Situation 12. Gaia

 

 

Une inquiétude. Elle vient cette fois, et cela est nouveau, non pas des poetes ou  des écrivains, mais des scientifiques, en particulier ceux issus des sciences naturelles (géologie, climatologie).  Normalement les scientifique qui ont foi dans la Raison et le progrès technique ne sont pas inquiété par l’avenir. Aujourd’hui, ils sont angoissés.  La rationalité inquiète  avance. 

En effet, nous sommes rentrés dans une nouvelle ère ou plus précisément  une nouvelle période géologique:  l’anthropocène. Une période  géologique est nommée à partir de l’élément qui a plus d’impact sur la planète. Cela signifie donc que l'anthrôpos – l'homme – est devenu la force géophysique qui modifie le plus la planète. L'être humain est déjà le premier agent de production et de distribution dans le cycle de l'azote ; avec la déforestation, il est l'un des principaux accélérateurs de l'érosion ; sans parler de son rôle dans le cycle du carbone, qui bouleverse la composition chimique de l'atmosphère !

Notre planète fait face à des changements environnementaux globaux, en passe de modifier la relative stabilité du climat que Gaia contribuait jusqu'ici à maintenir. La biodiversité se réduit. L'effet de serre augmente. Le climat se réchauffe à très, très grande vitesse. Rappelons les dernières prévisions : la température moyenne de la Terre, actuellement de 15 °C, pourrait augmenter de 3 à 4 °C d'ici à 2060, de 6 °C d'ici à la fin du siècle. Aucun chercheur n'ose imaginer les conséquences du scénario pour ceux qui habiteront la planète à ce moment-là, principalement nos ­enfants ou nos petits-enfants.

 

Quel est le sens de ce concept de Gaia ?

 

Gaia, c'est la « Terre mère » originelle, déesse « aux larges flancs » de la mythologie grecque archaïque, héroïne de la Théogonie d'Hésiode. Née après le Chaos, Gaia est l'ancêtre maternelle des races divines et des monstres (mère des Titans et des Cyclopes, grand-mère de Zeus, etc.) : une déesse souvent cruelle et redoutable... La référence mythologique souligne le fait que la Terre a une unité, qu’elle est pareille à un être vivant. Elle constitue une énorme entité composée d'interactions entre différents écosystèmes, comprenant la biosphère terrestre, l'atmosphère et les océans.

 

Cette personnification conduit à lui attribuer des intentions. Elle se venge par des cyclones qui eux aussi portent des noms (Katrina ou Sandy, Haiyan…) et des sécheresses.

Mais l'enjeu est de nous protéger, pas de sauver la planète Elle n'a pas besoin de nous, humains comme non-humains. Nous ne pouvons mettre fin à la nature, mais nous pouvons nous menacer nous-mêmes. » C'est ce qu'Isabelle Stengers appelle les relations dissymétriques. L'enjeu est de nous protéger, pas de sauver la planète.

 

 

Nous devons donc  changer de représentation de la nature comme une terre éternelle, elle est devenue sensible, elle est très sensible à l’humain.

 

 

De quelle représentation de la nature s’écarte-t-elle ?

 

Jusqu’au XVII ème siècle prédomine une cosmologie qui situe la terre, reconnue comme étant une sphère, au centre d’un cosmos fini. C’est le géocentrisme. Avec Copernic puis Galilée s’affirme une nouvelle représentation, héliocentrique, d’un univers désormais infini. Il n’y a donc pas de centre dans l’univers. Depuis nous nous représentons la nature comme un cadre, un décor immuable et éternel. Nous considérions que la nature ne changeait pas  tandis que nous changions (l’homme comme être historique). Mais maintenant c’est l’inverse. Nous retrouvons l’idée que la Terre est limitée même si nous  (pas tous) dépassons ces limites. Si la population mondiale vivait comme un français il faut 2 planètes et demi comme la nôtre, comme un américain, 5, comme un chinois, 3 et comme un africain, 0.2. La terre est limité et nous en sommes prisonniers.

 

Pourquoi sommes nous encore insensibles à ces problématiques écologiques ?

 

Certains éprouvent une fierté à l’idée de savoir que l’homme est la force géologique majeure, d’autres le nient, ce sont les climatosceptiques, d’autres enfin, se cachent derrière un quiétisme : tout va finir par s’arranger, les hommes sauront trouver une solution à ce problème. D’autres défendent une nouvelle position : nous ne sommes pas des humains, nous sommes des terriens.

  Mais pourquoi avons-nous tant de mal à réagir et à « faire attention », comme dit la philosophe belge Isabelle Stengers ? C’est une tâche immense en effet que de sentir des changements « globaux » quand on n'est pas soi-même un être « global » ; de ressentir le « climat » quand les seules façons d'en parler sont des gigantesques modèles conçus par ordinateur. « C'est toute la difficulté du changement climatique ; nous ne pouvons en faire l'expérience en tant que tel, car c'est une construction, un grand récit scientifique qui reste déconnecté de la vie quotidienne, en particulier dans les mégapoles globalisées où conditions et modes de vie nous insensibilisent », explique Patrick Degeorge.Bref, nous autres modernes sommes incapables de regarder Gaia en face et de faire le deuil de nous-mêmes.

 

 Les sciences tentent de nous rendre sensibles à cette nouvelle réalité, mais les arts aussi.  L’œuvre du plasticien Tomas Saraceno, le film de Cheval de Turin de Bela Tarr ou des films encore comme Gravity ou Avatar tentent de nous rendre sensibles à ces problèmatiques.

 Une même impression se dégage : il n’y a pas d’endroit où s’échapper, il n’y a pas d’extérieur à la planète pour nous.

 

 

 Mais le mot « apocalypse », cela ne veut pas dire catastrophe. L'apocalypse signifie la certitude que le futur a changé de forme, et qu'on peut faire quelque chose. Le concept de Gaia ouvre un nouveau rapport au monde, plus politique. Nous devons construire un monde commun. Avant l’universalité était faite, on avait l’impression d’une rationalité générale qui allait juste s’étendre, mais ce qu’on croyait avoir laissé derrière soi, on le retrouve devant soi.  Avec les mutations écologiques il n’y a plus de nature commune, déjà donnée, elle est à composer.

 

 Mais l’action peut aussi consister à tenter de comprendre qui nous avons été. Dans cette  situation d’urgence nous sommes pressés de penser ce qu’a pu signifier le projet des Modernes.  La question se pose donc maintenant de savoir plus précisément comment décrire ce qui caractérise notre société, notre culture que nous avons appelée culture occidentale et qui recoupe une ontologie que l’on a appelé «  naturalisme » ? Quelle est l’anthropologie de l’homme occidental ?

 


Texte de P.Sloterdjik

De quelle grandeur est le « grand » ?

 

  « De quelle largeur de vue ou ouverture d'esprit sommes-nous capables 6 ? » Richard BUCKMINSTER FULLER

 

Les métaphores ont elles aussi une destinée. Lorsque Buckminster Fuller publia en 1969 son fameux Manuel d'instruction pour le vaisseau spatial « Terre », il émit la supposition audacieuse, pour ne pas dire utopique, que dans les systèmes sociaux le temps était venu de trans­mettre aux designers, ingénieurs et artistes les compé­tences jusqu'alors détenues par les hommes politiques et les financiers en matière de pilotage. Cette hypothèse était fondée sur le diagnostic selon lequel les membres du deuxième groupe - comme tous les « spécialistes » -ne regardent jamais la réalité que par le petit trou de la lorgnette. Alors que du fait même de leur profession, les membres du premier groupe développaient des visions holistiques et se référaient au panorama offert par la réa­lité dans son ensemble.

On aurait dit que la maxime romantique « L'imagina­tion au pouvoir ! » avait traversé l'Atlantique et, une fois déchiffrée sur l'autre rive, s'était muée en un nouveau slogan, « Le design au pouvoir ! » La hardiesse de la publication de Buckminster Fuller, qui devint bientôt une bible de la « contreculture », puis ultérieurement des mouvements alternatifs, ne tenait pas à son mépris affi­ché pour ceux qui paraissent être les grands et les puis­sants de ce monde, dont il estimait qu'ils n'étaient « plus aujourd'hui que l'apparence de spectres ». Elle tenait à la redéfinition proprement monstrueuse de la planète qui nous sert de patrie : à partir de ce moment critique, la bonne vieille Terre ne pouvait plus être présentée comme une entité naturelle, elle devait être conçue comme un gigantesque artefact. Elle n'était plus une fondation, mais une construction, elle n'était plus une base, mais un véhicule.

Plaide en faveur du caractère monstrueux et irrésistible de la métaphore de Buckminster Fuller le fait qu'en moins d'un demi-siècle, elle s'est infiltrée dans la conscience collective. Dans le même temps, l'acuité du danger que fait courir la situation à bord du vaisseau spatial « Terre » est attestée par le fait que - après des préludes peu convaincants à Kyoto et lors d'une dou­zaine d'autres sommets climatiques,-, ces jours-ci, pour la première fois, une assemblée plénière efficiente des politiciens et négociateurs de cette planète se réunit pour délibérer à peu près sérieusement sur la gestion du climat à bord du vaisseau spatial. On a compris, entre-temps, que parler du vaisseau spatial « Terre » n'implique pas une volonté de s'échapper dans une poésie à bon marché. La métaphore représente ici la forme suprême du concept. Sa vérité se dévoile dans la convergence entre ses implications et la situation réelle. Si la Terre est un vaisseau spatial, la première préoccupation de son équi­page doit être le maintien de conditions vivables à l'inté­rieur du vaisseau — les techniciens du vol spatial parlent à ce sujet du Life Support System (LSS), qui contrôle, à bord des stations spatiales, les constantes relevant du mimétisme à l'égard de la biosphère. La gestion des atmosphères devient dès lors le premier critère de l'art du pilotage requis pour conduire le vaisseau spatial intégral. Notons-le, dans ce véhicule-là, aucun masque à oxygène ne tomberait automatiquement du plafond de la cabine si le « cas improbable » d'une raréfaction de l'air devait survenir. Il serait aussi absurde d'affirmer que des bandes phosphorescentes collées au sol mènent aux issues de secours — le vaisseau spatial « Terre » n'a pas d'issues, ni en cas d'urgence, ni dans la situation normale. Quant aux bandes lumineuses au sol, que sont-elles, sinon, une hypnose clémente pour des passagers ayant peur de prendre l'avion ? Il faut des moyens plus concrets pour adoucir l'angoisse des invités à bord du vaisseau spatial « Terre ». Pour la traiter, on doit faire appel à des procé­dures cognitives et techniques révolutionnaires.

Buckminster Fuller a désigné précisément ce qui constitue à ce jour la condition essentielle du séjour d'êtres ^humains à bord du vaisseau spatial « Terre » : aucun manuel d'instruction n'a été fourni aux passagers^ vraisemblablement parce que c'était à eux que revenait le soin de lever le mystère de leur situation. De fait, la Terre, pour ce que nous en savons, est habitée depuis près de deux millions d'années par des hommes - et leurs précurseurs - « qui ne se doutaient pas qu'ils étaient à bord d'un vaisseau 7 ». En d'autres termes : dans le passé, on reconnaissait aux hommes le droit de faire preuve d'une dose élevée d'ignorance au cours de leurs naviga­tions, le système étant conçu pour tolérer des degrés élevés de non-savoir humain/Mais dans la mesure où les passagers commencent à éventer le mystère de la situa­tion et, par le moyen de la technique, à prendre du pou­voir sur leur environnement, le niveau de tolérance que le système avait initialement à l'égard de l'ignorance s'abaisse jusqu'à ce que l'on ait atteint un point où cer­taines formes du comportement fondé sur le non-savoir ne sont plus compatibles avec le séjour des passagers à bord. L'être-dans-le-monde de l'homme, dont a parlé la philosophie du XXe siècle, s'avère ainsi être un être-à-bord d'un vaisseau cosmique sujet à des pannes. Vue sous l'angle actuel, l'histoire de la pensée sur la planète se révèle comme une expérimentation cognitive finalisée, au cours de laquelle il fallait mettre au jour la vérité sur la situation globale. Celui qui, à bord du vaisseau spatial, a le courage de faire usage de sa raison personnelle se rend compte tôt ou tard du fait que nous sommes des autodidactes du vol spatial. Le véritable concept de la conâitio humana est par conséquent : .l'autodidactique à la vie et à la mort. Est autodidacte celui qui est forcé d'apprendre les leçons cruciales sans avoir d'enseignant. J'ajoute que pour cette raison même, avoir recours, en la matière, aux traditions religieuses, ne nous apporte pas grand-chose, parce que les prétendues religions univer­selles vont sans exception de pair avec une conception pré-astronautique du monde — même Jésus, avec sa montée dans les cieux, n'a rien pu apporter de notable au manuel d'instruction du vaisseau spatial « Terre ».

A ces réflexions s'associe un énoncé qui concerne le rapport entre l'être et le savoir : le savoir a sur la réalité un retard d'ordre essentiel — on pourrait même dire que, par principe, il arrive en retard. Dès lors, la question s'impose : du retard pris par le savoir, doit-on déduire que pour ce qui concerne nos problèmes futurs, il arri­vera aussi, et nécessairement, trop tard ? Nous sommes fort heureusement en mesure d'apporter à cette question une réponse négative. Il existe une intelligence prévision­nelle qui se manifeste précisément dans la faille ouverte entre le « tard » et le « trop tard ». C'est cette intelligence qui doit s'exprimer ici et aujourd'hui, et qui doit le faire de manière énergique. Alors que jusqu'ici, la loi qui s'appliquait à une grande partie de l'apprentissage humain était que « l'on n'apprend jamais qu'à ses dépens », l'intelligence prévisionnelle doit vouloir deve­nir intelligente avant que les dépens ne soient comptabi­lisés — ce qui constitue une nouveauté dans l'histoire de l'apprentissage. Pour entrer dans la logique de ce type de processus pédagogique, une critique de la raison prophé­tique est indispensable. Celle-ci ne doit pas se laisser dis­suader par le paradoxe fondamental du prophétisme de malheur : l'idée que, si la prophétie est avérée, elle appa­raîtra après coup comme une alerte inutile, précisément parce que son intervention aura empêché que survienne ce à propos de quoi elle mettait en garde. Jean-Pierre Dupuy a présenté les contours d'une critique de ce type dans son étude Pour un catastrophisme éclairé8, En consé­quence, seuls les apocalypticiens peuvent mettre en œuvre une politique rationnelle pour l'avenir, parce qu'ils sont aussi les seuls à penser le pire comme une possibilité réelle.

Apprendre les choses, aujourd'hui, c'est avant tout comprendre la nécessité de modifier rapidement, s'il est impossible d'y mettre un terme, l'expressionnisme ciné­tique des siècles derniers. Par expressionnisme cinétique, j'entends le style d'existence des modernes, qui a surtout reposé sur la possibilité de disposer sans peine des com­bustibles issus de l'énergie fossile. Depuis que ces sub­stances sont pratiquement entre toutes les mains, nous vivons comme si. Prométhée avait volé le feu une deuxième fois. On voit très clairement ce que cela signi­fie si nous admettons que les deuxièmes feux ont depuis très longtemps cessé de propulser seulement nos moteurs, mais brûlent aussi dans nos motifs existentiels, dans nos concepts vitaux de la liberté. Nous ne pouvons plus nous représenter une liberté qui n'inclue pas aussi la liberté d'accomplir des accélérations risquées, la liberté de se déplacer vers les objectifs les plus lointains, la liberté d'exagérer et de gaspiller, et même, pour finir, la liberté de pratiquer l'explosion et Fautodestruction. C'est l'expressionnisme cinétique que nous entendons parler lorsque le jeune Goethe, en 1776, écrit à Lavater dans un porté par le Sturm und Drang : « Me voici désormais totalement embarqué sur la vague du monde — et pleine­ment déterminé : à découvrir, à gagner, à me battre, à échouer ou à me faire sauter avec tout le chargement9. » Nous l'entendons lorsque Nietzsche, dans Ecce homo, déclare : « Je ne suis pas un homme, je suis de la dyna­mite 10. » Et nous le voyons concrètement à l'œuvre lorsque Phileas Fogg, le héros du Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne, manquant de charbon lors de la dernière fraction de son voyage autour du globe, alors qu'il franchit l'Atlantique - pour rallier l'Angleterre depuis New York — se met à abattre les constructions en bois de son propre navire afin d'alimen­ter les chambres de combustion des moteurs à vapeur. Avec le navire autocombustible de Phileas Fogg, Jules Verne n'a rien inventé de moins qu'une métaphore uni­verselle de l'ère industrielle : elle évoque la fatidique autoréférentialité d'une circulation qui consume ses propres bases — il faut remonter jusqu'au poète paléoro­mantique Novalis et à sa vision critique du « moulin qui se moud lui-même u » pour découvrir une image d'une force analogue visant à décrire le modus vivendi actuel. Mais l'expressionnisme est déjà inhérent au geste avec lequel la reine Elisabeth Ire d'Angleterre, sur les fameuses gravures du XVIe siècle, posé sa main impérieuse sur le globe terrestre, comme pour montrer qu'a désormais débuté une ère dans laquelle les maîtres du monde ne se contentent plus de leurs propres terres, mais sont contraints d'étendre leur pouvoir aux régions les .plus lointaines. L'expressionnisme cinétique devient politique dès que le sujet qui veut s'accomplir revendique les biens du monde entier pour satisfaire son désir et sa consom­mation. Le principe de croissance, constitutif des formes de vie modernes, ne désigne rien d'autre que l'expres­sionnisme cinétique en action.

          II.              « Nous sommes en mission : nous sommes

                        appelés à éduquer la Terre 12. » NOVALIS

 

L'expressionnisme des modernes repose sur une hypo­thèse qui, pour les gens des temps plus anciens, allait tellement de soi qu'il n'y eut pratiquement jamais besoin de la formuler explicitement. Pour eux, la nature repré­sentait un extérieur infiniment supérieur, et par consé­quent susceptible de supporter une charge infinie, qui absorbait tout ce que les humains déchargeaient en elle et ignorait toutes les exploitations qu on lui faisait subir. Cette idée spontanée de la nature définissait hier encore l'histoire de l'humanité, et il existe d'innombrables contemporains qui continuent à ne pouvoir ni vouloir comprendre que, sur ce point, un retournement de la pensée peut être nécessaire. Le trait expressionniste qui se libère dans le style de vie des civilisations riches de notre temps l'a pourtant bien montré : l'indifférence de la nature à l'activité humaine était une illusion qui cor­respondait à l'ère de l'ignorance. Il existe des frontières de l'expression, des frontières de l'émission, des frontières de la tolérance à l'ignorance — et parce qu'il existe des frontières de ce type, même si nous ne savons pas où il faudrait précisément les tracer, l'idée apparemment immémoriale de la nature comme extériorité absorbant tout se met à vaciller. D'un seul coup, nous nous voyons forcés d'admettre l'idée visiblement contre-nature que la pratique humaine  a transformé  dans son ensemble en un unique grand  intérieur. Buckminster Fuller avait voulu placer la responsabilité de ce tournant bouleversant entre les mains des designers, auxquels il demandait d'avoir un mode de pensée « com-préhensif » et « anticipateur ». Une pensée de ce type devait per­mettre la « planification mondiale » dans le « système de communication total » de l'être humain sur le vaisseau spatial « Terre ».

Quarante ans après la publication du manifeste de Buckminster Fuller, il s'avère que ce sont moins les designers que les météorologues qui se sont souciés d'impo­ser la nouvelle idée mondiale du macro intérieur. C'est pour nous une évidence : ce n'est pas le design qui a pris le pouvoir, mais la météorologie. Elle s'est imposée sur le plan politique et scientifique parce que c'est elle, pour l'instant, qui offre le modèle le plus suggestif de l'inté­rieur global : elle traite du continuum dynamique de l'enveloppe gazeuse de la Terre, celle que nous appelons, depuis l'époque des physiciens grecs, l'atmosphère - lit­téralement : la boule d'émanation. Les discussions sur le temps qu'il fait ont cessé d'être des conversations ano­dines depuis que les climatologues nous ont démontré que l'atmosphère a une mémoire : elle n'a toujours pas complètement oublié la fumée sortie des cheminées de la première révolution industrielle, et elle n'oubliera rien non plus de tout ce que lâchent en elle les centrales ther­miques à charbon des pays développés, les installations de chauffage des mégalopoles, les avions, les bateaux, les automobiles des riches et les innombrables feux à ciel ouvert qu'allument les pauvres sur tous les continents, bien que d'ordinaire la moitié de tout cela soit captée par les océans et la biosphère. Certes, la Terre conserve aussi d'autres reliques de ce que l'humanité peut avoir de douteux : on retrouve encore de nos jours, dans la vase du nord de l'Allemagne, des fers à cheval qui témoignent du passage de la cavalerie romaine. La pré­sence des fers à cheval romains ne rend le sol allemand ni chaud, ni froid. En revanche, l'atmosphère terrestre est un espace sensible de dépôt des immondices : il a tendance à répondre par le réchauffement aux émissions passées et présentes. Si les météorologues disent vrai, la transformation climatique à laquelle on peut s'attendre dans de nombreuses régions du monde va engendrer des conditions de vie incompatibles avec l'existence humaine telle que nous l'avons connue jusqu'ici.

Les" climatologues sont ainsi entrés dans le rôle de réformateurs. Dans les nations industrialisées comme dans les grands pays émergents, ils transmettent aux hommes un appel à un changement radical de style de vie : ils ne réclament rien de moins qu'une décarbonisa­tion à moyen terme de la civilisation, et un ample renon­cement aux immenses agréments qu'apporte un modus vivendi fondé sur les énergies fossiles. La césure qu'impliquent ces postulats est tellement profonde que l'on est en droit d'avoir recours à de grandes analogies : le changement de pensée exigé des hommes du XXIe siècle va plus loin que les réformes du XVIe, dans lesquelles ont tout de mime été révisées1 les règles de là circulation entre la Terre et le Ciel. Il rappelle tout simplement la parole de saint Jean-Baptiste, qui en appelait à une conversion totale. La voix provenant du désert n'exigeait à l'époque rien de moins qu'une métanoïa qui devait remplacer l'éthique triviale et héroïque du quotidien par l'état d'exception morale du cœur - cet appel allait déclencher cette révolution permanente à laquelle nous donnons le nom de christianisme. Enfin, l'exigence actuelle de changement de pensée rappelle aussi la remarque subtile de Platon, qui souligne dans son dialogue Le Sophiste que la querelle entre les amis des idées (couramment appelés les idéalistes) et les amateurs des corps perceptibles (couramment appelés les matérialistes) sur le sens de l'Être est équivalent à un combat de géants - un combat qui, raison de la controverse qui habite la chose elle-même, dure aussi longtemps qu'il y a des gens pour voter en faveur de l'une ou l'autre de ces positions.

Le combat actuel pour le climat n'a plus pour objet la « domination de la Terre », ce sujet de prédilection pour les commentateurs politiques de l'ère impérialiste. L’enjeu de combat est la possibilité de maintenir ouvert le processus de civilisation et d’assurer sa poursuite. Apres la découverte mutuelle des cultures qu’à permise le trafic à longue distance entre le XVIe et le XXe siècle, ce processus a débouché sur une synthèse pro­visoire des acteurs globaux, passant par le commerce et la diplomatie. Il doit prochainement être poussé jusqu'à la coopération positive des cultures au sein d'institutions communes et opérationnelles — nous mettons ici de côté la question de savoir si « l'humanité » est seulement^ capable de former un « nous » cohérent ou une volonté  générale14" concrètement viable. Pour l'instant, il n'y a que deux choses certaines : d'une part, la Réforme météorologique dont nous vivons les commencements ouvre la perspective sur une ère de très grands conflits ; d'autre part, le XXIe siècle entrera dans l'histoire comme une foire aux vanités de rédempteur, au terme de laquelle les humains aspireront à être rédimés de la rédemption et sauvés des sauveurs. Il s'annonce simultanément comme une ère d'hypocrisie et de double morale. Il n'en reste pas moins qu'au cours de cette période, au-delà de la vanité», de la panique et de la rhétorique de l'hypocri­sie, il s'agira toujours de la grave question consistant à savoir s'il est possible, sur le vaisseau spatial « Terre » d'instituer quelque chose comme un régime global de stabilisation. Il faut noter ici que les prétentions à l'égard de la notion de « stabilisation » doivent d'emblée rester à un niveau modéré. L'évolution culturelle ne connaît pas d'équilibres stables. Dans le meilleur des cas, elle peut passer d'un état de déséquilibre vivable à un autre.  

On discerne dès aujourd’hui les contours du futur combat de géants. Le parti idéaliste y est représenté par les" tenants d'une" nouvelle modestie. Ils confrontent leurs adversaires matérialistes à l'exigence de réduire toutes les formes d'expressionnisme cinétique à un minimum tolérable du point de vue de la politique de la Terre. Si nous avons compris que cet expressionnisme est identique au modus vivendi des cultures du confort sur la planète, mieux, qu'il imprègne la totalité de notre « échange métabolique avec la nature», de notre production, de notre consommation, de notre habitat, de nos transports, de nos arts et communications, et que dans chacun de ces domaines les augures continuent obstinément, à l'heure actuelle, à désigner la croissance et la surenchère, il y a une chose que nous saisissons immédiatement : l'éthique du futur, hostile à l'expression et à l'émission, a pour objectif direct d'inverser l'orientation suivie jus­qu'à ce jour par la civilisation. Elle exige la diminution là où il était jusqu'ici question d'augmentation, elle réclame la minimisation là où la maximisation était jus­qu'alors en vigueur, elle veut de la retenue là où l'explo­sion était jusqu'ici permise, elle prescrit la parcimonie là où, jusque-là, le gaspillage était ressenti comme le plus grand attrait, elle appelle à l'autorestriction là où l'on célébrait jusqu'à ce jour la libération de soi. Si l'on pense ces revirements jusqu'à leur terme, on aboutit, dans le fil de la Réforme météorologique, à une sorte de calvinisme écologique. Celui-ci se fonde sur l'axiome suivant : 'humanité ne dispose pas d'autre Terre que celle-là. Elle ne peut par conséquent exiger plus de sa base que ce que celle-ci est en mesure de donner - sous peine d'autodes­truction. Paradoxalement, la mondialisation exercera ainsi une action contraire à sa propre tendance fonda­mentale : en imposant des expansions sur toute la ligne, elle impose des restrictions sur toute la ligne. En voulant généraliser la richesse, elle découvre qu'au bout du compte, sur le plan mondial, seul son contraire serait praticable : la frugalité pour tous.

C'est sous ces auspices que se présentent les géants qui vont se télescoper au cours du siècle à venir. Nous allons assister au combat entre l'expansionnisme et le minimalisme. Nous allons devoir choisir entre l'éthique du feu d'artifice et celle de l'ascèse. Nous allons sentir à quel point les alternatives en conflit se reflètent dans nos sen­timents existentiels et combien nous oscillons entre les situations du gaspillage maniaque et de la parcimonie dépressive. Nietzsche a noté ça et là qu'aux yeux d'une intelligence extérieure, la Terre ne pourrait apparaître que comme l'« étoile ascétique 15 » sur laquelle une élite de spiritualistes dépressifs et animés par le ressentiment donnait le ton. Depuis le XXe siècle, la partie riche de, la Terre vit un intermède hédoniste qui pourrait être arrivé à son terme avant que le XXIe ne s'achève. Si la Réforme annoncée devait mener à un socialisme météorologique, la Terre serait prochainement perçue, de l'extérieur, comme l'étoile frugale : chaque individu y gérerait un petit crédit d'émissions qui lui serait accordé en tant que shareholder16 de l'atmosphère et des autres éléments.

Comme Nietzsche était aussi un expert en combats de dieux et de géants, il savait qu'il n'existe pas de neutralité dans les conflits de cet ordre de grandeur : « Hélas ! C'est l'étrange magie de ces combats qu'on ne puisse y assister sans pouvoir s'empêcher d'y prendre part17. » Chaque citoyen des nations riches ne livrera pas seulement le combat des géants dans sa propre poitrine, il fera aussi publiquement savoir, par les décisions qu'il prendra dans le domaine de sa consommation privée, de quel côté il s'est battu.

 

III. «  Personne, en effet, n’a jusqu’ici déterminé ce que peut le corps ». Spinoza

 

À ce stade de nos réflexions, il semble que le purita­nisme écologique soit la seule morale rationnelle possible à bord du vaisseau spatial « Terre ». On peut en penser ce que l'on veut : ce qui demeure incontestable, c'est .qu'au cours du XXe siècle, une nouvelle figure de l'impé­ratif catégorique est, entrée dans le monde : « Tu dois changer ta vie 19. » Cette phrase se grave depuis, avec une autorité irréfutable, dans les intuitions éthiques denombreux contemporains. Elle imprègne notre conscience de la mission impérative consistant à former un modus vivendi qui corresponde aux réalités écolo­giques et cosmopolitiques que notre culture a intégrées dans sa compréhension. Elle atteint un degré d'évidence comparable à celui qui, dans un passé lointain et encore aujourd'hui, a permis aux éthiques bouddhiste, stoïque, chrétienne, islamique et humaniste de se procurer une autorité auprès des individus et communautés qu'elles ont saisis. Parce que le nouvel impératif, comme toute grande évidence éthique, en appelle à tous, il est réaliste de prédire une vague d'enthousiasme éthique qui s'éten­dra rapidement dans le monde entier. La volonté actuelle de vivre s'y associera avec le sentiment actuel du bon et du juste pour engendrer un élan puissant et qui pourra peut-être mettre le monde en mouvement - au sein et à l'extérieur des religions traditionnelles. Il est tout aussi réaliste de s'attendre à une vague complémentaire, faite de résignation, de défaitisme et de cynisme du type « après nous le déluge ».

A la première lecture, il semble donc qu'à l'impératif actuel ne puisse rien succéder d'autre qu'une éthique de la modération globale. La seule question encore ouverte f demeure sans doute de savoir si le tournant vers la modestie se produit à la suite d'un tournant volontaire des populations dans les cultures à émissions intensives, ou si les gouvernements des nations riches — gouverne­ments qui, faute de global governance, demeurent jusqu'à nouvel ordre les seuls macrosystèmes en mesure d'agir - se verront tôt ou tard forcés de proclamer, chacun sur son territoire, une sorte d'état de guerre écologique au nom duquel on imposera ce qui ne peut être atteint sur une base volontaire.

Au deuxième regard, il s'avère que les exigences allant dans le sens d'une éthique globale de la modération, où même les espoirs en un socialisme climatique, sont illu­soires. Ils n'ont pas seulement contre eux toute la poussée de la civilisation expressionniste, ils contredisent aussi ce que l'on a compris des forces motrices des cultures j, supérieures. Celles-ci sont en effet impensables sans la  relation entre la quête de la conservation de soi et la volonté d'intensification de soi. Le lien entre conserva­tion et intensification de soi intègre le choix préalable en faveur d'une culture dans laquelle le superflu, le gas­pillage et le luxe ont droit de cité. Platon, déjà, lorsqu'il réfléchissait à l'institution de la communauté idéale, avait dû laisser tomber l'hypothèse de la cité frugale : le plus sage des Grecs ne trouva aucune réponse adaptée lorsque, après la description d'un repas dans la ville sans besoins, Glaucon lui posa cette question grossière : « Si tu fondais  une cité de pourceaux, Socrate, les engraisserais-tu autrement ? » Face à cette objection, Socrate doit s'avouer vaincu et tolérer cette construction artificielle qu'est une ville  opulente.   De  manière  analogue,   nous  sommes aujourd'hui contraints, dans tous nos pronostics et dans tous nos projets concernant le monde de demain, de partir de l'idée que les hommes des nations riches consi­dèrent leur richesse et ses prémisses techniques comme des conquêtes auxquelles ils ne renonceront plus. Ils res­teront convaincus que revient à l'évolution la mission de globaliser, dans une croissance permanente, la richesse matérielle et les privilèges expressifs dont eux-mêmes jouissent. Ils refuseront de s'accommoder d'un avenir fondé sur la réduction et la retenue.

À cela, les défenseurs de la nouvelle modestie objectent que les riches d'aujourd'hui n'auront tôt ou tard plus d'autre choix que de se plier aux réalités écologiques. Dans la mesure où de grands nombres de nouveaux producteurs et consommateurs entrent dans le club des gaspilleurs, les limites de l'émission et de l'expression se feront sentir d'une manière de plus en plus dramatique et de plus en plus précoce. Ici entre en jeu l'axiome sur lequel reposent tous les arguments por­tant sur les limites de la croissance : la Terre n'existe qu'en un seul exemplaire - et pourtant, les nations riches vivent dès aujourd'hui comme si elles étaient en droit, d'exploiter une Terre et demie. Si leur style de vie était généralisé à tous les autres habitants de la pla­nète, l'humanité devrait avoir à sa disposition rien de moins que quatre Terres. Or, comme la Terre est une monade unique et qu'elle ne peut être multipliée, nous devons accepter la primauté de la frontière sur l'impul­sion qui incite à la dépasser.

Au premier abord, cet argument paraît irréfutable. Tant que l'on considère la Terre et sa biosphère comme une singularité non augmentable, le comportement d'exploitation qui est celui de la civilisation moderne d'expression est de confort ne peut qu'apparaître comme une irrationalité impardonnable. Le rapport des hommes avec leur planète équivaut alors à un film-catastrophe dans lequel des groupes de mafieux rivaux s'affrontent avec des armes de gros calibre à bord d'un avion qui vole à douze mille mètres d'altitude. Il est pourtant légitime de demander si nous avons tiré, de l'interprétation monadologique de la Terre, les conclusions adéquates. Comprenons-nous correctement notre situation si nous interprétons la planète et sa biosphère comme un « un » non multipliable et sa biosphère comme un point fixe infranchissable ? Nous devrions y songer : nous n'avons plus seulement à faire avec la donnée cosmologique ori­ginelle qu'est la Terre et au phénomène originel de l'évo­lution qu'est la vie. À ces dimensions de base s'est ajoutée, au fil de l'évolution sociale, la technosphère, laquelle, pour sa part, est animée et modérée par une noosphère. Au regard de ces deux dimensions de crois­sance, nous sommes en droit de transposer à la Terre cette phrase de Spinoza affirmant, à propos du corps humain, que nul n'a encore déterminé ce que peut le corps : nul n'a encore déterminé ce peut le corps terrestre. Nous ne savons pas, à l'heure actuelle, quelles évolutions seront possibles quand l'évolution de la géosphère et de la biosphère sera prolongée par une technosphère et une noosphère intelligentes; II n'est pas exclu a priori qu'interviennent ainsi des effets équivalant à une multiplication de la Terre.

 La technique n'a pas encore dit son dernier mot. Si, jusqu'à ce jour, on la perçoit le plus souvent sous l'aspect de la destruction de l'environnement et des approches biogénétiques, cela révèle seulement qu'à certains égards, elle en est toujours à ses débuts. Il y a quelque temps, on a proposé de faire la distinction entre allotechnique et homéotechnique – la première reposant sur des procédures de maitrise de la nature et de prise de la nature par la ruse, la seconde sur des procédures d’imitation de la nature et de prolongement de principes de production naturels au niveau artificiel. Le rééquipement de la technosphère selon des standards homoéotechnique  et biomi­métiques donnerait avec le temps une tout autre image de l'interaction entre l'environnement et la technique. Nous apprendrions ce que peut faire le corps terrestre dès que les gens passent, dans leur maniement de ce corps, de l'exploitation à là coproduction. Sur la voie de la pure exploitation, la Terre reste pour tous les temps la monade limitée. Sur la voie de la coproduction entre la nature et la technique, elle pourrait devenir une planète hybride sur laquelle seront possibles plus de choses que ne le croient des géologues conservateurs.

Les esprits plus créatifs du mouvement écologiste ont produit des idées analogues dans le monde entier. Ils ont calculé à l'avance, à notre attention, la  manière dont on peut, à l'échelle mondiale, obtenir un doublement de la richesse avec moitié moins de ressources. Une remarque erratique de Buckminster Fuller va dans la même direc­tion en jetant un pont entre la multiplication miracu­leuse des pains dans le Nouveau Testament et l'histoire de la technique interprétée sur le plan métaphysique : «À l'aide du principe du levier [...], il est littéralement possible de faire plus avec moins [...]. C'est peut-être  cet avantage intellectuel [...] que le Christ essayait de faire comprendre par sa parabole des pains et des poissons. » La conclusion de son Manuel d'instruction est en toute logique consacrée à un appel à l'éthique de la créativité : «Ainsi, planificateurs, architectes et ingé­nieurs, prenez l'initiative. Mettez-vous au travail et sur­tout coopérez, ne vous dissimulez rien les uns aux autres et n'essayez pas de vaincre aux dépens de l'autre. Toute réussite dans un tel déséquilibre est vouée à une courte durée. Ce sont là les règles synergétiques que l'évolution utilise et essaie de nous rendre claires. Ce ne sont pas des lois humaines. Ce sont les lois infiniment accommodatives de l'intégrité intellectuelle gouvernant l'univers. » Gardons-nous de réduire ces propos à leur naïveté. Si la grande autodidactique devait aller jusqu'à cantonner dans certaines limites les émissions de l'igno­rance, cela ne pourrait se produire que grâce à l'intégrité intellectuelle de tous ceux qui assument aujourd’hui la responsabilité de leur savoir positif et de leurs sombres pronostics.

 

Peter Sloterdjik

  «  Wie gross ist « gross » ? » Die Welt, 17 décembre 2009. Trad. Inédite de l’allemand par Olivier Mannoni.