Situation 30: avons-nous le devoir de chercher la vérité?
Avons-nous le devoir de chercher la vérité ?
A cette question, nous répondons spontanément de façon positive : oui, il est de notre devoir d'homme de chercher la vérité. Quelque chose en nous nous oblige et nous fait nous sentir coupable lorsque nous semblons nous soustraire à cette injonction : recherche la vérité ! La paresse semble être le premier ennemi de cette quête. Et en effet, chercher la vérité implique toute une activité de l'esprit. Il faut commencer par s'étonner, puis se questionner et tenter de répondre à la question que l'on s'est à soi-même posée. Il faut examiner, douter, interroger, critiquer nos idées pour en mesurer la validité. Cette activité de l'esprit ne se fait pas sans effort et nous trouvons toujours un moyen pour y échapper : si on ne se contente pas des idées déjà admises on remet à plus tard le moment de leur examen. Rechercher la vérité est une activité intellectuelle qui suppose une démarche méthodique et rigoureuse qui doit satisfaire une exigence qui est double. D'une part, la pensée doit être rigoureusement construite, elle doit être un raisonnement qui a une cohérence interne c'est-à-dire qui obéit au principe de non-contradiction. D'autre part elle doit correspondre au réel ; mon idée n'est vraie que dans la mesure où elle dit quelque chose de ce qui est ; elle est un jugement qui doit être en adéquation avec la chose. La recherche de la vérité suppose une démarche rationnelle de l'esprit humain. Mais pourquoi cette recherche serait-elle connotée moralement ? Pourquoi devrait-on dire qu'il est bon de rechercher la vérité et mauvais de la négliger ? Pourquoi la vérité aurait-elle une valeur morale ? La recherche de la vérité vise la connaissance de ce qui est, pourquoi aurait-elle un lien quelconque avec la question de savoir comment je dois agir. La vérité désigne le champ de la connaissance humaine, le devoir celui de son action. Mais pourquoi faudrait-il les confondre ? Pourquoi même devrais-je me sentir obligé de chercher la vérité ? Au delà de l'impression de cette obligation, ne puis-je pas examiner la valeur de la vérité ? Ne puis-je pas questionner cette volonté morale de vérité ?
Une des raisons qui pourrait justifier la valeur morale de la recherche de la connaissance c'est l'idée que le Bien qui oriente nos actions morale doit être connu. En d'autres termes, pour pouvoir agir de façon juste et bonne je dois savoir ce que sont le Juste en soi et le Bien en soi. La vision intellectuelle de ces Essences conduirait à une action bonne. En ce sens la recherche de la vérité est un devoir préalable à la celui de l'action bonne. On serait en présence ici de ce qu'on pourrait appeler un intellectualisme moral. La moralité suppose un développement de l'intellect c'est-à-dire de la raison. Mais cet argument est limité car il réduit la recherche de la vérité à la seule connaissance des essences telles le Juste et le Bien. Or la recherche de la vérité est une quête de connaissance qui porte sur tout ce qui est. Elle n'est pas limitée au seul domaine de la morale, elle porte aussi sur la Nature en général qu'elle soit physique, psychique ou morale. Peut-être pourrions-nous dire alors que raisonner lorsque l'on cherche la connaissance c'est une activité qui est à la fois théorique (c'est-à-dire qu'elle concerne la connaissance) et pratique (elle concerne l'action). En effet, raisonner c'est développer une faculté de l'âme, l'intellect, qui sera la faculté maitresse de l'action morale. Si je présuppose comme Platon nous y invite que notre âme est divisée en trois parties pour lesquelles une harmonie doit être trouvée. Dans le Phèdre Platon se représente l'âme comme « une puissance composée par nature d'un attelage ailé et d'un cocher ». Dans la République, il parle d'un sac. Il voit différents personnages qui doivent cohabiter à l'intérieur d'un même sac. La question à se poser est celle des rapports entre ces figures. Le rapport juste est le rapport qui assure la plus grande harmonie. Ce sont des animaux qui vivraient en paix s'ils étaient tous pareil à l'un d'eux, la tête (le Noûs- l'intellect), qui calcule et qui combine. C'est l'homme, la figure du sage. Mais il n'occupe que le second rang, il y a au-dessus dans une hiérarchie de puissance le coeur, le thumos, lieu du coeur et de l'emportement. Cette partie là est pur don, courage et générosité. Mais en dessous, se trouve le ventre insatiable du mendiant de l'Odyssée (Chant XVIII) qui manque et qui se déploie en mille désirs. « Et la condition de l'homme, ainsi fait de trois bêtes, est qu'il ne peut cesser de s'irriter, ni cesser de se nourrir. Le sage se trouve ainsi au service du lion et de l'hydre, et dans le plus intime voisinage, de façon que tant qu'il n'a pas mis la paix entre eux d'abord, puis entre eux et lui, pas une autre pensée ne pourra lui venir que de besoin et de colère. » Penser est une activité qui non seulement nous apporterait des connaissances et nous délivrerait de l'erreur mais qui aussi nous apprendrait à devenir maître de nous-mêmes. Or ne pouvons-nous pas définir l'action morale comme une action qui suppose la maîtrise de soi ?
Allons plus loin et examinons la notion de devoir. Elle implique une obligation, c'est-à- dire quelque chose qui s'impose à nous soit du dehors soit de nous-mêmes. Or penser c'est-à-dire chercher la vérité n'est-ce pas le propre de l'homme ? Ne pouvons-nous pas définir l'homme comme un « animal rationnel », un animal qui a en propre le logos c'est-à-dire la parole et la raison. N'est-ce pas dès lors un devoir que d'actualiser cette puissance que nous portons en nous et qui porte notre humanité ? N'est-ce pas un devoir qui nous incombe que de nous élever jusqu'à ce qui fait notre dignité c'est-à-dire ce qui nous distingue de l'animalité ? Par la raison je suis un homme. Je ne suis donc véritablement homme que lorsque ma rationalité s'est développée. Un enfant porte en lui son humanité mais il doit la réaliser en passant par l'éducation. L'éducation a pour but de conduire l'individu hors de son animalité, c'est-à-dire de sa brutalité et de son égoïsme. La notion de devoir implique cette transformation, elle ne se contente pas de ce qui est, elle vise à être autre et à être meilleur. Le devoir désigne toujours un devoir-être autre. Enfin, si nous devions chercher encore un argument qui expliquerait pourquoi nous nous sentons obligés moralement à chercher la vérité, ne pourrions-nous pas avancer l'idée selon laquelle la recherche de la vérité est porteuse d'une valeur morale, à savoir la paix. En effet, l'idée vraie qui résulte d'une recherche rationnelle est universelle, elle peut être la même pour tout ceux qui feront l'effort de suivre le raisonnement. Dès lors atteindre l'universel de l'idée vraie c'est dépasser les particularités ethniques, culturelles, sociologiques qui divisent bien souvent les hommes. La recherche de la vérité étend la communauté humaine à l'ensemble de l'humanité et non à une nation ou à un peuple. La vérité est internationale.
Mais ne remarquons nous pas que la conception de la vérité qui est ici engagée est celle d'une vérité qui est en dessous du voile des apparences de notre réalité sensible. Notre monde sensible ne peut pas faire l'objet d'une connaissance, il est trop instable, trop peu sûr, et nous-mêmes qui en faisons l'expérience connaissons des modifications. Le réel est mobile et il est relatif à celui qui en fait l'expérience. Nous devons donc apprendre à nous détourner de ce monde sensible pour voir la vérité. Nous devons nous détourner du monde de la vie pour accéder au vrai. Les vérités sont des réalités intelligibles. La morale ne consiste-t-elle, elle aussi, en une dévalorisation du monde de la vie. La recherche de la vérité ne serait-elle pas dès lors un prolongement de la morale? Si rechercher la vérité nous apparaît comme un devoir ce n'est pas qu'il y aurait une grandeur à le faire mais c'est que l'origine de la vérité, c'est la morale.
La vérité nous apparaît comme un absolu duquel il faudrait tenter de se rapprocher. Elle apparaît comme transcendante au monde, les hommes la dévoile peu à peu de son enveloppe d'opinions et de sensations, et elle leur fait face inspirant leur soumission. Cette soumission est-elle volontaire ? Ou bien est-elle subie ? La vérité est-elle un absolu? Ou bien est-ce une idole ? Une fiction de l'esprit ?
Qu'est-ce que cette recherche de la vérité a comme effet sur l'homme sinon la culpabilisation de celui qui paresse et a l'impression de ne pas fournir les efforts qu'il devrait, sinon la dévalorisation d'une réalité sensible riche en nuances, intelligente de subtilités, sinon la discipline d'un corps qui apprend à maîtriser « ses pulsions », etc. Cette interrogation sur le devoir de vérité nous conduit à prendre conscience de tous les effets de ce devoir. Ces effets sont causes d'affects tristes, de passions qui diminuent ma puissance de penser et d'agir ; la culpabilité de ne pas la rechercher, la honte de parfois se laisser aller, de ne pas lui être digne. Si on réduit la recherche de la vérité à la possession d'une culture générale conséquente ne peut-on pas faire l'hypothèse que celle-ci vise avant tout à distinguer, à comparer, à hiérarchiser les individus. Et les plus ignorants de se fâcher avec l'idée du savoir, devenant bête à force de croire à leur propre bêtise, s'énervant d'un savoir qu'ils n'ont pas et qui les humilie...
Le monde de la vie n'est-il pas méprisé ? Il ne faut plus sentir, écouter des émotions, réaliser des désirs, bref se sentir vivre ; il faut interpréter, expliquer, ramener à de la causalité, à de l'objectivité. Le monde de la science est décharné, il est mathématique. Mon corps tout entier devient le lieu de pouvoirs. La recherche de la connaissance réalise ce que Nietzsche appelle « l'idéal ascétique », une suprématie de l'esprit sur le corps, un éloge de l'esprit contre le corps lieu de tous les égarements. Et Nietzsche nous fait alors remarquer que cet idéal ascétique était l'essence de la religion et de la morale. A chaque fois le corps a fait l'objet d'une série de limitations et d'interdictions. Nietzsche y voie une bataille dissimulée, la revanche d'esprits faibles, c'est-à-dire ici qui ont peur de l'intensité de la vie, qui tentent de laisser se répandre dans l'humanité leur type de vie diminuée. La vie diminuée est la vie bonne. La religion avec la crainte de Dieu, la morale avec la réalisation du Bien, et la connaissance avec la recherche de la Vérité ont été et sont toujours les moyens trouvés pour réaliser cette propagation. Que rechercher la vérité nous apparaisse comme un devoir indique qu'elle est avant tout la réalisation de l'idéal ascétique.
Mais faut-il pour autant renoncer à cette recherche et préférer le faux et le mensonge ? Non, Nietzsche veut simplement nous aider à interroger notre volonté de vérité afin de la délivrer de l'idéal ascétique. La vérité va recevoir une dimension plus humaine, elle va devenir immanente à l'existence humaine. Elle n'est plus un absolu. Non, maintenant les idées vraies sont les idées qui augmentent ma puissance de penser et d'agir. Le critère de la vérité est celui de ses effets : « qu'est-ce que cette idée me fait faire, me fait penser ? ». La théorie pragmatiste de la vérité nous invite à redéfinir ainsi la vérité après avoir expliquer pourquoi la réalité devait être conçue comme indéfinie. L'idée vraie n'est plus une copie du réel, une copie de ce qui est derrière les apparences. Car la réalité n'est plus telle que la concevait les Grecs de l'Antiquité (un cosmos fini habité par une réalité sensible instable au-delà de laquelle il faut s'élever), ou les savants du 17éme siècle (une réalité infinie que l'on peut connaître scientifiquement), avec James la réalité est indéfinie car ce sont les hommes qui la font ; ils créent de la réalité, elle n'est pas déjà toute là attendant quelqu'un qui vienne la dévoiler.
D'une façon analogue Spinoza nous apprend à ne plus considérer la recherche de la vérité comme un devoir. Au début du Traité de da réforme de l'entendement, il découvre qu'il y a un désir, celui de la connaissance, qui est infini et qui peut apporter une joie « suprême et continue » . Ce n'est pas un devoir qui le pousse à philosopher, c'est une nécessité : il comprend pourquoi les biens de la vie ordinaires (volupté, richesses et honneurs) sont insuffisants. Plus il comprend la nature de ces biens et la nature de tout ce qui est plus il éprouve de joie et se libère des passions tristes qui l'aliéner.
Fin de la dissertation
Remarques sur le pragmatisme chez W.James
Une conception originale de la vérité et de la réalité.Lecture de la préface au livre Le pragmatisme de James par Bergson, « vérité et réalité ».
Le terme de réalité désigne tout ce qui est extérieur à nous et qui constitue une totalité organisée à partir de principes explicatifs simples. C’est la raison qui opère cette reconstruction à partir d’éléments simples ; elle établit des rapports entre les choses. Le premier de ces rapports, le plus important est le principe de causalité. La raison historiquement a conçu deux réalités : celle des grecs qui correspond à un monde clos et fini et celle des modernes, avec Galilée et Descartes, qui correspond à un univers infini. Avec la révolution scientifique du XVIIème siècle, la nouvelle conception de la raison combine les mathématiques et l’expérimentation. La raison (qui est synonyme ici d’entendement ou d’intellect) est une faculté cognitive qui doit être distinguée des autres facultés, comme les sens, l’imagination ou la volonté. La raison est située dans ce contexte au sommet de la hiérarchie des facultés. L’expérience est réduite par l’entreprise rationnelle de connaissance à des lois, des hypothèses et des expériences scientifiques. La raison nous a détourné de la réalité sensible car celle-ci nous trompe sur la réalité véritable, c'est-à-dire connaissable. La réalité est réduite ainsi à un enchainement causal déterminé d’idées pures. L’induction est le mode de raisonnement qui consiste à généraliser sous la forme d’une proposition universelle des énoncés d’observations particulières. Les théories constituent un ensemble de propositions qui ne sont pas juxtaposables dans un ordre indifférent mais qui sont plus ou moins hiérarchisées et qui permettent d’expliquer et / ou de prédire des phénomènes dans un domaine donné. La démarche scientifique et rationnelle repose donc sur la croyance qu’il existe des règles simples gouvernant le comportement de la matière et l’évolution de l’univers.
James et Bergson reconnaissent l’importance dans le domaine des sciences de la démarche rationnelle. Toutefois, ils développent une philosophie qui a pour but de nous aider à retrouver la réalité. En effet, si la conception scientifique est vraie, elle conduit toutefois à appauvrir ma vision de la réalité. C’est à un élargissement de la perception de cette réalité qu’ils nous invitent.
La réalité est plurielle, surabondante ; elle ne peut être uniquement réduite par la raison en un ensemble de principes simples. Il faut donc éviter de limiter notre rapport au réel à l’approche par la raison ; il faut aussi l’appréhender véritablement avec tous nos sens et notre volonté (comme le font les artistes). Il faut porter une attention à notre sensibilité, à nos émotions même si la raison ne parvient pas à les expliquer. Il faut donc repenser notre conception de la réalité pour réussir à penser le pragmatisme et sa nouvelle conception de la vérité.
“ la plupart des philosophies rétrécissent donc notre expérience du côté sentiment et volonté, en même temps qu’elles la prolongent indéfiniment du côté pensée. Ce que James nous demande, c’est de ne pas trop ajouter à l’expérience par des vues hypothétiques, c’est aussi de ne pas la mutiler dasn ce qu’elle a de solide. Nous ne sommes tout à fait assurés que de ce que l’expérience nous donne; mais nous devons accepter l’expérience intégralement, et nos sentiments en font partie au même titre que nos perceptions, au même titre par conséquent que les “choses”. Aux yeux de James, l’homme tout entier compte”.
Dès lors, l’homme devient attentif aux nuances du réel, de ses émotions et des idées qui le traversent. Il éprouve la réalité de ces flux de sentiments et de pensées qu’il ne rejette plus dans le domaine de l’irrationalité. Il apprend à lutter contre la vision mutilante et réductrice de l’esprit de la science moderne. “ Nous baignons, d’après James, dans une atmosphère que traversent de grands courants spirituels. Si beaucoup d’entre nous se raidissent, d’autres se laissent porter. Et il est des âmes qui s’ouvrent toutes grandes au souffle bienfaisant. Celles-là sont les âmes mystiques.”
Le concept de vérité n’est plus réductible dès lors à l’idée de concordance avec le réel ou d’une cohérence logique; l’idée vraie est une invention qui me fait agir et me fait penser, elle se mesure à son effet.
Bergson résume les conceptions traditionnelles de la vérité, conceptions contre lesquelles James va opposer sa nouvelle définition: “pour les philosophes anciens, il y a avait, au-dessus du temps et de l’espace, un monde où siégeait, de toute éternité, toutes les vérités possibles: les affirmations humaines étaient, pour eux, d’autant plus vraies qu’elles copiaient plus fidèlement ces vérités éternelles. Les modernes ont fait descendre la vérité du ciel sur la terre; mais ils y voient encore quelque chose qui préexisterait à nos affirmations. La vérité serait déposée dans les choses et dans les faits: notre science irait l’y chercher, la tirerait de sa cachette, l’amènerait au grand jour. Une affirmation telle que “la chaleur dilate les corps” serait une loi qui gouverne les faits, qui trône, sinon au-dessus d’eux, du moins au milieu d’eux, une loi véritablement contenue dans notre expérience et que nous nous bornerions à en extraire. Même une philosophie comme celle de Kant, qui veut que toute vérité scientifique soit relative à l’esprit humain, considère les affirmations vraies comme données par avance dans l’expérience humaine: une fois cette expérience organisée par la pensée humaine en général, tout le travail de la science consisterait à percer l’enveloppe résistante des faits à l’intérieur desquels la vérité est logée, comme une noix dans sa coquille. Cette conception de la vérité est naturelle à notre esprit et naturelle aussi à la philosophie, parce qu’il est naturel de se représenter la réalité comme un Tout parfaitement cohérent et systématisé, que soutient une armature logique. Cette armature serait la vérité même; notre science ne ferait que la retrouver. Mais l’expérience pure et simple ne nous dit rien de semblable, et James s’en tient à l’expérience.”
Les conceptions traditionnelles de la vérité font de celle-ci une découverte de la réalité, la conception de James fait de la vérité une invention de réalité. L’histoire de l’humanité est l’histoire de tous ces hommes qui ont inventé (non pas de façon arbitraire) les vérités qui font notre réalité.
Enfin, le critère d’une idée vraie est logé dans l’effet de celle-ci pour celui qui la pense. La certitude, l’évidence ne suffisent pas à décrire ce critère. On ne considère plus l’idée en tant qu’elle est pensée, mais en tant qu’elle fait penser. Les définitions traditionnelles de l’idée comme image, représentation ou modification de l’esprit sont incomplètes dans la mesure où elles ne rendent pas compte de sa propriété essentielle : produire des effets dans la pensée et dans le corps. L’idée agit ; et elle n’agit pas sans faire agir. Du point de vue pragmatique, une idée est donc inséparable de ses conséquences. Elle produit un effet dans la pensée sous la forme soit d’une autre idée qui s’y associe, soit d’une perception qui l’individu, soit, encore, d’une action qui la prolonge. Elle est un processus. Le propre de l’idée est de nous faire penser dans une direction déterminée. Les idées sont conductrices. « Nous n’avons pas à rechercher d’où provient l’idée mais où elle conduit ». La volonté de croire. En effet, la vérité est désormais évaluée en fonction d’une valeur qui la dépasse : l’Intéressant – en tant que valeur épistémologique. Que vaut une vérité qui ne fait pas agir, croire ou penser, bref, une vérité sans intérêt ?
« Pourquoi la mission de la pensée ne serait-elle pas d’accroître et d’élever plutôt que de simplement imiter et dupliquer ce qui existe. » L’idée de vérité, III.
Si donc la vérité est action, transition, création (plutôt que représentation, conclusion, imitation), c’est dans la mesure où « la vérité complète est la vérité qui donne de l’énergie et livre des batailles ». L’idée de vérité VIII .
Publié le 03 avril 2014 par Thibault Noel-Artaud [Lycée Clément Ader (77)]