TS. Relire le Manuel d'Epictète
TES
Exercices :
1.
Lire tous textes
2.
Dégagez l’idée centrale et l’argumentation des textes 1,2 et 3.
3.
Sur le sujet de dissertation « le langage trahit-il la pensée ? »,
rédigez une introduction et composez des parties qui exploitent les textes
ci-dessus.
l/ « C'est dans les mots
que nous pensons. Nous n'avons conscience de nos pensées déterminées et réelles
que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de
notre intériorité, et, par suite, nous les marquons d'une forme externe, mais
d'une forme qui contient aussi le caractère de l'activité interne la plus
haute. C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre l'existence ou
l'externe et l'interne sont si intimement unis. Par conséquent, vouloir penser
sans les mots, c'est une tentative insensée [...]. Et il est également absurde
de considérer comme un désavantage et comme un défaut de la pensée cette
nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il est vrai, que ce
qu'il y a de plus haut, c'est l'ineffable. Mais c'est là une opinion
superficielle et sans fondement ; car, en réalité, l'ineffable, c'est la pensée
obscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire que
lorsqu'elle trouve le mot. Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plus
haute et la plus vraie. » Encyclopédie des sciences philosophiques,
Philosophie de l'esprit, trad. A. Véra, Félix Alcan, add. §462. Hegel
2l « Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus
souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du
besoin, s'est encore accentuée sous l'influence du langage. Car les mots (à
l'exception des noms propres) désignent des genres... Et ce ne sont pas
seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d'âme qui se
dérobent à nous dans ce qu'ils ont d'intime, de personnel, d'originalement
vécu. Quand nous éprouvons de l'amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux
ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience
avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font
quelque chose d'absolument nôtre : Nous serions alors tous romanciers, tous
poètes, tous musiciens. Mais le plus souvent, nous n'apercevons de notre état
d'âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que
leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes
parce qu'il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les
hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l'individualité nous échappe.
Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles. »
H. Bergson, Le rire, «
le comique de caractère », PUF, p. 117
3/ Chacun de nous a sa manière d'aimer et de haïr
et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le
langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi
n'a-t-il pu fixer que l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, de la haine,
et des mille sentiments qui agitent l'âme. Nous jugeons du talent d'un
romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage
les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie
de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive
et vivante individualité. Mais de même qu'on pourra intercaler indéfiniment des
points entre deux positions d'un mobile sans jamais combler l'espace parcouru,
ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des
idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se
pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la
pensée demeure incommensurable avec le langage.
H. Bergson, La pensée et le mouvant, PUF
4/ « On dit toujours que la
pensée est fuyante et que le propre du langage, c'est de réussir à la retenir
et à la capter. Cela s'applique assez bien à ces états passagers que nous
faisons entrer ensuite dans la trame de l'histoire. Mais il n'en est pas ainsi
lorsqu'il s'agit de pensées véritables. Il y a dans toute pensée un caractère
d'éternité. Elle nous semble évanouissante, non point parce qu'elle est dans le
temps, mais parce que nous y sommes. Ce n'est pas elle qui passe, mais c'est
nous qui passons, attirés par d'autres soins, qui détournent d'elle notre
regard. Elle déchire la durée comme une sorte d'éclair, mais c'est une
ouverture sur une lumière surnaturelle qui se referme aussitôt. Le mot est
comme un talisman qui nous en redonne l'accès ; chaque fois qu'il est pronocé,
il nous découvre à nouveau l'éternité par la fenêtre étroite de l'instant. »
L.Lavelle, La parole et l'écriture,
p.69