C’était une nuit noire à la lune de croissant qui illuminait cette soirée de début de week-end, mais surtout de confinement. La petite chatte grise aux yeux d’or se promenait allègrement dans la cour du collège. Ses vibrisses blanches remuaient, ses oreilles s’orientaient vers chaque bruit, ses pattes poilues se déposaient délicatement dans les feuillages tout silencieusement, ses yeux brillaient dans la nuit noire, son pelage grisaillant brillait sous la lueur de la lune, sa longue queue grise restait droite et longeait le sol, et chaque bruit la faisait frémir.

Plus de profs, plus d’élèves. Plus de collégiens bruyants, plus de déchets jetés dans la nature faisant fuir les proies sauvages, plus de sonnerie de fin des cours, plus rien.

Et ce n’était pas parce qu’il faisait nuit ou parce que c’était un samedi soir. Mais parce qu’un virus tueur traînait dans les rues des villes de la France entière. Mais aussi de l’Italie, des Etats-Unis, de l’Espagne, de la Russie en passant par La Réunion... Dans cette fâcheuse situation de crise, seuls les animaux avaient leur pleine liberté. Ni chasseurs, ni marcheurs, ni pêcheurs ne viendraient les embêter.

La minette, qui répondait au nom de Nina, avait un territoire de chasse très élargi : il partait du quartier du Racinay et s’étendait sur toute la largeur de la ville jusqu’au parc du château. Mais, elle ne chassait pas seule, elle était l’exception qui confirmait la règle. A la tête d’une bande de chats rusés, la féline pouvait ainsi couvrir le terrain et trouver les meilleures proies. Malheureusement, deux de la bande avait déjà perdu la vie cet hiver… Pour Moustache, son ancien maître lui avait rasé les poils l’été dernier, qui ne voulurent repousser. Sans chaleur, le pauvre matou était mort de froid, cette nuit d’hiver où une couche de neige saupoudra la ville d’une fine épaisseur de sucre glace. Quant à Félix, le pauvre gourmand n’avait pu résister à fouiller dans les poubelles du Tacos Kebab, dans lesquelles non seulement il s’était fait jeter, mais en traversant malencontreusement la route, avait rejoint Moustache…

Depuis, c’était décidé : il fallait trouver un endroit sûr où se cacher quand viendraient les mauvais jours. Et le confinement était une période idéale pour trouver un endroit fiable. Nina approcha des portes du collège. Elle bondit sur un muret sur lequel elle avait une vue imprenable sur la cour du collège. Redescendant, elle vit une porte entrouverte en rentra dans le bâtiment. Le hall était plutôt petit. Une table était posée sous un tableau de liège où était accrochées toutes sortes d’annonces, de la journée de l’élégance en passant par le voyage scolaire des élèves. Un poteau était planté au milieu du hall, où s’affichait l’heure. Une heure vingt-six.

« N’est ce pas un bon endroit pour être en sécurité ? Nous pourrions venir la nuit et s’y cacher ! » Mais cette porte était-elle toujours entrouverte ou alors quelqu’un était-il venu au collège récupérer des affaires ? Elle entendit des bruits de pas. Rapidement, elle se glissa sous la table. « Un homme, sans doute un professeur. » Il avait une valisette noire en cuir retourné, des bottines montantes jusqu’au haut des chevilles, un jeans skinny, une chemise verte sous un pull moulant, un trench long, une barbe de trois jours, des yeux d’un noir profond, une frange brune, des joues rosées, un carnet à la main, et, surtout, un air assez mystérieux et un peu inquiet.

Il regardait tout autour de lui, et tenait fermement cette valisette, comme si c’était un bien très précieux. « Bizarre », pensa la petite chatte. Nina explora le bâtiment, les trois étages, le sous-sol, mais les portes des salles étaient évidemment fermées.

Le matin même sous une pluie battante Nina alla à la rencontre de ses fidèles compagnons pour annoncer la nouvelle aux huit chats rusés : Pollen, Bella, Ramsès - et oui, c’est bien le chat de Feu Vert -, Ambre, Moka, Mystie, Félicette - oui, c’est bien elle qui est montée dans une navette spatiale - et Bilout.

« Mes chers compagnons, miaula la jeune chatte, vous voyez le gros bâtiment où de petits Hommes vont avec un sac sur le dos, fermé par le grand portail coulissant ? ». Les minets acquiescèrent. « Si nous trouvons un trou pour rentrer et sortir librement, nous aurons une cachette fiable pour nous abriter lors des mauvais jours, quand les petits Hommes ne sont pas là ».

Ses fidèles compagnons trouvèrent que c’était une merveilleuse idée et décidèrent de rechercher une autre entrée que cette fameuse porte. D’ailleurs, quand ils arrivèrent sur les lieux, la fameuse porte était bel et bien fermée. Les neuf chats se mirent à la recherche d’un trou pour s’y glisser, qui resterait toujours ouvert.

Ramsès fouilla le parking pour y trouver un trou qui mènerait à un chemin souterrain. Félicette passa par l’escalier de service pour monter au quatrième voir s’il y avait une entrée cachée, tandis que sa meilleure amie Ambre fouilla la partie basse de la cour, là où se trouvaient un terrain de foot et des pots de fleurs. Pollen et Bella, issus de la même fratrie, fouillèrent le haut de la cour, du côté des bancs et ils creusèrent dans les feuillages pour y chercher un trou ou une trappe. Moka et Mystie, qui flirtaient depuis quelques mois déjà, décidèrent de longer les grillages et la porte d’entrée pour y trouver un passage souterrain. Bilout, en gros patapouf qu’il est, souffrait de dépression depuis cet hiver car il était le fidèle meilleur ami de Félix. Les deux gourmands étaient comme des frères… Depuis, les autres chats le laissaient somnoler. Comme à son habitude, il s’installa confortablement sur le banc abrité d’un chêne, en boule dans son pelage chocolat et qui formait de loin un énorme caillou poilu.

Quant à Nina, elle explora toutes les parties non couvertes par les autres chats, la truffe enfouie sous les feuilles, les moustaches frémissant à la moindre possibilité, ses petits yeux dorés grands ouverts, son épais pelage gris ardoise détrempé sous la forte pluie. Son petit corps musclé et fin pouvait faire des pirouettes risquées, des sauts périlleux. Presque toujours solitaire, elle aspirait à une vie calme chez des maîtres bienveillants, mais la vie n’en avait pas décidé ainsi.

« J’ai trouvé ! » miaula Ramsès. Répondant par une multitude de « miaou » joyeux, les chats accoururent, même Bilout, sortit de sa torpeur, avec son ventre poilu traînant sur la terre humide de la cour de récréation.

Une trappe en aluminium était enfouie sous une épaisse couche de terre et de feuille, derrière le petit cabanon du parking. Les minets étaient dégoûtés par les mégots remplis de tabac à l’odeur encore étouffante de fumée. « Autant de cigarettes au mètre carré, c’est à en faire fuir les souris » pensa l’intelligente Nina. Les chats se glissèrent dans la trappe. La trappe n’était pas très profonde mais mesurait au moins un mètre dix. Tous dans le tunnel, ils trottinèrent silencieusement afin de voir où menait le fameux sous-terrain. Le tunnel mena à une autre trappe dans une salle à porte sans serrure. La seconde trappe était cachée sous un canapé. Les minets s’ébrouèrent, car leur pelage était imbibé d’eau.

« On est dans l’enceinte du collège ! » miaula Félicette. « Exact, répondit Nina, sortons de cette salle pour explorer le bâtiment, je connais déjà assez bien les lieux.» Moka et Bilout restèrent dans la salle. Il y avait deux canapés et entre les deux une table basse. Un placard était rempli de jeux de sociétés. La pièce était plutôt sombre, un lampadaire éclairait faiblement la petite salle.

« Nous sommes au rez-de-chaussée, miaula entre ses moustaches la petite chatte grise. Je vous laisse explorer le bâtiment, il faut que je fasse ma toilette ». Quand les cinq autres chats revinrent, Moka et Bilout dormaient en boule sur l’un des deux canapés, tandis que Nina continuait à se toiletter.

« Cet endroit n’est-il pas parfait pour s’abriter ? Nous avons trouvé la perle rare ! En plus nous pouvons venir le soir après vingt heures pour ne pas croiser de petits humains ou d’humains adultes, pendant les périodes où ils s’absentent du bâtiment, et tous les week-ends ! » miaula Mystie. Les autres chats furent formidablement heureux.

Les jours passèrent vite. Chaque matin, ils partaient par deux à la chasse et revenaient à midi. Deux autres minets partaient à la tombée de la nuit et revenaient au lever du soleil. Les chats étaient heureux. Pour s’amuser, ils se coursaient dans les quatre étages du collège, ils buvaient l’eau des toilettes, mangeaient les résultats de leurs chasses dans le parc du lycée.

Les chats ne savaient pas combien de temps le confinement durerait, mais pour l’instant, ils étaient heureux dans ce collège vide comme en deuil, mais avec une touche de joie grâce à Nina et sa bande de chats.

( = FIN = )

C’était une nuit noire à la lune de croissant qui illuminait cette soirée de début de week-end, mais surtout de confinement. La petite chatte grise aux yeux d’or se promenait allègrement dans la cour du collège. Ses vibrisses blanches remuaient, ses oreilles s’orientaient vers chaque bruit, ses pattes poilues se déposaient délicatement dans les feuillages tout silencieusement, ses yeux brillaient dans la nuit noire, son pelage grisaillant brillait sous la lueur de la lune, sa longue queue grise restait droite et longeait le sol, et chaque bruit la faisait frémir.

Plus de profs, plus d’élèves. Plus de collégiens bruyants, plus de déchets jetés dans la nature faisant fuir les proies sauvages, plus de sonnerie de fin des cours, plus rien.

Et ce n’était pas parce qu’il faisait nuit ou parce que c’était un samedi soir. Mais parce qu’un virus tueur traînait dans les rues des villes de la France entière. Mais aussi de l’Italie, des Etats-Unis, de l’Espagne, de la Russie en passant par La Réunion... Dans cette fâcheuse situation de crise, seuls les animaux avaient leur pleine liberté. Ni chasseurs, ni marcheurs, ni pêcheurs ne viendraient les embêter.

La minette, qui répondait au nom de Nina, avait un territoire de chasse très élargi : il partait du quartier du Racinay et s’étendait sur toute la largeur de la ville jusqu’au parc du château. Mais, elle ne chassait pas seule, elle était l’exception qui confirmait la règle. A la tête d’une bande de chats rusés, la féline pouvait ainsi couvrir le terrain et trouver les meilleures proies. Malheureusement, deux de la bande avait déjà perdu la vie cet hiver… Pour Moustache, son ancien maître lui avait rasé les poils l’été dernier, qui ne voulurent repousser. Sans chaleur, le pauvre matou était mort de froid, cette nuit d’hiver où une couche de neige saupoudra la ville d’une fine épaisseur de sucre glace. Quant à Félix, le pauvre gourmand n’avait pu résister à fouiller dans les poubelles du Tacos Kebab, dans lesquelles non seulement il s’était fait jeter, mais en traversant malencontreusement la route, avait rejoint Moustache…

Depuis, c’était décidé : il fallait trouver un endroit sûr où se cacher quand viendraient les mauvais jours. Et le confinement était une période idéale pour trouver un endroit fiable. Nina approcha des portes du collège. Elle bondit sur un muret sur lequel elle avait une vue imprenable sur la cour du collège. Redescendant, elle vit une porte entrouverte en rentra dans le bâtiment. Le hall était plutôt petit. Une table était posée sous un tableau de liège où était accrochées toutes sortes d’annonces, de la journée de l’élégance en passant par le voyage scolaire des élèves. Un poteau était planté au milieu du hall, où s’affichait l’heure. Une heure vingt-six.

« N’est ce pas un bon endroit pour être en sécurité ? Nous pourrions venir la nuit et s’y cacher ! » Mais cette porte était-elle toujours entrouverte ou alors quelqu’un était-il venu au collège récupérer des affaires ? Elle entendit des bruits de pas. Rapidement, elle se glissa sous la table. « Un homme, sans doute un professeur. » Il avait une valisette noire en cuir retourné, des bottines montantes jusqu’au haut des chevilles, un jeans skinny, une chemise verte sous un pull moulant, un trench long, une barbe de trois jours, des yeux d’un noir profond, une frange brune, des joues rosées, un carnet à la main, et, surtout, un air assez mystérieux et un peu inquiet.

Il regardait tout autour de lui, et tenait fermement cette valisette, comme si c’était un bien très précieux. « Bizarre », pensa la petite chatte. Nina explora le bâtiment, les trois étages, le sous-sol, mais les portes des salles étaient évidemment fermées.

Le matin même sous une pluie battante Nina alla à la rencontre de ses fidèles compagnons pour annoncer la nouvelle aux huit chats rusés : Pollen, Bella, Ramsès - et oui, c’est bien le chat de Feu Vert -, Ambre, Moka, Mystie, Félicette - oui, c’est bien elle qui est montée dans une navette spatiale - et Bilout.

« Mes chers compagnons, miaula la jeune chatte, vous voyez le gros bâtiment où de petits Hommes vont avec un sac sur le dos, fermé par le grand portail coulissant ? ». Les minets acquiescèrent. « Si nous trouvons un trou pour rentrer et sortir librement, nous aurons une cachette fiable pour nous abriter lors des mauvais jours, quand les petits Hommes ne sont pas là ».

Ses fidèles compagnons trouvèrent que c’était une merveilleuse idée et décidèrent de rechercher une autre entrée que cette fameuse porte. D’ailleurs, quand ils arrivèrent sur les lieux, la fameuse porte était bel et bien fermée. Les neuf chats se mirent à la recherche d’un trou pour s’y glisser, qui resterait toujours ouvert.

Ramsès fouilla le parking pour y trouver un trou qui mènerait à un chemin souterrain. Félicette passa par l’escalier de service pour monter au quatrième voir s’il y avait une entrée cachée, tandis que sa meilleure amie Ambre fouilla la partie basse de la cour, là où se trouvaient un terrain de foot et des pots de fleurs. Pollen et Bella, issus de la même fratrie, fouillèrent le haut de la cour, du côté des bancs et ils creusèrent dans les feuillages pour y chercher un trou ou une trappe. Moka et Mystie, qui flirtaient depuis quelques mois déjà, décidèrent de longer les grillages et la porte d’entrée pour y trouver un passage souterrain. Bilout, en gros patapouf qu’il est, souffrait de dépression depuis cet hiver car il était le fidèle meilleur ami de Félix. Les deux gourmands étaient comme des frères… Depuis, les autres chats le laissaient somnoler. Comme à son habitude, il s’installa confortablement sur le banc abrité d’un chêne, en boule dans son pelage chocolat et qui formait de loin un énorme caillou poilu.

Quant à Nina, elle explora toutes les parties non couvertes par les autres chats, la truffe enfouie sous les feuilles, les moustaches frémissant à la moindre possibilité, ses petits yeux dorés grands ouverts, son épais pelage gris ardoise détrempé sous la forte pluie. Son petit corps musclé et fin pouvait faire des pirouettes risquées, des sauts périlleux. Presque toujours solitaire, elle aspirait à une vie calme chez des maîtres bienveillants, mais la vie n’en avait pas décidé ainsi.

« J’ai trouvé ! » miaula Ramsès. Répondant par une multitude de « miaou » joyeux, les chats accoururent, même Bilout, sortit de sa torpeur, avec son ventre poilu traînant sur la terre humide de la cour de récréation.

Une trappe en aluminium était enfouie sous une épaisse couche de terre et de feuille, derrière le petit cabanon du parking. Les minets étaient dégoûtés par les mégots remplis de tabac à l’odeur encore étouffante de fumée. « Autant de cigarettes au mètre carré, c’est à en faire fuir les souris » pensa l’intelligente Nina. Les chats se glissèrent dans la trappe. La trappe n’était pas très profonde mais mesurait au moins un mètre dix. Tous dans le tunnel, ils trottinèrent silencieusement afin de voir où menait le fameux sous-terrain. Le tunnel mena à une autre trappe dans une salle à porte sans serrure. La seconde trappe était cachée sous un canapé. Les minets s’ébrouèrent, car leur pelage était imbibé d’eau.

« On est dans l’enceinte du collège ! » miaula Félicette. « Exact, répondit Nina, sortons de cette salle pour explorer le bâtiment, je connais déjà assez bien les lieux.» Moka et Bilout restèrent dans la salle. Il y avait deux canapés et entre les deux une table basse. Un placard était rempli de jeux de sociétés. La pièce était plutôt sombre, un lampadaire éclairait faiblement la petite salle.

« Nous sommes au rez-de-chaussée, miaula entre ses moustaches la petite chatte grise. Je vous laisse explorer le bâtiment, il faut que je fasse ma toilette ». Quand les cinq autres chats revinrent, Moka et Bilout dormaient en boule sur l’un des deux canapés, tandis que Nina continuait à se toiletter.

« Cet endroit n’est-il pas parfait pour s’abriter ? Nous avons trouvé la perle rare ! En plus nous pouvons venir le soir après vingt heures pour ne pas croiser de petits humains ou d’humains adultes, pendant les périodes où ils s’absentent du bâtiment, et tous les week-ends ! » miaula Mystie. Les autres chats furent formidablement heureux.

Les jours passèrent vite. Chaque matin, ils partaient par deux à la chasse et revenaient à midi. Deux autres minets partaient à la tombée de la nuit et revenaient au lever du soleil. Les chats étaient heureux. Pour s’amuser, ils se coursaient dans les quatre étages du collège, ils buvaient l’eau des toilettes, mangeaient les résultats de leurs chasses dans le parc du lycée.

Les chats ne savaient pas combien de temps le confinement durerait, mais pour l’instant, ils étaient heureux dans ce collège vide comme en deuil, mais avec une touche de joie grâce à Nina et sa bande de chats.

( = FIN = )

C’était une nuit noire à la lune de croissant qui illuminait cette soirée de début de week-end, mais surtout de confinement. La petite chatte grise aux yeux d’or se promenait allègrement dans la cour du collège. Ses vibrisses blanches remuaient, ses oreilles s’orientaient vers chaque bruit, ses pattes poilues se déposaient délicatement dans les feuillages tout silencieusement, ses yeux brillaient dans la nuit noire, son pelage grisaillant brillait sous la lueur de la lune, sa longue queue grise restait droite et longeait le sol, et chaque bruit la faisait frémir.

Plus de profs, plus d’élèves. Plus de collégiens bruyants, plus de déchets jetés dans la nature faisant fuir les proies sauvages, plus de sonnerie de fin des cours, plus rien.

Et ce n’était pas parce qu’il faisait nuit ou parce que c’était un samedi soir. Mais parce qu’un virus tueur traînait dans les rues des villes de la France entière. Mais aussi de l’Italie, des Etats-Unis, de l’Espagne, de la Russie en passant par La Réunion... Dans cette fâcheuse situation de crise, seuls les animaux avaient leur pleine liberté. Ni chasseurs, ni marcheurs, ni pêcheurs ne viendraient les embêter.

La minette, qui répondait au nom de Nina, avait un territoire de chasse très élargi : il partait du quartier du Racinay et s’étendait sur toute la largeur de la ville jusqu’au parc du château. Mais, elle ne chassait pas seule, elle était l’exception qui confirmait la règle. A la tête d’une bande de chats rusés, la féline pouvait ainsi couvrir le terrain et trouver les meilleures proies. Malheureusement, deux de la bande avait déjà perdu la vie cet hiver… Pour Moustache, son ancien maître lui avait rasé les poils l’été dernier, qui ne voulurent repousser. Sans chaleur, le pauvre matou était mort de froid, cette nuit d’hiver où une couche de neige saupoudra la ville d’une fine épaisseur de sucre glace. Quant à Félix, le pauvre gourmand n’avait pu résister à fouiller dans les poubelles du Tacos Kebab, dans lesquelles non seulement il s’était fait jeter, mais en traversant malencontreusement la route, avait rejoint Moustache…

Depuis, c’était décidé : il fallait trouver un endroit sûr où se cacher quand viendraient les mauvais jours. Et le confinement était une période idéale pour trouver un endroit fiable. Nina approcha des portes du collège. Elle bondit sur un muret sur lequel elle avait une vue imprenable sur la cour du collège. Redescendant, elle vit une porte entrouverte en rentra dans le bâtiment. Le hall était plutôt petit. Une table était posée sous un tableau de liège où était accrochées toutes sortes d’annonces, de la journée de l’élégance en passant par le voyage scolaire des élèves. Un poteau était planté au milieu du hall, où s’affichait l’heure. Une heure vingt-six.

« N’est ce pas un bon endroit pour être en sécurité ? Nous pourrions venir la nuit et s’y cacher ! » Mais cette porte était-elle toujours entrouverte ou alors quelqu’un était-il venu au collège récupérer des affaires ? Elle entendit des bruits de pas. Rapidement, elle se glissa sous la table. « Un homme, sans doute un professeur. » Il avait une valisette noire en cuir retourné, des bottines montantes jusqu’au haut des chevilles, un jeans skinny, une chemise verte sous un pull moulant, un trench long, une barbe de trois jours, des yeux d’un noir profond, une frange brune, des joues rosées, un carnet à la main, et, surtout, un air assez mystérieux et un peu inquiet.

Il regardait tout autour de lui, et tenait fermement cette valisette, comme si c’était un bien très précieux. « Bizarre », pensa la petite chatte. Nina explora le bâtiment, les trois étages, le sous-sol, mais les portes des salles étaient évidemment fermées.

Le matin même sous une pluie battante Nina alla à la rencontre de ses fidèles compagnons pour annoncer la nouvelle aux huit chats rusés : Pollen, Bella, Ramsès - et oui, c’est bien le chat de Feu Vert -, Ambre, Moka, Mystie, Félicette - oui, c’est bien elle qui est montée dans une navette spatiale - et Bilout.

« Mes chers compagnons, miaula la jeune chatte, vous voyez le gros bâtiment où de petits Hommes vont avec un sac sur le dos, fermé par le grand portail coulissant ? ». Les minets acquiescèrent. « Si nous trouvons un trou pour rentrer et sortir librement, nous aurons une cachette fiable pour nous abriter lors des mauvais jours, quand les petits Hommes ne sont pas là ».

Ses fidèles compagnons trouvèrent que c’était une merveilleuse idée et décidèrent de rechercher une autre entrée que cette fameuse porte. D’ailleurs, quand ils arrivèrent sur les lieux, la fameuse porte était bel et bien fermée. Les neuf chats se mirent à la recherche d’un trou pour s’y glisser, qui resterait toujours ouvert.

Ramsès fouilla le parking pour y trouver un trou qui mènerait à un chemin souterrain. Félicette passa par l’escalier de service pour monter au quatrième voir s’il y avait une entrée cachée, tandis que sa meilleure amie Ambre fouilla la partie basse de la cour, là où se trouvaient un terrain de foot et des pots de fleurs. Pollen et Bella, issus de la même fratrie, fouillèrent le haut de la cour, du côté des bancs et ils creusèrent dans les feuillages pour y chercher un trou ou une trappe. Moka et Mystie, qui flirtaient depuis quelques mois déjà, décidèrent de longer les grillages et la porte d’entrée pour y trouver un passage souterrain. Bilout, en gros patapouf qu’il est, souffrait de dépression depuis cet hiver car il était le fidèle meilleur ami de Félix. Les deux gourmands étaient comme des frères… Depuis, les autres chats le laissaient somnoler. Comme à son habitude, il s’installa confortablement sur le banc abrité d’un chêne, en boule dans son pelage chocolat et qui formait de loin un énorme caillou poilu.

Quant à Nina, elle explora toutes les parties non couvertes par les autres chats, la truffe enfouie sous les feuilles, les moustaches frémissant à la moindre possibilité, ses petits yeux dorés grands ouverts, son épais pelage gris ardoise détrempé sous la forte pluie. Son petit corps musclé et fin pouvait faire des pirouettes risquées, des sauts périlleux. Presque toujours solitaire, elle aspirait à une vie calme chez des maîtres bienveillants, mais la vie n’en avait pas décidé ainsi.

« J’ai trouvé ! » miaula Ramsès. Répondant par une multitude de « miaou » joyeux, les chats accoururent, même Bilout, sortit de sa torpeur, avec son ventre poilu traînant sur la terre humide de la cour de récréation.

Une trappe en aluminium était enfouie sous une épaisse couche de terre et de feuille, derrière le petit cabanon du parking. Les minets étaient dégoûtés par les mégots remplis de tabac à l’odeur encore étouffante de fumée. « Autant de cigarettes au mètre carré, c’est à en faire fuir les souris » pensa l’intelligente Nina. Les chats se glissèrent dans la trappe. La trappe n’était pas très profonde mais mesurait au moins un mètre dix. Tous dans le tunnel, ils trottinèrent silencieusement afin de voir où menait le fameux sous-terrain. Le tunnel mena à une autre trappe dans une salle à porte sans serrure. La seconde trappe était cachée sous un canapé. Les minets s’ébrouèrent, car leur pelage était imbibé d’eau.

« On est dans l’enceinte du collège ! » miaula Félicette. « Exact, répondit Nina, sortons de cette salle pour explorer le bâtiment, je connais déjà assez bien les lieux.» Moka et Bilout restèrent dans la salle. Il y avait deux canapés et entre les deux une table basse. Un placard était rempli de jeux de sociétés. La pièce était plutôt sombre, un lampadaire éclairait faiblement la petite salle.

« Nous sommes au rez-de-chaussée, miaula entre ses moustaches la petite chatte grise. Je vous laisse explorer le bâtiment, il faut que je fasse ma toilette ». Quand les cinq autres chats revinrent, Moka et Bilout dormaient en boule sur l’un des deux canapés, tandis que Nina continuait à se toiletter.

« Cet endroit n’est-il pas parfait pour s’abriter ? Nous avons trouvé la perle rare ! En plus nous pouvons venir le soir après vingt heures pour ne pas croiser de petits humains ou d’humains adultes, pendant les périodes où ils s’absentent du bâtiment, et tous les week-ends ! » miaula Mystie. Les autres chats furent formidablement heureux.

Les jours passèrent vite. Chaque matin, ils partaient par deux à la chasse et revenaient à midi. Deux autres minets partaient à la tombée de la nuit et revenaient au lever du soleil. Les chats étaient heureux. Pour s’amuser, ils se coursaient dans les quatre étages du collège, ils buvaient l’eau des toilettes, mangeaient les résultats de leurs chasses dans le parc du lycée.

Les chats ne savaient pas combien de temps le confinement durerait, mais pour l’instant, ils étaient heureux dans ce collège vide comme en deuil, mais avec une touche de joie grâce à Nina et sa bande de chats.

Elève de Sixième, collège du Rondeau (Rambouillet)