surnaturel n’intervient dans cette explication. Ce sont au contraire des éléments : l’eau, l’air, la terre ou le feu qui serviront de principes explicatifs aux phénomènes naturels et non plus surnaturels comme le tremblement de terre, l’éclipse (que Thalès va prédire) ou l’éclair (qui n’est plus lancé par Zeus). On est passé d’un ordre cosmique hiérarchisé (par les Dieux de la mythologie grecque) à un ordre égalitaire. (remarque : il est possible de dresser un parallèle entre cette nouvelle conception de la nature et l’avénement de la cité démocratique grecque -  Solon et Thalès figurent parmi les 7 sages).  Les milésiens ont donc exposé une conception nouvelle (on a pu parler d’un « miracle grec ») du cosmos  qui rejette le merveilleux et le surnaturel. Le merveilleux n’est plus le signe du surnaturel. L’insolite ne fascine plus mais mobilise l’intelligence ; on est passé de la vénération à l’interrogation.

 

Mais les milésiens sont-ils des philosophes ?

 Le mot philosophe n’apparaît qu’avec Héraclite, et son sens est précisé par Platon et Aristote. Avec Socrate, une exigence plus grande sera portée sur la cohérence du discours (qui est l’autre critère de la vérité), c'est-à-dire sur les impératifs logiques de la pensée. Aristote reconnaitra en Socrate le premier logicien. Le premier philosophe, Socrate (470-399), se démarque en ce qu’il entend rompre avec l’opinion (doxa en grec).

 

B. La rupture avec la Doxa.

Le second trait qui caractérise la nouvelle pensée grecque est la recherche dans le discours d’une cohérence interne. Cette recherche s’effectue par la définition rigoureuse des concepts (c’est la question de l’essence ou de la nature) et par le rejet de la contradiction (c’est le principe de non-contradiction). La raison (logos en grec) est immanente au langage. Elle va changer les hommes et non transformer la nature. Socrate développe par cette exigence de clarté et de vérité une vision éthique qui interroge les valeurs (qu’est-ce que le bien ? le courage ? le juste ? etc.) Socrate s’oppose avec véhémence aux sophistes. Le sophiste est un intellectuel itinérant qui maîtrise l’art de bien parler (la rhétorique). Socrate va montrer que les sophistes ne pensent pas véritablement ce qu’ils disent : ils parlent par pur mécanisme. Socrate distingue clairement d’une part la persuasion qui est l’art de l’avocat qui est peu préoccupé de la vérité et d’autre part  la conviction qui vise à créer des certitudes durables chez l’interlocuteur. Il invente le concept et le dialogue véritable. Celui-ci permet la vérification des propositions (c’est l’épreuve de la recevabilité d’un discours), sa progression est lente et méthodique et il a pour finalité d’arriver à répondre à la question posée (toutefois le dialogue est parfois aporétique). Il vise donc la construction d’un discours universel c'est-à-dire d’un discours que tout homme peut accepter car il répond aux exigences de la raison qui est universelle et qui est en chacun de nous. La parole n’est plus un simple instrument de communication voire de domination et de manipulation, elle devient le moyen d’atteindre la vérité. Socrate n’a rien écrit, c’est son disciple, Platon (470-399)  qui l’a mis en scène dans ses Dialogues.

 

    Socrate est donc celui qui interroge ceux qui prétendent savoir. Il les interroge sur les valeurs qu’ils sont censés connaître parce qu’ils les pratiquent  comme le courage, la  tempérance, la piété, la justice, la beauté, etc. Socrate montre à ses interlocuteur qu’il est difficile de dire l’essence, c'est-à-dire la nature de ces valeurs sans tomber dans des contradictions qui mènent à des apories.  La recherche de l’essence, c’est la recherche de la définition qui correspond à la fameuse question « qu’est-ce que ? ». Cette question est la question par excellence de Socrate. La philosophie nous apprend donc à distinguer clairement l’usage d’un mot de son essence. L’usage d’un mot c’est ce qui nous est donné dans le dictionnaire ; il nous dit ce que nous savons déjà. La recherche de l’essence n’est pas la recherche des exemples. Si je recherche l’essence du beau, je ne pourrai me contenter de savoir ce qu’on dit qui est beau (une belle femme, un beau jeune homme, un beau cheval, etc.). Cette recherche suppose au contraire d’accéder à travers la multiplicité des exemples à l’unicité de l’essence. 

  Elle suppose donc une suspension dans le rythme de la vie c'est-à-dire  une parenthèse au sein de la vie quotidienne pragmatique et utilitaire. La question « qu’est-ce que » est pour Socrate le commencement de la sagesse car elle suppose la suspension provisoire de toute relation purement pragmatique aux choses, aux actes et au langage. Le familier doit donc devenir étrange. Il faut que « se relâche l’urgence vitale ». La philosophie est  un moment de conscience qui est est un moment d’éternité puisqu’elle atteint l’universalité de la pensée.

Enfin,  la recherche de l’essence a pour finalité la bonne action c'est-à-dire la conduite raisonnée de la vie. En effet, ce n’est pas pour mieux parler que Socrate recherche l’essence des valeurs, mais c’est pour bien agir. Il développe un moralisme rationnel : en atteignant l’universel dans la pensée, j’agis avec justice et justesse.  Il y a une identité entre Vertu,  Raison  et Bonheur. En développant l’intérêt pour la Raison, la philosophie   détache l’homme de son désir  des richesses et des honneurs.

 

 

C. La parole qui guérit.

Si la parole philosophique guérit ce n’est pas à la façon de la psychologie ou de la psychanalyse. En effet, avec la philosophie, c’est l’individu et non la personne qui est visé. Le «  Connais-toi toi-même » que rappelle Socrate invite chacun à connaître l’homme qui est en lui, il vise l’universel contrairement à une introspection qui s’intéresserait à une histoire personnelle et particulière.   Socrate  est un guérisseur qui guérit par la parole de la mélancholie de l’échec, de l’inaccompli et  de la blessure de la négativité, c'est-à-dire que tout dans le monde semble contradictoire, apparence et  dissimulation.  Les hommes sont trompeurs. Et les choses aussi ; le même est à la fois plus grand et plus petit ; il est une chose et son contraire. Il y a une amphibolie du réel ; comme si le réel ne cessait de contredire ce qu’on venait de dire.  La beauté d’Alcibiade par exemple est provisoire ; ce qu’on recherche devient alors décevant ; quant au tyran qui désire, son plaisir est fini, limité et son désir alors insatiable (comme un tonneau percé).  Le désir est bien contradictoire car il est  désir de ne plus désirer.

    L’essence d’une chose n’est donc pas dans l’existence. Si on reste au niveau de l’existence (sans rechercher l’essence),  le relativisme alors et le  sensualisme sont  la  « vérité » de ce monde.  Mais la notion d’être est-elle à rejeter dans ce monde où  tout est mouvement ?   Le monde et son devenir  mettent le langage et sa permanence en déroute comme si le langage n’était pas celui de ce monde. L’ironie socratique  révèle cette contradiction et elle conduit l’interlocuteur à ne plus pouvoir parler : c’est l’aporie c'est-à-dire  le silence de détresse, le sentiment d’étrangeté.

 

 

 

II . La découverte des réalités intelligibles

Platon va montrer que la vérité n’est pas enseignée mais qu’elle est découverte. Cette vérité, chaque âme la porte en elle-même. Platon va montrer alors  que le savoir est possible, il va ainsi dépasser  les points de vue sceptique et relativiste. Le point de vue sceptique est celui selon lequel nous n’avons que des opinions, et qu’il est impossible de connaître quoi que ce soit. Le relativisme et  le perspectivisme font de l’homme la mesure de toute chose.

 

 A. Les difficultés posées par la réalité sensible.

 Le réel sensible correspond à tout ce qui est extérieur à nous et auquel nous accédons par nos cinq sens. Ce réel m’est donc donné dans une perception qui est subjective puisqu’elle dépend de la nature de mes organes sensoriels et de mon point de vue (subjectivisme, perspectivisme, relativisme). De plus, ce réel est en perpétuel changement (c’est la thèse du mobilisme universel). Comment puis-je dès lors prétendre le connaître, c'est-à-dire savoir ce qu’il est en lui-même, objectivement ?  L’homme est-il condamné à ne rien pouvoir savoir ?

Tout ce qui est visible et sensible est multiple, instable, changeant, et ne peut être l’objet d’une connaissance véritable, mais seulement de sensation et d’opinion. Les sensations changent en même temps que les réalités qui affectent l’individu ; l’opinion qui est l’idée de cette réalité est donc également instable. Mais la véritable distinction n’est pas celle du sensible et de l’intelligible, c’est celle qui sépare l’être toujours même du devenir, lequel engendre des phénomènes pouvant toujours apparaître autres. Croire que rien n’est soustrait à l’action du devenir, c’est faire de l’opinion le seul savoir possible.

En revanche, tout ce que l’intelligence connaît d’elle-même, sans l’intermédiaire de la sensation, n’a pas l’instabilité du sensible. Platon postule qu’il y a des réalités intelligibles, éprouvées par l’âme directement, qui sont les Formes ou les Essences. Ces idées peuvent être l’objet d’une véritable connaissance parce qu’elles sont immuables.

 

B. La réalité intelligible et les mathématiques.

Dans le Ménon de Platon, Socrate va demander au jeune esclave analphabète de Ménon de résoudre un problème de mathématique : celui de la duplication du carré. Comment trouver le carré dont la surface sera double de celle d’un carré donné ? Le jeune esclave, en répondant aux questions de Socrate, trouve la réponse à ce problème. 

 Socrate dit que l’esclave a  tiré la science de lui-même.  On peut conclure que les mathématiques ont ce privilège de n’avoir besoin d’aucune expérience pour que leurs vérités soient acquises. Ceci nous conduit à nous interroger sur la nature des objets mathématiques.  Le mode d’être des objets mathématiques est celui d’être de pensée, d’intelligibles. On peut parler de réalités intelligibles à leur égard car non seulement on ne peut avoir accès à eux que par l’esprit  mais ils ont aussi une réalité qui dépasse l’esprit (ex. les nombres irrationnels, Pi, 3,14…). Parce que ces connaissances ne dérivent pas de l’expérience sensible elles peuvent être véritables et objectives. Elles échappent au relativisme de la perception sensorielle.

Dans la République, Platon souligne la parenté entre les mathématiques et la philosophie, ce qu’il appelle aussi la dialectique. L’une et l’autre sont des formes de connaissance qui ont pour objet le domaine intelligible. Les sciences mathématiques ont un pouvoir de conversion, elles détournent l’âme du sensible vers l’intelligible. Elles ont une utilité propédeutique. . On comprend mieux pourquoi sur le frontispice de l’Académie on pouvait lire ceci : «  que nul n’entre ici s’il n’est géomètre ».

La philosophie de Platon est déterminée par la conviction qu’il existe des réalités intelligibles qui sont les principes ultimes de la réalité, ce sont les Idées, ou Formes ou Essences (ces trois mots sont équivalents). La dialectique va rechercher ces Essences.

La supériorité du savoir dialectique sur les sciences mathématiques tient  à sa puissance de mettre en question ce que les autres ne font que poser. C’est pourquoi la science dialectique est la seule à pouvoir atteindre ce qui est réellement principe et à avoir ainsi pleinement l’intelligence de ce qu’elle dit. Mais le dialecticien doit toutefois  apprendre les mathématiques pour se préparer à la dialectique.    

 

C. La réminiscence

La réminiscence est la conscience d’une autre présence. Elle est conscience d’une autre présence dont elle fait ressentir l’absence. On éprouve quelque chose de tel quand, voyant une chose, on pense « cet objet souhaite être tel qu’une autre réalité, mais il lui manque quelque chose, il ne peut pas lui être semblable ». La réminiscence est une affection, un pathos. Se ressouvenir, c’est éprouver le manque de réalité vraie et de qualité parfaite des choses sensibles. L’amant qui voit le portrait de l’aimé se répand en réflexions amères sur ce qui manque, qui n’est rien d’autre que la réalité elle-même. Le sentiment du manque tient à l’orientation du désir. La réminiscence propre au philosophe est comme la généralisation de l’expérience de l’amoureux. En se ressouvenant, il cesse de croire à la présence suffisante et pleine des choses sensibles pour les métamorphoser en signes d’une autre présence. La totalité sensible devient pour lui l’occasion de se reporter à une autre réalité, qu’on ne peut percevoir, non parce qu’elle serait provisoirement absente mais parce qu’elle est en elle-même impossible à percevoir par les sens.  Le point de départ n’est donc pas la sensation en elle-même, mais le sensible réfléchi dans sa déficience, ce qui le constitue tout entier en image imparfaite.

 Tous les hommes doivent pouvoir se ressouvenir, mais tous  ne le désirent pas. (cf. allégorie de la caverne) L’oubli ne signifie pas la perte d’un contenu ;  ce qui est oublié n’est pas une somme de connaissances mais la puissance de l’âme d’atteindre « la vérité des êtres », c'est-à-dire les Essences.

 

 

D. L’éducation (paideia) nécessaire à la connaissance véritable.

 Elle suppose une discpline…

L’homme n’est pas que raison. Il est aussi pulsions. Or celles-ci peuvent être dangereuse pour l’homme lui-même; elles sont une puissance que l’homme peut retourner contre lui-même. Son existence est alors désordonnée, inquiète, conflictuelle et malheureuse.  Il faut donc dompter ces puissances pour qu’elles servent l’homme plus qu’elles ne le déservent.

 La conception de l’âme chez  Platon (République IX) invite l’homme à devenir philosophe. L’homme doit être sage pour mettre de l’ordre à l’intérieur de son âme qui est multiple (nous, thumos et epithumia). Il faut que l’homme parvienne à la maîtrise de soi par la domination de la partie intellective de son âme. Cette conception est plus proche du modèle politique que d’une inspiration morale : il s’agit de hiérarchiser les facultés comme on hiérarchise dans une cité les classes fonctionnelles et sociales, et ceci en vue d’une optimisation de l’organisation du tout et de son fonctionnement, que ce tout soit l’homme ou la cité. C’est cela  que Platon appelle justice. La justice chez Platon et le rapport fondamental qu’elle entretient au Bien sont étrangers à la notion de justice telle que l’entend de façon moralisatrice le sens commun aujourd’hui. La justice n’est rien d’autre que la bonne organisation du composé.

  Comment envisager la culture dans ce contexte théorique ? La culture n’est pas la substitution d’une culture à une nature mais elle est une réorientation, un domptage, une discipline de la nature.  C’est ce que signifie le terme grec  Enkrateia (signifie le fait que la force – kratos – soit dedans – en-). Non seulement la force est en dedans de soi mais elle est aussi maitrisée par soi. L’enkrateia est le but suprême de ce que les Anciens ont appelés Paideia pour définir leur conception de la culture. C’est la puissance du thumos qui est réorientée par le nous qui est mesure. La mesure est un pouvoir, contrairement à la démesure qui est une impuissance (hybris).  La culture ou paideia prend une forme « musicale » (c'est-à-dire qui se rapporte aux Muses et à l’ensemble des arts littéraires et plastiques). Ce qui importe, c’est que la culture soit porteuse de rythme et d’harmonie aussi bien dans la langue de la poésie que dans les sons des mélodies ou même dans la gymnastique du corps. La culture a pour vocation de tempérer et d’harmoniser le composé humain afin qu’il s’entretienne et consonne bien. 

    La discipline reste toujours du domaine de la pure extériorité dans la mesure où elle impose des règles pour dompter nos instincts bien plutôt qu’elle ne produit des représentations pour nourrir notre esprit. Il s’agit ici plus de réguler nos gestes que nos pensées.  C’est la  discipline qui police nos instincts et  qui régule nos gestes. 

  Mais  la discipline n’est pas tant une férule que l’on applique à une force innée et sauvage qu’un exercice de soi pour la constitution de sa force propre. En tant que rythme et harmonie, la culture des grecs  laisse naturellement la place fondamentale aux mathématiques. Les mathématiques sont l’essence même de cette quête de rythme et d’harmonie.

 

 …et un philosophe.

    Socrate au début du VIIème livre de la République de Platon nous demande d’imaginer des prisonniers dans une caverne souterraine qui ont derrière eux un feu et qui sont attachés d’une façon telle qu’ils ne peuvent voir, sur le mur d’en face, que les ombres des marionnettes manipulés au-dessus d’un mur situé dans leur dos. Ils pensent qu’il n’y a rien d’autre à voir ; si on les libère de leurs liens, et si on les force à se retourner vers le feu et les marionnettes, ils sont en proie à la confusion, et sont donc plus heureux si on les laisse dans leur état initial. Ils s’emportent même contre quiconque chercherait à leur dire à quel point leur situation est pitoyable. Seul un petit nombre d’entre eux peut supporter la prise de conscience du fait que les ombres ne sont que des ombres projetées par les marionnettes ; ceux-ci entament alors le voyage libérateur qui les conduit au-delà du feu, et hors de la caverne, jusqu’au monde véritable. Là, ils sont tout d’abord éblouis, et ne peuvent supporter de voir les objets réels qu’au moyen de leurs reflets, et de façon indirecte ; mais ensuite, ils les regardent directement, sous la lumière du soleil, et peuvent même tourner leur regard vers le soleil lui-même. Dès lors, les philosophes doivent redescendre dans la caverne pour libérer les prisonniers et les obliger à cette conversion du regard qui est la  conversion du sensible vers l’intelligible.