04juin2017
2034, fragments de notre futur
Qu’est-ce que sera le monde dans 17ans ? Qu’est-ce que sera le monde quand nous aurons deux fois 17ans ?
Création collective
de l’Option Théâtre du lycée Rabelais 2016-17,
animée par Marie-Aude WEISS et Christophe BOUQUEREL
Les ombres sur le mur » de Enzo MONCHAUZOU
" Nous tous"(I)
" Le musée de l’homme » de Tristan JEAN, Sarah-Louise ANDRIEUX et Emilia BERLANDI
« Free Running » de Elise GIRARD, Pauline HEUGA et Pauline MOUTEL
« Le Salon de la Clôture », tiré de Migraaaants de Matei VISNIEC
"Les métiers"
« La psychologue pour enfant addictif » de Noan ELIES et Victor LITOUX
« Rencontre dans un Tube » de Julien LATAPIE et Pauline HEUGA
« La psychologue pour parent addictif » de Kalinka BOIS-MASSON
"Nous tous" (II)
« La piscine de l’O-Méga » de Audrey PFANNENSCHMIDT
« Under the Dome » de Robin FRASER et Anna SZAST
"Qu'est-ce que tu deviens?"
1.LES OMBRES SUR LE MUR
PLEINS FEUX
Jarviss, le guide de l’expédition Paris 2034 : Enzo
LE GUIDE : Bonjour à tous !
Je suis Jarviss et je serai votre bjarki pour cette visite. Nous nous trouvons actuellement dans le Paris que nous aimions tant mais dont il ne reste strictement rien. Même la fameuse Tour Eiffel, qui se dressait juste derrière nous, a totalement disparu. Notre expédition s’appelle « La ville qui n’est plus », slogan qui peut vous terrifier mais qui résume plutôt bien la situation actuelle de l’ancienne capitale française.
Approchez, chers amis du monde entier, je vais vous montrer maintenant l'unique monument resté debout après ce fameux soir de 2034 où tout a brusquement basculé.
Ce que vous voyez-là est un pan de la façade presque miraculeusement conservé. Vous pouvez déchiffrer avec moi l'inscription : ici M-A, plus loin O-N-A-L, même si cette dernière lettre n’est pas très lisible. Les historiens qui travaillent sur ces ruines ont facilement pu reconstituer le reste : MAC DONALD! Cette enseigne, autrefois fameuse, est, mesdames messieurs, le dernier témoignage de la brillante civilisation parisienne. Cette ultime trace d'un passé disparu est bouleversante, n'est-ce pas?
Apparition d’un fantôme dans son dos : à partir de là, BAISSE DE LUMIERE PROGRESSIVE jusqu’à la fin de la réplique.
Attention, une ombre, là, sur le mur d’en face ! Vous l’avez vue, vous aussi ? Soyons prudents, restons groupés !
Mais que s'est-il passé en 2034, me direz-vous? Voici l’étrange récit de la catastrophe. Suite aux URL intergalactiques que Booba FETTE avait programmées avec l'aide du gouvernement, la ville-lumière s'est vue peu à peu infectée de fantômes. Dans un premier temps, ils n’étaient pas effrayants mais le jour du 11 Novembre 2034, ils commencèrent à se reproduire à une vitesse ! En deux heures, leur nombre avait triplé. Leurs éjaculas produisaient une masse de fumée qui ne faisait que diminuer la visibilité dans Paris. Quand vous voyez une tour de 300 mètres en train d'être recouverte à vue d’œil d'une masse plasmique, vous vous doutez bien qu'il y a un problème. Après la disparition de son monument emblématique, la vieille cité sombra dans le chaos. De nombreux accidents commencèrent à se produire, des voitures, des bateaux et même des avions se scratchaient. Des émeutes urbaines éclatèrent, des actes de désespoir inouïs, de terrorisme gratuit sans aucune revendication, des pillages, des destructions aveugles! C’est de cette façon qu'en quelques heures la Ville-Lumière s’enfonça dans la nuit. Une civilisation entière venait de disparaître!
Bien, ne traînons pas, parce que j’ai l’impression que l’obscurité est de nouveau en train de s’installer !...Surtout, restons groupés !... Je ne sais pas ce qui se passe, ce brouillard, je ne vous plus très bien, messieurs-dames !... (Il pousse un cri.) Ah ! Qu’est-ce que c’est que ce truc qui me frôle ? (sur un ton franchement angoissé) N’ayez pas peur, surtout, guidez-vous à ma voix, je vous assure que vous ne craignez rien !
2.NOUS TOUS (1)
LUMIERE SOMBRE
14 habitants des 2034 de cauchemar
TRISTAN : Nous sommes tous identiques, robotisés.
PAULINE : Nous sommes tous réduits en esclavage, au profit d’un seul homme, qui est le maître de tous.
VICTOR : Tout passe par des robots, dans un monde virtuel.
JULIEN : Nous sommes tous grincheux, fatigués par la vie pénible que nous vivons.
CAMILLE : Nous vivons enfermés sur une boule faite de feu et de pollution.
ELISE : Nous ne sommes plus qu’un nombre réduit d’êtres humains qui doivent se battre pour survivre.
KALINKA : Nous sommes sur le point d’être tous tués par une attaque d’aliens .
NOAN : Notre planète est complètement numérisée. Tout est lié à un serveur de contrôle.
ANNA : Nous devons partir. Quitter notre planète qui nous a protégés, aimés, pendant tous ces millions d’années.
EMILIA : Tous les hommes sont morts à cause d’un virus, il ne reste plus que des femmes.
ROBIN : Nous sommes tous emprisonnés dans des villes couvertes d’un dôme.
ENZO : Le monde est dominé par les partis extrémistes. Les racismes se mélangent et évoluent mais pas nous.
AUDREY : Nous sommes tous exposés dans un musée, visités par une espèce extra-terrestre ou même par des robots.
SARAH-LOUISE : Nous ne sommes plus que quelques vivants à tenter de nous en sortir, mais les plantes sont partout.
NOIR SEC
3. LE MUSEE DE L’HOMME
CARRE DE LUMIERE CRUE AU CENTRE, LE RESTE DU PLATEAU LUMIERE D’UN INTERIEUR
-Benjamin : Tristan
-Am : Emilia
-La guide : Elise
-Peu : Anna
-Fasci, sa petite amie : Noan
-Dég : Sarah-Louise
-La fille qui filme tout : Audrey
La scène se passe dans une salle de musée. Un garçon est installé dans une cage de verre, placée au centre de la salle. Il s’ennuie.
Entre un groupe de filles, mené par une guide.
LA GUIDE : Pour clôturer notre visite du Musée des Temps Anciens, j’ai le plaisir de vous présenter Benjamin, le dernier homme sur terre.
Fasci se rapproche de la cage.
LA GUIDE : Mademoiselle, ne vous approchez pas trop, s’il vous plait, vous risqueriez de l’affoler.
PEU : Quel être étrange, vous êtes sûre que la vitre est assez solide ? On ne risque rien ?
Benjamin lève un œil maussade sur elle, et, toujours aussi ennuyé, comme s’il avait déjà répété ces gestes plusieurs centaines de fois, il consent à se lever et à faire quelques pas dans sa cage.
DEG : Regardez-le, comme il se dandine, comme il se gratte ! Qu’est ce qui le différencie de nous autres ?
Benjamin hausse les épaules et va se rasseoir, replongeant dans son ennui.
LA GUIDE : N’ayez aucune inquiétude, cette « vitre » est un bouclier ionique spécialement conçu pour ce spécimen, il est totalement infranchissable, il faudrait un court-circuit général pour le désactiver. Et pour répondre à votre question l’homme se différencie de nous par ses organes reproducteurs, ses goûts en matière de cinéma, de vêtements, de nourriture et surtout d’hygiène. Ce qui explique cette odeur peu accommodante, que vous pouvez tester par cette ouverture placée en bas à gauche du bouclier, si vous le souhaitez, mais je vous préviens que c’est une expérience un peu particulière.
Fasci s’approche de l’ouverture, très intéressée. L’air complètement blasé, Benjamin se lève de nouveau, se place de l’autre côté et pète.
SON 1 : PROUT
Peu et Dég sursautent. Fasci se met à tousser. Benjamin va se rasseoir.
FASCI (toussant) : Quel être fantasque, tout à fait charmant, est ce qu’il arrive à communiquer ?
AM : Charmant tout à fait…
LA GUIDE : Oui bien sûr, regardez bien, je vais essayer de le faire réagir !
Elle toque à la vitre mais rien ne se passe. Benjamin se détourne ostensiblement.
PEU : Allons-nous en s’il te plait chérie, cet animal étrange me met mal à l’aise.
Benjamin lève de nouveau un œil vers elle, puis, sans se donner beaucoup de mal, il lui adresse quelques grimaces effrayantes et un ou deux gestes de menace. Ensuite, il retombe dans sa torpeur.
FASCI : Je ne me doutais absolument pas qu’une telle créature vivait encore sur terre. Où l’avez-vous donc trouvé, d’où vient-il ? Comment ça se fait qu’on n’en ait jamais vu avant ? Comment fait-il pipi ?
AM (se rapprochant petit à petit de la cage) : Oui d’où vient-il ?
LA GUIDE : Bah, écoutez, on l’a retrouvé après le Grand Massacre allongé sur un canapé dans une maison, située en dehors de la bordure extérieure. Il n’avait pas d’armes. Il ne faisait rien d’autre que regarder en boucle des vieux films sur un écran plasma du début du siècle. Et il possède un organe reproducteur extérieur qu’on appelle le pénis, phallus ou bite. C’est par ce même organe que s’écoule son liquide séminal.
DEG : Mais pourquoi vouloir le ramener avec vous ici, je veux dire pour avoir survécu là-bas il a dû faire des choses abominables. Am, je t’en prie, ne t’approche pas trop, il me dégoûte !
PEU : Et ça pourrait être dangereux… Il pourrait nous transmettre maladies et virus.
FASCI : Non, regardez-le, il a l’air inoffensif ! C’est quand même dommage qu’il soit dans cette cage… On n’arrive pas beaucoup à le voir. Vous le faites sortir parfois ?
LA GUIDE : Il a un enclos dehors avec un ballon de Chronoball pour se divertir, il devrait aimer le sport, normalement, mais il préfère rester à l’intérieur.
DEG : Qu’est-ce qu’il est laid ! Regarde, il a des cheveux autour de la bouche, et ses sourcils se rejoignent, aaaaaaah et cette boule qu’il a dans la gorge. Répugnant !
AM : Tu te rends compte que cet être-là, cet animal comme tu dis, c’est un « homme », comme on voit dans les très vieux films en 2D d’avant la catastrophe de 2034? Tu sais, comment il s’appelait, celui sur le bateau qui flottait directement sur l’eau, enfin qui flottait pas bien, d’ailleurs…
Depuis qu’elle s’est mise à parler de cinéma, Benjamin est sorti de son ennui. Il regarde Am avec curiosité.
Eh ben, lui, Benjamin, il aurait survécu au naufrage. C’est pour ça que je le trouve même pas beau, mais beaucoup plus que ça, totalement émouvant. Mythique. J’ai presque l’impression de pouvoir deviner quelque chose… Retrouver une émotion ancienne… Une nostalgie d’avant ma naissance… Pas vous ?
PEU : Tu sais que tu me fais peur, toi ?
DEG : Mais enfin, c’est pas possible, Am, t’as pris de l’O-Méga ou quoi ? Enfin, tu peux pas être en train de tomber amoureuse de ce… De cette bête, voilà, toute velue ! (Tchip). Enfin, tu es une femme et lui, un… On n'est plus sur le même rameau de l'évolution!
FASCI (s’adressant à Peu) : Je n’ai pas compris, elle a dit qu’elle était amoureuse du homme ?
PEU : J’en sais rien, je veux juste partir, cette situation commence à m’angoisser !
DEG : Regarde le bien : il dégoûte ! C’est une espèce différente, c’est de la zoophilie, ton délire !
LA GUIDE : Passons à la salle suivante je vous prie ! (En s’en allant) C’est une reconstitution d’un téléphone portatif à onde cellulaire de la marque pomme !
Les autres filles s’éloignent à sa suite.
SON 2 : TITANIC
Am reste en face de Benjamin, le fixant dans les yeux.
AM : Oh ses yeux ! Quelle force étrange. Tout mon programme cellulaire en est perturbé ! Un courant puissant me transperce le corps…
Benjamin se rapproche de la vitre, fixant du regard la jeune femme, et il pose sa main contre la sienne.
Au moment où leurs mains arrivent à la même hauteur : DES ECLAIRS PUIS NOIR SEC, FIN DE LA MUSIQUE
Au bout de quelques secondes : LUMIERE (SANS LE CARRE) et SON 3 : ALARME MUSEE
DEG : Am, t’es où, Am ? Il y a eu un court-circuit ou quoi ? Tout le monde est en panique ! (Elle aperçoit Am et Benjamin en train de s’embrasser goulûment.) Ah ! Mais c’est répugnant !... C’est à vomir ! Comment t’as fait pour entrer dans sa cage ? Je te préviens, je vais chercher la guide et les autres !
Elle sort de scène.
Am et Benjamin se rendent compte que la cage a été désactivée. Ils font quelques pas en dehors. La guide et les autres filles apparaissent à l’autre bout de la salle du musée.
Am et Benjamin se donnent la main et s’enfuient.
Les autres se jettent à leur poursuite en criant : « Am, c’est répugnant ! », « Benjamin, viens ici ! », «Alerte, alerte ! ».
NOIR SEC + LAISSER ALLER LE SON 3 JUSQU’AU BOUT
4. FREE RUNNING
A JARDIN LUMIERE SUR DEUX TABOURETS
A COUR FOND DE SCENE LUMIERE SOMBRE SUR ENFANTS
-Elia, téléopératrice : Elise
-Cam, téléopératrice : Camille
-Contrôleur Robot B31 : Victor
-Enfant 122 812 : Pauline
-Enfant 144 713 : Anna
-Des enfants dans la chaine de production : Emilia, Sarah-Louise, Noan…
Dans un coin de la scène, le bureau des Téléopératrices. La Téléopératrice Elia est déjà en scène. Elle surveille son écran machinalement.
De l’autre côté de la scène, l’Atelier de Kualur Lumpa : une chaine d’enfants, assis devant des machines. Chacun effectue un seul et unique geste répétitif, différent pour chacun d’entre eux. Ils sont surveillés par le Contrôleur Robot B31.
Dans le bureau, la Téléopératrice Elia se met à taper frénétiquement sur son écran.
TEL-OP ELIA : Alors, donc, « Contrôleurs Robots A 1 à B128 : contrôle ateliers. » Hop, c’est parti !
Dans l’atelier, le Contrôleur Robot B31 reçoit l’impulsion. Il entre avec un autre enfant. Il l’entraîne vers la place laissée vide dans la chaine, le fait asseoir devant sa machine, où il l’attache par ses chaines. Placé derrière lui, il l’oblige à faire le geste mécanique, jusqu’à ce que l’enfant ait pris le rythme.
La Téléopératrice Cam entre dans le Bureau.
CAM : Salut, Elia, comment tu vas ? T’étais de l’équipe de nuit, toi ?
ELIA : Oui, la galère, je dois payer les vacances en station orbi… Oh, mais attends, Cam, O-M-G !! Tu portes la nouvelle veste Nikiddas ! Elle te va vachement bien !
CAM (l’interrompant) : Merci ! Qu’est-ce que tu fais, tu restes ?
ELIA : Ouais, c’est l’enfer, j’ai encore une heure à tirer !
Cam s’installe devant l’écran de contrôle.
ELIA: On a un message du poste central ! «A tous les ateliers Kualur Lumpa : accroître la cadence de production. Nouvelle Target de compétitivité : dépasser usine Ratesh Prada d’au moins 2 millions de brass par jour pour les tailles 44 à 48 du modèle Marathon Féminin de la Haine.» Par jour?! Mais c’est énorme ! Bon, on n’a pas le choix… (Elle appuie sur un bouton de son écran.) Hop, c’est parti !
SON 4 : MACHINE LENTE
Dans l’atelier, les enfants se mettent à travailler. Le nouvel arrivant a du mal à tenir le rythme. Le Robot entre de nouveau.
LE NOUVEL ENFANT, bégayant :… toilette, s’il vous plait.
Le Robot plaque la tête de l’enfant sur la table afin de voir son numéro tatoué au cou. L’enfant gémit.
C.R. B31 (dans une oreillette) : Enfant numéro 122 812 demande permission d’aller aux toilettes. Checking tatouage. Attends instruction.
Les deux téléopératrices regardent leurs écrans avec surprise.
METTRE LE SON 4 PLUS BAS
CAM : C’est quoi cette affaire encore dans l’atelier 31 ! 122 812 veut aller aux toilettes, comme si on avait besoin de ça ! Bon on fait quoi ?
ELIA : Attends, attends, c’est parfait, regarde ! 122 812 est né le 30 septembre 2022, il a donc 12 ans révolus, ce qui fait de lui un adulte d'après la charte de l'entreprise. La procédure AP s'impose: des pauses toutes les 4 heures pour ce salarié. Donc, requête rejetée ! (Rire de la téléopératrice, qui tape sur son écran).
CAM : Tu excelles vraiment en droit du travail kualur lumpien!
ELIA : J'ai suivi une formation spéciale quand je suis entrée chez Free Running. C'est vraiment utile dans notre métier.
C.R. B1 (dans son oreillette) : Procédure AP exécution. (à voix haute) Requête rejetée. Continue ton travail, 122 812. Pause pipi salarié adulte dans 3 heures 12 minutes.
L’enfant pleure.
ELIA : Désolée de t’interrompre mais je ne supporte pas. Procédure coeur.
La téléopératrice fait un signe de coeur sur son écran.
CAM : Non, mais tu as eu raison, j’aurais fait la même chose à ta place. On est humaine, on peut pas se changer.
Le robot, recevant l’impulsion, sort un mouchoir en papier de sa poche et essuie lui-même les yeux de l’enfant pour qu’il puisse continuer à travailler tout en étant consolé.
CAM : Attends, autre problème ! Encore un message du poste central ! «Augmenter la cadence level 3. Lancer l'opération cash & carry». Ils exagèrent !
ELIA : Chut !
Elle indique par signes à sa collègue qu’une caméra de contrôle filme leur conversation et qu’elles sont elles aussi surveillées.
CAM : Oups ! Ils exagèrent dans cet atelier 31 de Kualur Lumpa ! Allez hop, c’est parti, on va les réveiller !
SON 5 : MACHINE RAPIDE + ALARME.
Le bruit de machines s’accélère et les enfants de l’atelier tentent de suivre son rythme beaucoup plus rapide.
Soudain, une sonnerie stridente émanant de l’écran de contrôle fait sursauter les deux téléopératrices, tandis que, dans l’usine, l’enfant 122 812 pousse un cri terrible et se plie en deux de douleur.
Le bruit de machines s’arrête brusquement. Tous les autres enfants de la chaine cessent de travailler.
C.R. B31(dans son oreillette) : Alerte ! Enfant-adulte 122 812, main arrachée par machine. Attends instructions.
ELIA : Merde, merde, merde !
CAM (tout en tapant sur l’écran) : C.R B31, déclencher procédure Blood Emergency ! Vite !
Le robot, recevant l’impulsion, injecte à l’enfant une piqûre anesthésiante, le détache de la machine, le prend dans ses bras.
C.R. B31 (dans son oreillette) : Procédure d'urgence Blood Emergency exécutée ! (à voix haute) Main de 122 812 sera remplacée gratuitement par prothèse orthopédique. Tous les autres ouvriers se remettent au travail! Je répète : tous les autres ouvriers se remettent au travail!
Les machines se remettent en marche sur le même rythme très rapide. Les autres enfants sont obligés de reprendre la cadence. Le Robot et l’enfant 122 812 sortent de scène.
CAM : Ah bon vraiment, "gratuitement"? C'est génial pour 122 812!
ELIA : Oui, mais ça nous coûte rien, tous les frais sont pris en charge par les cotisations sociales des salariés kualur lumpiens, qui sont vraiment très solidaires, les pauvres. Et comme c'est Free Running qui fournit les prothèses, même les accidents du travail font faire des bénéfices à l'entreprise. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes du travail!
CAM : Tu as raison ! Bon attends… voilà… et tac 144 713 entre en jeu !
SON 6 : MACHINE TRES RAPIDE
Elle appuie d’un geste vif et précis sur son écran. Le Robot revient sur scène, en amenant un autre enfant, qu’il attache à la machine. Les deux téléopératrices se font un check vainqueur.
CAM enthousiaste : On va enfin pouvoir souffler un peu ! Encore une matinée intense, n’est-ce pas ?
ELIA : Et comment ! Je me reprendrais bien un café.
CAM : Bonne idée ! Je mets en automatique, t’as ton biper ?
Elles se lèvent et sortent de scène.
C.R. B31 : Bienvenue chez Free Running, 144 713. Pause pipi dans 3 heures 59 minutes.
Il sort. Nouvelle sonnerie. Le noir descend lentement, tandis que le bruit de machines s’accélère encore, devient totalement assourdissant, et que les enfants, restés seuls sur scène, tentent désespérément de suivre sa cadence frénétique.
NOIR LENT + LAISSER LE SON 6 ALLER JUSQU’AU BOUT
5. LE SALON DE LA CLÔTURE
PLEINS FEUX + SON 7 : JINGLE DEBUT
Les trois démonstrateurs : Tristan, Enzo, Julien.
TRISTAN : Bonjour.
ENZO : Soyez les bienvenus à cette première édition…
ENSEMBLE : …du Salon de la clôture.
TRISTAN : Nous vous proposons une vaste gamme de barbelés anti-migrants et pas chers !
ENZO : Comme vous avez pu le constater, la période d’ouverture angélique des frontières n’est plus qu’un très lointain souvenir du début du 21ième siècle.
JULIEN : En 2034, plus que jamais, c’est l’heure de remettre des clôtures et des murs partout.
ENZO : C’est ça, l’Europe ?
JULIEN : C’est ça, nos valeurs esthétiques ?
TRISTAN : C’est ça l’image que nous renvoyons au monde ?
ENSEMBLE : Honte sur nos dirigeants ! Et honte sur nous tous !
ENZO : Où est notre créativité ?
TRISTAN : Où est notre goût pour l’insolence ?
JULIEN : Mais qu’à cela ne tienne !
TRISTAN : Notre société « Acier et tendresse »…
ENZO : … propose un produit nouveau et totalement révolutionnaire !
ENSEMBLE : Le barbelé à visage humain !
TRISTAN : Le barbelé design !
ENZO : Le barbelé souriant !
TRISTAN : De couleur vert joyeux, ce barbelé a aussi une forte connotation écologique.
JULIEN : Une fois installé, il donne l’impression d’être un mur végétal.
ENZO : Esthétiquement, c’est tout ce qu’on peut imaginer de plus gai, de plus sympathique, de plus attachant. Vu de loin, on dirait une vraie dentelle végétale, une haie d’arbre ou d’arbustes bien taillée et bien entretenue. C’est seulement lorsqu’on s’approche à quelques mètres de distance qu’on découvre qu’il s’agit d’une structure de fils de fer barbelés.
JULIEN : On vous prie d’admirer le coté œuvre d’art de cet ouvrage. Ce type de clôture n’a rien de méchant. Rien de menaçant, rien d’idéologique… On peut le considérer comme une œuvre d’art environnementale, une sorte d’installation en plein air digne de d’un grand artiste de jadis comme Christian Boltanski ou Anish Kapoor. Il y a aussi un côté art monumental dans cette manière d’installer une clôture. Ca embellit le paysage, ça s’intègre dans un milieu naturel. Et si on ajoute quelques éoliennes, on touche à la perfection…
TRISTAN : On a même envie d’organiser un pique-nique au pied de cette haie dont la couleur change discrètement tous les deux ou trois kilomètres…
ENZO : Le vert absinthe devient vert amande qui devient vert pomme qui devient vert citron qui devient vert pistache qui devient vers sapin…
Les garçons refont en quelque sorte la scène du tableau « Un déjeuner sur l’herbe » de Manet.
JULIEN : Venez, venez avec nous pour un sympathique « déjeuner sur l’herbe ».
NOIR SEC + SON 8 : JINGLE FIN
6. LES METIERS
CARRE DE LUMIERE CRUE AU CENTRE
ANNA : Je suis créatrice de lumière. Grâce à une technique que j’ai mise au point, et qui relève évidemment du secret professionnel, je peux créer de la lumière à partir de rien. Par exemple, ici à gauche, pouf! (flash lumière jardin ) Ou là, en haut, pouf! (flash lumière cour) Avec moi, il ne fera plus jamais nuit!
AUDREY : Je suis téléopératrice devant un grand écran de contrôle tactile. Je surveille le destin des assistées. Je dois rester extrêmement vigilante à ne perdre aucun assisté de l'écran et même du serveur. Si j’échoue, j'encours le risque d'être convoquée au bureau central et de me retrouver à mon tour assistée.
EMILIA : Je suis persomodificatrice. Les gens me payent pour changer de personnalité.
ENZO : Jhon Smith Tarantino Monchauzou, PDG de « Trashlife and co ». Je suis Trash designer. Le concept est simple. Vous en avez marre de trier vos déchets ? Vous pouvez désormais mettre tous vos déchets dans une seule poubelle. Une fois déposés délicatement, ils vont se fusionner et disparaître.
TRISTAN : Je suis proxénète de robots. Je loue ou vends du plaisir sexuel sous forme cybernétique à temps partiel.
NOAN : Je suis psychologue pour enfants additifs, diplômée de L'ULPAT (Université Libre de Psychologie Addictologique de Tamanrasset). C’est le métier d’avenir, car les enfants que m’amènent leurs parents se sentent de plus en plus délaissés.
ELISE : Je suis actuellement chef de l'armée robotique. Je répare les robots censés combattre les autres races d'hommes et je les perfectionne pour leur apporter une technologie conforme à la destruction humaine.
JULIEN : Je suis Contrôleur Nomade, employé par l'Etat. Je checke toutes les data des personnes que je croise, afin de signaler automatiquement au Terminal de Surveillance ceux qui représentent une menace pour la collectivité.
ROBIN : Je suis cadre à l'entreprise «Les carcasses c'est trop sympa". Mon travail consiste à prendre des carcasses datant d’avant 2020 : un iPhone 6, un iMac, votre belle-mère, et je transforme toutes ces anciennetés en appareils modernes. Le but étant d'oublier le passé en le renouvelant. Alors « n'hésitez plus, donnez vos carcasses!!! "
CAMILLE : Je travaille dans l'intra-communication. C'est à dire que nous cherchons à transcender les codes du langage pour atteindre le plus grand des possibles. C'est un courant qui a commencé avec la volonté de parler aux animaux et, étant donné qu'on s'attend à une invasion spatiale, on s'attend à tout.
PAULINE : Je suis spécialiste en marketing dans un supermarché de viande humaine. Nous proposons une large gamme de prix partant des corps basanés à consommation courante, des corps de complexion pâle pour les ragoûts et des corps d'un rose vif comme morceaux de premier choix. Nous garantissons que les corps sélectionnés participent à la lutte planétaire contre le gaspillage.
KALINKA : Je suis coiffoux. Vous allez me dire, mais qu'est que c'est? C'est tout simplement le métier de coiffeur des temps modernes. Pour ça j'ai un bouton. Ce bouton va changer votre vie. Je peux vous créer la coiffure que je désire. Par exemple, Monsieur, je sais au plus profond de moi que vous avez toujours désiré avoir les cheveux longs jusqu'aux pieds ! Alors c'est parti! Désolé pour le retard, il a fallu 2034 !
VICTOR : Je suis inÈgÈnieur. (Montrant un objet particulier). Ceci est un objet qui agit sur la concentration psych-angulaire du corps intrisEque. Ce qui a pour conséquence d'augmenter le potentiel cognitif. Ce métier est complètement nouveau et permet, si vous avez anormalement rien compris, de parler toutes les langues connues, mEme le binaire, et de pouvoir lire les pensÈes.
SARAH-LOUISE : Je suis nuagorienne. Spécialiste des nuages aujourd’hui figés. J’organise des visites afin d’expliquer leur histoire et leur forme.
NOIR SEC
+ au bout d’une dizaine de secondes SON 9 : SONNERIE BLUX BREVE
7. LA PSYCHOLOGUE POUR ENFANT ADDICTIF
PLEINS FEUX
Mlle Blux, la psychologue : Noan
La mère : Kalinka
L’enfant addictif : Victor
Le bureau de la psychologue. Mlle Blux en train de travailler sur son ordinateur. Sonnerie.
MLLE BLUX : Entrez !
Une mère, très executive woman, entre, accompagnée de son fils.
LA MERE : Bonjour docteure Blux.
MLLE BLUX : Bonjour Madame, installez-vous, je vous en prie !
La mère s’assied. L’enfant reste debout. Il garde le silence, l’air complètement absent.
LA MERE : Merci beaucoup de nous recevoir, ça devenait très urgent, je suis dans une situation délicate…
Elle se relève et installe son fils, toujours amorphe, sur une chaise à côté d’elle.
MLLE BLUX : C’est pour votre fils ici présent ? (La mère hoche la tête.) Comment tu t’appelles, jeune homme ?
LA MERE : Anatole.
MLLE BLUX : C’est très joli. Un prénom très à la mode. Et tu as quel âge ?
LA MERE : Il a douze ans.
MLLE BLUX : Il ne parle pas beaucoup, dites-moi.
LA MERE : Si, il paraît qu’il parle. Quand il est dans son état normal. Il a des phases de parole. Mais je ne suis pas toujours là quand ça lui arrive, donc je ne peux pas vraiment vous dire.
MLLE BLUX : Je vois. Expliquez-moi tout.
LA MERE : Vous êtes une spécialiste renommée en addiction enfantine et mon fils est un cas très particulier…Je suis désespérée, j’ai tout tenté, j’ai même songé à l’euthanasie. Enfin, dans un pays où c’est légal, évidemment, pour raisons thérapeutiques. Avec mes relations, je pourrais. Sa vie est un enfer, la mienne aussi. Je ne pensais pas qu’être mère me prendrait autant de temps. Et d’énergie vitale. Je suis à bout.
MLLE BLUX : Vous savez que j’utilise la technique du Rewind Brain Washing, en français « Re-Lavage de cerveau ». Elle donne d’excellents résultats mais il n’y a aucun retour en arrière possible. La machine propose toute une gamme de solutions, que vous pouvez consulter dans le catalogue que, tac, j’envoie sur votre écran En attendant, expliquez-moi de quelle addiction exactement souffre votre enfant.
LA MERE : J’ai très peur pour lui, pour sa vie future… Grâce à mes relations d’affaire, je lui ai réservé déjà une place pour après son bac dans la meilleure université chinoise, mais là, tout s’écroule…
MLLE BLUX : Est-ce que vous pouvez être plus spécifique ?
LA MERE : Il fume.
MLLE BLUX : Ah, vous m’avez fait peur ! Evidemment, douze ans, c’est un peu tôt pour commencer à fumer mais il n’y a pas matière à…
LA MERE : Non, vous ne m’avez pas comprise, Il fume de l'O-Méga!
MLLE BLUX : Là, évidemment, c’est plus embêtant. Surtout à douze ans.
LA MERE : Il est très autonome, enfin, il était très autonome, enfin, je croyais qu’il était très autonome. Là, il ne va plus à l’école.
MLLE BLUX : Depuis combien de temps ?
LA MERE : Depuis trois ans, je pense. Enfin, d’après ses professeurs. Evidemment, pour l’université chinoise, ce serait un problème, ils sont très sélectifs. Je n’ai pas vu le problème s’installer.
MLLE BLUX : En tout cas, il est urgent d’intervenir. L’O-Mega, je vous le rappelle, est un produit extrêmement toxique. Il a été en vente libre jusqu’en 2028, mais on s’est rendu compte des ravages qu’il causait dans le cerveau. Il provoque des sortes de flottances chez l’individu concerné, qui peuvent aller jusqu’à 2000 mégastralasses, soit la hauteur d’un immeuble. Vous imaginez que, quand la chute se produit, elle est brutale.
LA MERE (d’un air effrayé) : Oh là là, ces précisions scientifiques… J’avais déjà très peur, mais là, c’est carrément l’angoisse !... J’aurais peut-être dû venir vous voir avant…
MLLE BLUX : Ah oui, c’est très dangereux ! C’est pourquoi il est impératif de faire le R-Lavage. Immédiatement. Le catalogue a dû arriver sur votre écran. Avant de le consulter ensemble, je vous rappelle le principe : dans un monde réglé par l’offre et la demande, on ne peut pas supprimer les addictions, puisqu’elles sont bonnes pour le marché. Mais on peut remplacer une addiction potentiellement dangereuse par une addiction socialement acceptable, voire bénéfique.
LA MERE : Ce serait parfait.
MLLE BLUX : Donc, je peux vous proposer une addiction pour le Coca-cola, le maïs régénérant, les soucoupes volantes, son père naturel, les nécrovoyages, les macrovoyages, le nutemirage, le jus de pomme bio pétillant énergisant, la pustasse et la coucasse.
LA MERE : Ca !
MLLE BLUX : Oui ?
LA MERE : Ca !
MLLE BLUX : Quoi ?
LA MERE : Le green-bull !
MLLE BLUX : Le green-bull, bien sûr, boisson dopante mais légale, socialement tout à fait recommandée, puisqu’elle donne de l’énergie au bureau, du tonus pour faire du sport, et de l’enthousiasme dans les relations amoureuses, même si, à douze ans, ce n’est sans doute pas encore la priorité de votre enfant. Très bon choix, classique, efficace, votre fils a beaucoup de chance d’avoir une mère aussi rationnelle que vous.
Mlle Blux se lève, prend l’enfant par la main, l’emmène s’asseoir sur une chaise. Elle lui attache les mains, puis lui pose sur la tête la machine à R-Lavage.
MLLE BLUX (à l’enfant) : N’aie pas peur, ça va un peu piquer dans la tête et faire des bulles, mais pas trop. (à la mère) C’est très douloureux mais faut ce qui faut !
SON 10 : R-LAVAGE ENFANT
Bruit d’une machine à tambour, l’enfant commence à secouer la tête dans tous les sens, en tentant de se dégager. Par l’ouverture de la machine, on le voit faire d’horribles grimaces de douleur.
Elle saisit dans son bureau une canette de Green-Bull, la décapsule, ouvre la machine et verse la moitié du liquide sur la tête de l’enfant. Puis elle referme le couvercle de la machine, qui se remet en marche sur un rythme encore plus trépidant.
MLLE BLUX : Le nouveau produit addictif va maintenant imprégner les tissus neuronaux…
Les trépidations sont de plus en plus violentes, mêlées aux hurlements.
MLLE BLUX (à l’enfant) Ne t’inquiète pas, c'est normal que ça secoue un peu, c’est bientôt fini.
LA MERE : C’est pour ton bien, mon chéri. C’est pour ton avenir !
MLLE BLUX : Et voilà, le rinçage final !
Mlle Blux appuie sur un côté de la machine, qui s’arrête d'un coup. Elle ouvre le couvercle et enlève la machine de la tête de l’enfant
ENFANT ADDICTIF : Aaaaaaaaaaaaa-an !
LA MERE : Ca va, mon chéri ?
ENFANT ADDICTIF : Maaaaaaaman !
LA MERE : Oui, mon amour, je suis là, pour toi, pour ton bien, qu’est-ce que tu veux ?
ENFANT ADDICTIF : Iiiiiiiiiiiii-ouuuuuuuuuu !
LA MERE : Qu’est-ce qui se passe ? Il est devenu taré ? Oh non, je ne supporterai pas ! L’euthanasie, direct ! (à Mlle Blux) Mais qu’est-ce que vous lui avez fait, je vais vous faire un procès, vous m’entendez !
MLLE BLUX : Calmez-vous et écoutez votre enfant.
ENFANT ADDICTIF : Greeeeeeeeen Buuuuuuuull !
LA MERE : Miracle ! Ca a marché !
MLLE BLUX : Bien sûr, ça marche toujours !
Mlle Blux tend la canette de Green Bull à la mère, qui prend l’enfant dans ses bras et lui donne à boire le reste de la boisson comme un biberon à un bébé. Entre chaque gorgée, l’enfant vagit : « Greeeeeeeen Buuuuuuuull ! »
NOIR LENT
8. RENCONTRE DANS UN TUBE
DANS LE NOIR SON 11 : ARRIVEE TUBE
PUIS CARRE LUMIERE CRUE AU CENTRE, RESTE DU PLATEAU LEGEREMENT ECLAIRE
-La passagère du Tube : Pauline
-Le Contrôleur Nomade : Julien
La passagère attend sur le quai. Le Tube arrive dans un grand sifflement et passe lentement devant elle.
LA PASSAGERE : Ah, yes, un biplace vide ! Quinze minutes de tranquillité jusqu’à Londres ! Je vais pouvoir m’écouter ma musique à fond sans être dérangée !
Elle saute dans le tube, s’installe confortablement, boucle ses ceintures.
LA PASSAGERE : Alors, musique piste B4, volume, pour commencer 12, et puis, dans une minute, disons 38 !
SON 12 : MUSIQUE DANCE VOYAGEUSE
Musique forte. Soudain, l’agent de contrôle actionne le sas du tube et saute à côté de la passagère.
Sur le saut, PAUSE SON 12
LE CONTROLEUR NOMADE: Bonjour, madame. Société des Transpotubes TransManche. Je vais effectuer un contrôle de titre de transport. Veuillez ne pas bouger s’il vous plaît et me montrer votre poignet.
LA PASSAGERE : Ah, d’accord.
L’agent passe au-dessus du poignet de la femme le Personal Data Scan qu’il porte à son propre poignet.
LE CONTROLEUR NOMADE: Madame, je suis au regret de vous annoncer qu’il y a une anomalie dans le scan que je viens d’effectuer. A la Spacioforme de Calais, je vais vous demander de descendre pour votre sécurité et celle des tubes.
LA PASSAGERE : Quoi ? Attendez, mais qu’est-ce j’ai ? Je suis sûre que ce n’est qu’un malentendu.
LE CONTROLEUR NOMADE: Madame, d’après la loi de 2024, article 6 paragraphe 9, il est strictement interdit d’être enceinte de plus de 3 mois dans les transpotubes individuels. Pour rappel, les risques sont : l’obstruction des conduits de transport dû au volume excessif d’une gestation humaine naturelle et une possibilité d’aspiration de ladite gestation entrainant la mort du foetus et de l’adulte porteur… En gros, si j’ose dire, soit votre bide va boucher les tuyaux, soit votre môme va se faire arracher de votre bide. Dans les deux cas, problème.
LA PASSAGERE : Mais attendez ! Comment vous savez que je suis enceinte d’abord ?
LE CONTROLEUR NOMADE(d’un ton fier comme si rien ne lui résistait) : Le scan madame, le scan ! Une unité de police est en route, elle sera à la spacioforme dans 3mn. Etant donné que vous êtes au courant de votre état, vous risquez une grosse amende madame, une grosse amende...
LA PASSAGERE : Doucement, monsieur l’agent, vous n’êtes pas sans savoir que les avancées récentes de la science obstétrique permettent le maintien du volume intra-utérin de la gestation humaine naturelle dans la limite standard des différents moyens de transport homologués ?
LE CONTROLEUR NOMADE : Euh ?...
LA PASSAGERE : En gros, si j’ose dire, les médecins ont fait en sorte que mon ventre ne bouche pas les tuyaux et que le bébé ne craigne rien. C’est juste une question de fric, et j’en ai.
LE CONTROLEUR NOMADE: Ah oui ! Les gens le disent plus simplement d’habitude… Dans ce cas vous devez avoir une dérogation de type 1-34-12 délivrée par votre médecin gynécologue.
LA PASSAGERE : Oui, justement, j’ai le papier.
Elle le cherche.
LE CONTROLEUR NOMADE: Pfff, les papiers, c’est ringard ; en plus, on les perd.
LA PASSAGERE : Enfin j’avais le papier…
LE CONTROLEUR NOMADE : Il a été notifié quelque part ?
LA PASSAGERE : Oui ! C’est dans mon dossier personnel de civilité mais je ne crois pas que…
LE CONTROLEUR NOMADE: Alors attendez ! (Il tape une recherche sur son PDS, puis se saisit du poignet de la femme et le scanne de nouveau.) Effectivement, dernière modification du dossier il y a 54 minutes, pour, en effet, une dérogation tubique de gestation standard délivrée par le docteur Lapatie le 12 avril 2034, date de l’insémination par voies naturelles le 14 février 2034… Un bébé Saint Valentin, c’est très mignon.
LA PASSAGERE (sceptique) : Donc… Vous l’avez ?
LE CONTROLEUR NOMADE: Oui, j’ai accès à tous les dossiers personnel de civilité si j’en fais la demande Vous avez subi un rajeunissement cellulaire en 2030, vivez en couple depuis 2029 avec un certain Kevin Duras, pas d’intervention chirurgicale, pas de gros problèmes de santé, sauf une irritation vaginale chronique due à une chla…
LA PASSAGERE : Mais enfin c’est personnel, comment un petit agent de contrôle comme vous peut connaître ça ?
LE CONTROLEUR NOMADE: La loi sur l’interconnexion des data personnels, je vous dis pas à quel point c’est pratique, vous n’imaginez pas comment les contrôles et les arrestations ont évolué, c’était beaucoup plus difficile il y a 7-8 ans. .. Alors ce bébé, fille ou garçon ?
LA PASSAGERE : Oh, eh bien, pour le moment, c’est une fille.
LE CONTROLEUR NOMADE(ne comprenant pas) : Heu pardon ? Pour le moment ? Parce que ça risque de changer ?
LA PASSAGERE : Bah évidemment ! Vous n'êtes pas au courant ? Je croyais que vous étiez à la pointe de la technologie ? Quand ma fille aura atteint sa majorité sexuelle, elle pourra choisir si elle veut rester une fille ou bien devenir un garçon. C’est quand même génial, la science permet de merveilleuses choses, non, et pour un prix pas si délirant que ça !
LE CONTROLEUR NOMADE (perplexe) : Heu… oui, si vous le dites.
LA PASSAGERE : Mais, vous aussi, vous pourriez devenir une fille. En Europe, ce n’est pas encore autorisé, parce que nous sommes ringards, mais, à London, il n’y a aucun problème. Il vous suffit d’aller dans un laboratoire privé, ils vous font une injection massive de rétro-oestrogènes et de cellules souches, et, en quelques semaines à peine, vous pouvez voir votre corps se transformer en celui d’une femme….
LE CONTROLEUR NOMADE(de plus en plus perplexe) : Heuuuu… pourquoi pas ?
Sifflement du Tube qui arrive à la Spacioforme.
Désolé je dois y retourner, les télé-opérateurs m’ont à l’œil.
LA PASSAGERE (soulagée) : Il n’y a pas de souci !
L’AGENT DE CONTROLE- Madame
L’agent de contrôle s’extirpe du tube et s’éloigne rapidement sur le quai.
LA PASSAGERE : Enfin il s’est barré. Musique, là, il me faut carrément volume 99 !
RELANCER SON 12 : MUSIQUE DANCE VOYAGEUSE
Nouveau sifflement de départ du tube et musique à fond.
NOIR LENT + LAISSER MUSIQUE JUSQU’AU PLEINS FEUX SUIVANTS
9. LA PSYCHOLOGUE POUR PARENT ADDICTIF
PLEIN FEUX
Puis, au bout de 2 ou 3 secondes, SON 14 : SONNERIE BLUX INSISTANTE
Mlle Blux, la psychologue : Noan
La mère addictive : Sarah-Louise
L’ado : Kalinka
La sonnerie se prolonge, très insistante. La psychologue est assise à son bureau, elle relit des dossiers sur son ordinateur portable.
MLLE BLUX : Entrez !
Nouvelle sonnerie. Mlle Blux, exaspérée, se lève pour aller ouvrir la porte de son cabinet. Une mère et sa fille entrent. La mère, l’air hystérique, l’ado penchée sur son écran télé numérique, blasée.
MERE : Bonjour Madame Bulux…
MLLE BLUX : Mademoiselle Blux.
LA MERE: Mademoiselle Blux, nous sommes toutes les deux soulagées que… Enfin, merci de nous recevoir !
MLLE BLUX : C’est normal, madame.
MERE : Ma fille a un... enfin, elle a vraiment besoin d’aide. Vraiment. J’ai peur pour sa vie.
MLLE BLUX : C’est si grave que ça ?
MERE : Mais oui ! Elle souffre. Elle souffre terriblement ! Hein chérie ?
Aucune réponse de l’ado, qui reste le nez rivé sur son écran télé numérique.
MLLE BLUX (à l’ado ): Vous n’êtes pas très bavarde mademoiselle.
MERE : Elle ne parle pas beaucoup, mais c’est une gentille fille, ne vous inquiétez pas.
MLLE BLUX (à l’ado ): Comment tu t’appelles ?
MERE : Léana, elle s’appelle Léana.
MLLE BLUX : Et quelle âge as-tu ?
MERE : Elle a 16 ans.
MLLE BLUX( à la mère) : Qui est la patiente ?
MERE : Eh bien, c’est ma fille.
MLLE BLUX : Alors pourquoi répondez-vous à sa place ?
La fille sourit.
MERE : Eh bien, ma fille est timide, elle n’ose pas parler devant vous.
ADO: J’suis pas timide. Ça me fait juste chier d’être ici.
MERE : Ne parlons pas de ça ici chérie, tu sais bien que c’est pour ton bien.
ADO: Pfff.
MLLE BLUX : (Elle regarde son ordinateur) Vous êtes donc ici pour plusieurs troubles addictifs de type E et P, en d’autres termes une addiction aux outils informatiques, et plus précisément aux écrans télé numériques, liée à une absence de connexion émotionnelle avec vos proches. Vous rendez vous compte de ces troubles ?
MERE : Mais bien sûr qu’elle s’en rend compte, elle passe son temps sur son écran télé numérique et elle ne nous parle plus du tout, alors que, quand elle était petite, son père et moi, elle...
MLLE BLUX (à la mère) : Dehors !
MERE : Pardon ?
MLLE BLUX : Je vais vous demander de sortir, madame.
MERE : Mais…
MLLE BLUX (en l’accompagnant dehors) : Je vous appellerai quand nous aurons fini. Pour l’instant, vous allez attendre dans le couloir.
MERE : Tout va bien aller, ne t’inquiète pas ma chérie, je suis juste à côté!
La fille ne prête aucune attention à ses paroles.
MLLE BLUX : On n’est pas mieux comme ça ?
ADO: Carrément !
MLLE BLUX : Tu as donc un trouble addictif que ta mère m’a signifié comme majeur.
ADO: Mais nan. C’est la base, les écrans, de nos jours.
MLLE BLUX : J’avoue que moi aussi je suis souvent sur mon écran. Et pourtant je n’ai qu’un vieux portable d’il y a au moins vingt ans !
ADO: Ouais, il date des dinosaures, faudrait le changer. C’est pas moi le problème. C’est ma mère.
MLLE BLUX : Comment ça ?
ADO: Elle est tout le temps sur mon dos, elle est grave relou !
MLLE BLUX : Ah ouais, j’imagine.
ADO: Elle veut toujours venir partout avec moi. Elle m’étouffe !
MLLE BLUX : Attends. J’ai peut-être quelque chose pour toi. (Elle tape quelque chose sur son ordinateur. Le télé-écran de la fille fait un petit bruit.) Tu as déjà reçu ce que je viens de t’envoyer, rapide dis donc !
ADO : Instantané.
MLLE BLUX : C’est un traitement pour les mères hystériques et hyper protectrices.
ADO: Ah bon, ça existe vraiment, ce genre de traitement ?
MLLE BLUX : Bien sûr ! Ce sont même ceux qui réussissent le mieux en général. Ils permettent de réduire considérablement l’addiction d’une mère pour son enfant. Cette addiction sera remplacée par une adoration pour son écran et son mari.
ADO: Elle va redevenir un peu comme une ado quoi ?
MLLE BLUX : Tout à fait !
ADO: On peut le faire maintenant ?
MLLE BLUX : Je dois quand même te prévenir que c’est assez douloureux. Et irréversible aussi. Le Rewind-Brain-Washing, en français « Re-lavage de cerveau », n’est pas une technique anodine. On peut la subir une seule fois dans sa vie.
ADO : Oui, mais là, je crois qu’elle en a vraiment besoin. Et moi aussi.
MLLE BLUX : Je ne la connais que depuis dix minutes mais je suis assez d’accord.
Elle va chercher la mère. La mère entre.
ADO: Eh, maman chérie ! Assieds-toi par ici !
MERE : C’est déjà fini ? Ça s’est bien passé ? La dame s’est bien occupée de toi ?
ADO: Oui, tout va déjà beaucoup mieux !
La fille aide la mère à s’asseoir sur le siège de la machine. Mlle Blux se place derrière le siège.
ADO: Tout va bien se passer maman ! Ne bouge pas.
Elle lui tient les mains pendant que Mlle Blux lui installe la machine sur la tête.
MERE : Quoi ? Qu’est ce qui se passe ?
ADO et MLLE BLUX : 3. 2. 1.
MLLE BLUX : C’est parti !
SON 15 : R-LAVAGE MERE
Bruits de la machine à tambour. La tête de la mère commence à être secouée dans tous les sens.
MLLE BLUX : C’est normal si ça fait un peu mal. Ne vous inquiétez pas.
ADO : Je m’inquiète pas.
Aux bruits de la machine se mêle les hurlements de la mère. On la voit à l’intérieur de la machine qui ouvre la bouche, les yeux exorbités. Elle tente de se débattre mais sa fille et Mlle Blux la maintiennent fermement.Puis tout s’arrête.
La psychologue enlève la machine de la tête de la mère. Celle-ci a d’abord une expression totalement lobotomisée. Puis, d’un seul coup, elle se lève, sort son télé-écran de son sac et se met à taper frénétiquement un message.
MERE (les yeux rivés sur son écran) : Comment ça va Léana ? Qu’est-ce qui vient de se passer ?
MLLE BLUX : Tout va bien.
ADO: Tout va bien.
MERE : Désolé, je parle avec ton père. Bon Léana, faut que je te laisse ! J’ai rdv avec ton père, on part en week-end en amoureux. On se retrouve après.
ADO: Pas de problème ! Je peux utiliser la spacioforme et inviter quelques amis?
MERE (en partant ): Ouais pas de problème, tchao !
MLLE BLUX : Attendez madame ! Vous n’avez pas payé la séance !
MERE Léana va s'en occuper, je suis pressée là.
La mère sort, toujours rivée à son écran, sur lequel elle tape et à qui elle envoie des bisous. Mlle Blux referme la porte de son bureau.
ADO: Quoi ? Mais j’ai plus d’argent dans mon écran télé numérique.
MLLE BLUX : Je vois qu’une seule solution. Votre télé-écran, mademoiselle, il a la 3D et le son magic surround intégré ?
ADO : Oui, mais…
Mlle Blux lui tend la main. L’ado regarde son télé-écran, puis, sans un mot, le lui tend. Mlle Blux s’en empare et le met dans sa poche. Puis elle se lève pour la raccompagner à la sortie. L’ado se lève à son tour et la suit machinalement.
ADO (au moment de sortir ) : J’y crois pas, j’ai plus de télé-écran !
MLLE BLUX : Ben non. Mais vous n’avez plus de maman non plus, donc ça compense. Au revoir, mademoiselle, bienvenue dans le monde des adultes !
NOIR SEC
+ si possible SON 13 : MUSIQUE DANCE TOUS
10. NOUS TOUS (2)
PLEINS FEUX CHAUD
14 habitants d’un 2034 utopique
Ambiance beaucoup plus colorée. Musique festive.
TRISTAN : Nous faisons tous la fête en sachant la faire sans débordement.
BAISSER SON MUSIQUE DANCE
JULIEN : Nous habitons dans des villes à l’échelle de villages Et le soleil brille. Mais pas trop.
EMILIA : De notre naissance à nos dix-huit ans, nous avons la possibilité d’arranger notre visage en nous modelant celui que nous désirons.
CAMILLE : Il y a assez de gens spécialisés dans l’apparence pour que nous puissions à loisir nous transformer en ce que nous souhaitons. Ainsi, nous comprenons les autres espèces même si elles viennent d’une autre planète.
NOAN : Les animaux ont pris une place égale à la notre. Nous vivons d'égal à égal avec la faune. Seul désormais le racisme inter-espèces animales fait rage mais nous savons inciter les animaux à la paix.
ENZO : Plus personne n'est en compétition. Ni dans les stades, ni dans les entreprises, ni dans les écoles. Cette notion même de compétition est ringarde, à côté de celle de coopération. Nous marquons des buts dans des actions prodigieuses où il s’agit que les vingt-deux joueurs touchent le ballon sans que jamais il ne retombe sur le sol.
AUDREY : Nous sommes tous véganes et amis des animaux. Dans une prairie fleurie, des vaches, des cochons, des poules, des chien et nous. Nous comprenons les animaux grâce à un gadget : un décodeur d’impulsions cérébrales qui nous permet de nous rendre compte qu’ils ont eux aussi des idées et des émotions, mais différentes des nôtres.
VICTOR : Nous voulons tous travailler. Pas de mensonge. Pas de plainte. Nous mourrons tous à quarante ans. C’est une idée qu’il faut accepter. Arrivés à cet âge, nous nous enterrons dans un trou et donnons naissance à une fleur.
KALINKA : Nous avons découvert une nouvelle énergie renouvelable. Toute l’énergie prise à la planète est rendue à la planète.
ANNA : Tous les besoins nutritifs humains se trouvent dans un simple médicament. L’O-méga. Ainsi nous ne consommons plus de nourriture solide : le problème de la faim dans le monde et de l’exploitation animale est réglé.
PAULINE : Nous vivons dans un monde plein de religieux mais sans aucune guerre.
SARAH-LOUISE : Nous asseyons les uns à côté des autres. Nous sommes beaucoup plus ouverts. Nous sourions au photographe.
ROBIN : La nature a repris le dessus sur la planète. Nous pouvons la regarder de nouveau.
ELISE : Nous avons pleins de nouveaux mondes à explorer. Nous voyageons, nous mangeons, nous dormons et nous profitons.
SON 13 : MUSIQUE DANCE + NOIR LENT
11.LA PISCINE DE L'OME-GA
DANS LE NOIR : SON 16 : SONNERIE NICK
PUIS PLEINS FEUX
-Nick : Tristan
-Bernadette : Audrey
-Ken : Enzo
-Barbie : Emilia
Sonnerie prolongée.
Bernadette est assise sur un canapé, souriante. Elle est en maillot de bain. Nouvelle sonnerie. Bernadette ne réagit pas.
Nick finit par entrer. Il porte un manteau, un bonnet, des gants, une sacoche d’employé, qu’il jette sur le canapé.
NICK : Mais qu’est-ce que tu fabriques, Bernadette ? Tu entends pas que ça fait une demi-heure que je sonne ?
Bernadette rit doucement.
NICK : Je ne vois pas vraiment pas ce qui te fait rire ! J’avais perdu mes clés au fond d’une de mes poches, j’ai mis une demi-heure à les retrouver ! Elles avaient glissé sur le paillasson, mais comme il n’y a plus de lumière sur le palier ! L’ascenseur était en panne, j’ai dû me taper les soixante-dix-huit étages de la tour à pied ! Toute ma journée à bosser comme un imbécile, à surveiller dans un terminal de contrôle des imbéciles en train de surveiller des imbéciles dans les Tubes, et tout ça pour quoi ? Vie de merde, appartement de merde ! Mais pourquoi il fait si froid dans ce quartier pourri ? On n’est pas censé être en plein réchauffement climatique ? Pourquoi il fait de plus en plus froid alors qu’il devrait faire de plus en plus chaud ? Ils ont coupé le chauffage dans la cité ou quoi ? Bernadette, on a bien payé la facture de chauffage, ce mois-ci, rassure-moi ? Je suis crevé, moi, tu sais, j’en peux plus, j’en peux plus, j’en peux plus !
BERNADETTE : Chut !
NICK : Quoi, chut ?
BERNADETTE : Il ne faut pas crier, sinon il va s’enfuir !
NICK : Qui va s’enfuir ? Il y a quelqu’un ? Il y a qui avec toi ?
BERNADETTE : Là, tu le vois pas ?
Elle lui montre le vide.
NICK : Non, je vois personne, il n’y a personne !
BERNADETTE : Ne crie pas comme ça, il est très sympa mais il est très timide. Tu vas le faire fuir ! Oh, regarde, à cause de toi, il saute par la fenêtre !
NICK : Mais qu’est-ce que tu racontes ?
BERNADETTE (criant dans le vide) : Attends, attends, Ken, ne t’en va pas, on s’amuse tellement bien tous les deux, on rigole ! J’en ai une autre ! Tu connais la blague de la chaise?
NICK : Mais, Bernadette, tu me fais peur, à qui tu parles?
BERNADETTE (continuant à parler pour le vide) : T’as pas deviné, hein, Ken? Tu donnes ta langue au chat? Hé bien, elle est pliante!!! (Elle éclate de rire) T’as compris? La chaise, elle est pliante!
NICK (haussant un peu la voix pour se faire entendre) : Bernadette, regarde-moi ! Réponds-moi, qu’est-ce qui se passe ?
BERNADETTE: Ah le voilà qui revient. Bravo Ken !
Ken fait son entrée. Il porte des vêtements hawaïens, des tongs et des lunettes de soleil.
NICK : Mais de qui tu parles, bon dieu ? Tu vois bien qu’il y a personne !
BERNADETTE (à Ken) : Il ne peut pas te voir.
KEN : Non, il ne peut pas. Comme toi tout à l’heure. Il ne va pas bien ?
BERNADETTE : Comme moi tout à l’heure. Sa vie est triste. Le pauvre, il a froid.
Nick aperçoit une boite qui traîne par terre.
NICK : C’est pas vrai, Bernadette, tu as pris de l'O-Méga? (en colère) Mais tu es malade ? C’est hyper-dangereux, on le sait maintenant, plus personne n’en consomme, c’est interdit, c’est écrit sur la boite, en lettres majuscules, tu vois pas « L’O-MEGA TUE RAPIDEMENT », on ne s’en sert plus que pour le chauffage, tout le monde sait ça, on l’apprend à l’école, et toi, tu en prends, tu veux te ravager le cerveau, c’est ça ?
BERNADETTE : Oh mais c'est bon, j'en ai pris qu'un petit peu. Et j’ai chaud maintenant. Moi, je suis bien en tout cas. Regarde, je vais me baigner, avec Ken, dans la piscine de l’O-Mega. Il y aura des palmiers , des transats,des cocktails. T’auras qu’à t’en servir un pendant qu’on se baigne avec Ken !
NICK : Mais où tu vois une piscine ? C’est n’importe quoi ! On est dans un appart gelé parce que tu bouffes notre chauffage, pauvre conne !
KEN : Il faut que tu lui demandes de venir avec nous. Il ne peut pas rester comme ça, dans son gros manteau, à se les cailler au bord de la piscine, pendant que nous, on va se baigner ! C’est pas cool, il faut qu’il en profite, lui aussi !
BERNADETTE : Prends-en un petit peu, Nick, il en reste pour toi. Ca va te faire du bien.
NICK : Non, je suis pas un dingue, moi ! J’utilise le chauffage pour me chauffer, pas pour me cramer le cerveau.
BERNADETTE : Tu sais très bien que notre pompe à chaleur est toute vieille et toute merdique. Si tu y passes le dernier carré d’O-Mega, elle va mettre au moins une heure à chauffer, et encore, ça dépassera pas les 15. Tandis que si tu en croques, ne serait-ce que la moitié, hop, en trois minutes, tu es réchauffé et tu peux venir te baigner à avec nous dans la piscine. Tu vas voir, Ken est vachement sympa, il m’a promis qu’il allait m’apprendre le crawl.
NICK : J’en ai rien à foutre de Ken. Je veux pas apprendre le crawl, je veux juste avoir un tout petit peu chaud après une dure journée de boulot !
BERNADETTE : Justement. Allez, prends-en toi aussi. Ca va te réchauffer beaucoup plus que la pompe à chaleur. Tiens, regarde, t’en prends juste la moitié. Comme ça, il nous reste l’autre moitié pour le chauffage tout à l’heure.
NICK : Attends, t’es sûre qu’elle marche au moins, la pompe à chaleur ? Parce qu’avec un demi-carré, on n’arrivera pas à la rallumer. Faut pas déconner avec ça.
BERNADETTE : Mais oui, je t’assure, moi aussi j’ai pris qu’un demi-carré, j’ai mis l’autre dedans, pas de problème, on la relancera tout à l’heure, là, on va se faire juste un peu de bien ! Tu vas voir comme tu vas te sentir bien !
Nick avale le demi-carré d’O-Mega.
KEN : Alors ?
NICK : Ah oui, on se sent tout de suite mieux ! Whaou, le chauffage central, ça circule de partout ! Alors, c’est toi, Ken ?
KEN : Comme tu vois. Et elle, là, regarde bien, c’est Barbie.
SON 17 : MUSIQUE HAWAI
Barbie fait son entrée : une fille en paréo avec des fleurs dans les cheveux. Musique de yukulélé.
Puis, au bout de quelques secondes la musique baisse un peu.
BARBIE : T’en as mis du temps, Nick, j’ai cru que j’allais pas pouvoir faire mon entrée en « Barbie à la plage ». C’aurait été dommage, quand même, moi aussi, j’avais bien envie de me baigner avec vous. Oh, Bernadette, j’adore ton maillot, surtout sa couleur, magnifique, ma chérie.
BERNADETTE : Oh c'est gentil, je suis ta plus grande fan, Barbie, depuis ma première poupée !
NICK : Je commence à avoir vraiment chaud. Ce qui m’embête, c’est que j’ai pas de maillot. J’ai que des vêtements d’hiver, c’est tout le temps l’hiver ici.
KEN : On s’en fout ! Tu peux te mettre en caleçon !
BARBIE : Personne te voit à part nous !
Nick se décide à enlever son manteau et ses habits d’hiver. Il se retrouve en caleçon et en maillot de corps.
KEN: Voilà, on est tous prêts, hey, ça vous dirait d'aller dans la piscine?
Ils vont tous dans la piscine. Ils nagent, ils s’éclaboussent.
NICK: Ah qu'est-ce qu'on est bien!
BERNADETTE: Tu vois, je te l'avais dit!
KEN (se lève dans la piscine) : Quelqu'un veut un cocktail ?
NICK : Oh oui, moi je veux bien!
BERNADETTE : Moi aussi, steplait !
BARBIE : Attends, je viens t'aider!
Ken et Barbie sortent de la piscine, puis de la scène.
FIN MUSIQUE HAWAI
En les attendant, Nick et Bernadette continuent à nager.
NICK : Il commence à faire vraiment froid, tu trouves pas ?
BERNADETTE : Ils sont où, Ken et Barbie ?
NICK : Je sais pas, ils sont partis, ils mettent du temps à revenir. J’ai envie de relancer un peu le chauffage.
Bernadette et Nick se dirigent vers le tuyau de la pompe à chaleur.
BERNADETTE : Mon dieu! La pompe à chaleur, elle ne fonctionne plus!
NICK : Comment ça? Mais tu m’as dit qu’elle marchait tout à l’heure ?
BERNADETTE : Bah oui, mais elle s’est éteinte !
NICK : C’est pas possible, ils nous ont quand même pas coupé le chauffage en plein hiver, ces salauds ?
BERNADETTE : Mais c’est tout le temps l’hiver.
NICK : Tu as bien pensé à payer la location mensuelle, rassure moi ? Je paye le loyer et tu payes la nourriture et le chauffage, c’est bien ça ? Hein, c’est bien comme ça que ça fonctionne ?
BERNADETTE: Je suis désolée, je n'ai pas pu ce mois-ci ! J'étais dans l'impasse financièrement, j’ai préféré privilégier la nourriture.
NICK (énervé) : Oui! Et l'O-Méga aussi! Pour te l’envoyer !
BERNADETTE: Ne dis pas ça, tu étais bien content d'en avoir tout à l'heure!
NICK: Oui, mais je ne pensais pas que c'était à la place de la pompe à chaleur! A cause de toi, nous allons finir gelés ! Tu te rends compte, pauvre débile, que tu nous as condamnés à mort ? Avec un froid pareil, sans chauffage, dans notre état, je crois qu’on va pas s’en sortir, Bernadette.
BERNADETTE : Qu’est-ce que tu dis, Nick, on va mourir cette nuit ?
NICK: Bah oui, ma chérie, de froid, dans notre petit appart. Je pense pas qu’on sera les premiers. Au boulot, ils vont peut-être mettre quelques jours à s’apercevoir qu’il y a plus personne dans le terminal de contrôle. Je crois qu’ils seront un peu étonnés de nous retrouver en caleçon et en maillot de bain. On sait jamais, ça les fera peut-être rigoler ?
SON 18 : HAWAI + SIRENE D’AMBULANCE
+ MICRO AVEC REVERB
LA VOIX DE BARBIE : Oh hé !
LA VOIX DE KEN : Vous nous voyez encore un peu ? Levez les yeux, on est à l’étage au-dessus !
LA VOIX DE BARBIE : On se baigne dans la piscine du ciel, elle est immense, elle est tiède, il y fait toujours beau !
LA VOIX DE KEN : Venez nous rejoindre !
LA VOIX DE BARBIE : Vous n’aurez plus jamais froid.
LA VOIX DE KEN : On sera toujours tous les quatre !
LA VOIX DE BARBIE : Montez, on vous attend!
LA VOIX DE KEN : Allez-y, c’est facile !
LA VOIX DE BARBIE : C’est si facile !
Pendant ces répliques, Nick et Bernadette se sont partagés le demi-carré d’O-Méga, puis se sont étendus dans le canapé. Tandis que le noir descend lentement, la musique hawaïenne laisse peu à peu la place à une sirène de pompier.
NOIR LENT + LAISSER ALLER SIRENE JUSQU’AU BOUT
12. UNDER THE DOME
PLEINS FEUX : ECLAIRAGE FORET
-Urbain : Robin
-Urbaine : Anna
-Glados (voix robotique) : Julien
-Le Sauvage : Tristan
Un urbain et une urbaine se promènent dans la nature sous un mini-dôme. L’urbaine s’arrête pour regarder le paysage. L’urbain continue et se cogne contre la vitre invisible du mini-dôme.
URBAIN : Aïe ! Mais bon dieu, préviens quand tu t’arrêtes, sinon je me cogne ! J’ai pris le modèle biplace, mais un mini-dôme, ça reste un mini-dôme.
URBAINE : Je peux quand même m’arrêter pour regarder autour de moi et profiter du paysage. Sinon, ça sert à quoi d’être venus faire un safari dans la dernière forêt d’Ile de France ?
URBAIN : OK mais si on s’arrête toutes les cinq minutes, on n’arrivera jamais au bout du Parcours Balisé et on manquera le Tube du retour pour la porte de Fontainebleau ! J’ai aucune envie de passer la nuit en terrain hostile, moi !
URBAINE : Et puis c’est chiant, ce mini-dôme ! Cette vitre invisible qui nous sépare des choses, ça m’exaspère !
URBAIN: Mais enfin, j’ai pris le modèle zoom tactile ! Il suffit de cliquer sur l’écran et d’agrandir, tiens, je te montre, tu vois ce grand arbre là ? Tu poses tes deux doigts là, tu agrandis et, là, tout en haut, contre les branches, cette tâche marron, eh ben hop, elle devient…
URBAINE : Oh, un écureuil !
URBAIN : Tu vois, je parie que tu l’avais même pas remarqué. Alors le mini-dôme ?
URBAINE : Regarde, trop mignon, il nous fait un signe, on dirait qu’il nous appelle !
URBAIN : C’est un piège, ça peut être super dangereux, un écureuil. Si ça se trouve, il est complètement radioactif. Non, c’est beaucoup plus sympa de l’observer bien à l’abri derrière notre mini-dôme !
URBAINE : Ah oui, vraiment, c’est génial ! Autant rester en ville, comme ça, au moins, sous la grande cloche, on serait pas obligés de se trimballer sous cette mini-cloche. Ca ne me détend pas, ça me stresse!
URBAIN : Mais pourquoi, on voit les détails mieux que dans la réalité !
URBAINE : Oui, mais on entend rien ! (d'un ton sarcastique) C'est tellement super de regarder un film en 3D mais muet !
URBAIN : Alors là, petite nouveauté : tu vois cet oiseau qui va se poser ? (En criant) GLADOS ! Fais-nous entendre la douce mélodie du zozio qui est posé dans l’arbre, je sais pas son nom !
MICRO EFFET ROBOT
GLADOS (voix robotique) : Bonjour. Micro multi-directionnel AG orienté vers oiseau type pinson « fringilla coelebs », posé dans chêne pédonculé « quercus robur ». Son corrigé égaliseur graphique medium aigu filtre audio MCPX 10.3.
On entend soudain le chant du pinson.
URBAIN : T'entends ça, grâce à Glados, on peut profiter du bruit naturel de son choix avec une qualité de son optimale !
URBAINE : Ouais, c’est tellement poétique, d’écouter le chant des oiseaux grâce à un robot… En tout cas, ça n'enlève pas l'odeur de synthétique de ces minis-dômes.
URBAIN : Pas de problème ! Glados! Fais nous sentir les odeurs de la nature environnante.
GLADOS: Capteurs olfactifs activées, odeurs naturelles non filtrées.
URBAINE : Ouh, ça fouette !
URBAIN : C’est ça, la nature réelle. Il doit y avoir un marécage dans le coin et des rejets de déchets toxiques. Glados, tu nous filtres un peu tout ça ? Du genre, rose et gardénia ?
GLADOS : Un instant, je cherche dans ma banque de données. Odeur « rose et gardénia » synthétisée. Odeur « rose et gardénia » vaporisée.
URBAIN : Elle est pas mieux comme ça, la nature, quand elle est un peu améliorée par l’homme et par son robot ?
URBAINE: C'est ça, pour toi, la nature?
URBAIN: Une parcelle de nature privatisée, synthétisée et totalement sécurisée, oui, c’est ça, pour moi, la seule nature un peu vivable !
URBAINE : C’est ton mini-dôme qu’est pas vivable ! On étouffe dessous, tu comprends pas ?
URBAIN : Glados peut régler la clim’.
URBAINE : Mais je parle pas de la clim!
URBAIN : Tu parles de quoi, alors ? Glados, qu’est-ce que je dois faire pour que cette fille soit enfin contente ?
GLADOS : Mon logiciel n’est équipé que de la version basique en psychologie humaine. La seule réponse dont je dispose dans ma banque de données est que vous vous y prenez comme un manche.
URBAIN : Ta gueule, Glados, tu vas pas t’y mettre ! Désactive-toi immédiatement !
GLADOS : Glados désactivé. Au revoir.
STOP MICRO
URBAINE : Et moi aussi, tu vas me désactiver ?
URBAIN : Mais qu’est-ce que tu veux à la fin ?
URBAINE : Je veux sortir du mini-dôme !
URBAIN : Ah oui, et te retrouver face à un Sauvage ? Quand il se pointera pour te découper en morceaux et te bouffer toute crue, tu seras bien contente d’être dans le mini-dôme et que Glados puisse lui envoyer une petite décharge d’électricité, histoire de calmer ses ardeurs.
URBAINE : Arrête avec les sauvages, c’est une légende urbaine. Depuis dix ans, il n’y a plus un être humain dans les parages. Il n’y a que des Robots Ruraux et des écureuils radioactifs.
URBAIN : Tu veux sortir ? Eh bien sors!
URBAINE: J'aimerais bien, si seulement ton petit bijou technologique avait une porte. Ton gladux ou je ne sais pas trop quoi, pourrait-il me montrer la sortie?
URBAIN : Ouais ok, j'avoue que pour le coup c'est un léger problème, Glados lui même ne sait pas où elle est, sachant qu’en position « bouclier de protection », le dôme tourne sur lui-même en permanence autour de nous.
URBAINE : Hé ben désactive-le complètement ! Qu’on puisse sortir à l’air libre !
URBAIN : Désactiver le mini-dôme, mais ça va pas non ? T’es une psychopathe, toi, dans ton genre !
URBAINE : Il m’énerve, celui-là ! Mais pourquoi j’ai accepté cette expédition en forêt avec lui ?
Furieuse, elle palpe toute la surface du mini-dôme pour trouver la sortie. Et soudain, elle se retrouve dehors.
Sur la roulade SON 19 FORET
D’un seul coup, tous les bruits divers d’une ambiance forestière.
URBAINE : Oh regarde, Urbain, j'ai trouvé ! Il suffisait de se pencher ici. Enfin là.
URBAIN : Déconne pas, Urbaine, t’es dehors ! Rentre vite ! Mais par où t’es passée ?
URBAINE : Oh là là, je suis dehors ! Je sens le vrai air dans mes poumons !
URBAIN : Respire pas, c’est super dangereux !
URBAINE : Mais non, c’est super agréable !
Elle respire plusieurs fois à pleins poumons.
URBAIN : C’est nocif, je te dis, ça va te tuer !
URBAINE : M’en fous !... Oh là là, tous ces bruits ! Et toutes ces odeurs, d’un seul coup, ça m’étourdit !
URBAIN : Tu vas tomber, tu vas tomber !
URBAINE : Mais non ! Qu’est-ce que c’est bon ! La bonne vieille nature ! Il n’y a aucun danger, en fait! Allez, Urbain, viens me rejoindre, désactive ton foutu mini-dôme et on va se balader rien que tous les deux, au hasard. Si on se faisait du hors-sentier ?
URBAIN : Ca va pas non ? Dans quelques minutes, tu vas avoir un malaise, je vais devoir demander à Glados d’appeler les secours, ils vont nous hélitreuiller en pleine nuit, on va se choper une super amende par ta faute !
URBAINE : Regarde, une fougère !
Elle s’éloigne de quelques pas. Pendant qu’elle se penche pour ramasser la fougère, un être étrange apparaît derrière elle.
URBAIN : Là, un sauvage !
URBAINE : Je peux la toucher ! Je peux la passer sur ma peau ! Je peux la manger pour voir le goût qu’elle a !
URBAIN : Urbaine, un sauvage ! Au secours, fais gaffe, reviens, je t’en supplie !
Urbaine aperçoit le Sauvage qui la regarde avec curiosité en train de manger la fougère. Ils s’observent intensément, totalement immobiles, sans rien dire. Puis elle esquisse un mouvement de fuite vers le mini-dôme mais il la devance.
URBAIN : Laisse-la tranquille, toi, sale Sauvage, ou j’appelle la police !
Le sauvage se penche et tend quelque chose à Urbaine.
URBAINE : Qu’est-ce que c’est ? Oh, une marguerite !
Le Sauvage lui fait signe de sentir l’odeur de la fleur.
URBAIN : Non, ne l’écoute pas, ne respire pas cette fleur, c’est un piège !
Urbaine respire la fleur.
Puis elle s’approche du Sauvage. Elle tend la main précautionneusement vers lui jusqu’à lui toucher le visage. Il se laisse faire. Il fait la même chose vers son visage à elle. Ils rient.
Il lui fait le signe de ne pas faire de bruit et il s’éloigne en quelques sauts vers la forêt.
Au moment de disparaître, il se retourne et fait signe à Urbaine de le suivre.
URBAIN : Urbaine, reste ici ! Reviens, je te dis, c’est dangereux !
Elle disparaît.
STOP SON 19 FORET
URBAIN : Elle est complètement folle ! (Soudain il se met à palper de partout pour trouver l’ouverture du Mini-Dôme mais sans la trouver.) C’est où qu’il faut se pencher, merde de merde! (Il tambourine sur la paroi invisible.) Glados, réactive-toi et vite ! Où est la porte de ce mini-dôme de merde ! Je veux sortir !
MICRO EFFET ROBOT
GLADOS : Bonjour. Seule solution : désactiver.
URBAIN (tambourinant) : Je te dis que je veux sortir !
GLADOS : Seule solution : désactiver.
URBAIN (toujours tambourinant et hurlant) : JE VEUX SORTIR !
On continue d’entendre Urbain hurler qu’il veut sortir.
NOIR SEC
DANS LE NOIR, SON 20 : SONNERIES RESEAU
AU BOUT DE QUELQUES SECONDES : ECLAIRAGE SOMBRE.
MISE EN PLACE COMEDIENS + FILS
ENSUITE BAISSER SON.
13.QU'EST CE QUE TU DEVIENS ?
PLEINS FEUX CHAUD
14 amis de 2034
SARAH-LOUISE : Qu’est-ce que tu deviens, Kalinka ? T’es dans le Tube ?
KALINKA : Oui, je pars à l’autre bout du monde avec mon copain, définitivement, j’ai rendez-vous avec lui dans une heure à l’aéroport Jean-Marie Le Pen. Tu vis où, toi, Audrey ?
AUDREY : A la campagne, avec mes seuls amis : des cochons et des vaches. Tu es quoi dans la vie, toi, Victor?
VICTOR : Actuellement ? Cadre supérieur d’une entreprise en costume. Enfin, je n’ai pas toujours de certitude sur ce que je suis. Quelquefois, je suis complètement autre chose. Je crois. Qu’est-ce que tu fais ces derniers temps, Emilia ?
EMILIA : Des petits boulots, pour voyager. Je saute de planète en planète, sans attache, sans contrainte. Tu as beaucoup changé, Robin ?
ROBIN : Sûrement pas ! Je suis professeur d’anglais, comme ceux que j’admirais dans mon adolescence. J’ai un salaire modeste qui me convient. J’habite toujours à Meudon, et, c’est bizarre mais la perspective d’en partir me paraît chaque jour plus lointaine. Tu habites où, Noan, ça bouge tout autour de toi ?
NOAN : J’habite dans une maison sur l’eau. Mon télécran fait du parfum. Je conduis une automobile en apesanteur qui tient avec un fil comme un tramway. J’ai le pouvoir magique de parler plusieurs langues grâce à un appareil portable. Et je me baigne dans des fontaines de fanta, de coca, de chocolat. Tu te reposes, Camille ?
CAMILLE : Je suis en voyage perpétuel. Ca marche pour toi, Anna ?
ANNA : Je mène une petite vie qui passe inaperçue mais qui me paraît exceptionnelle. Je sais que je suis la seule à penser ça. C’est dans un pays qui n’a plus rien à voir avec la France. Un pays loin des autres. Un pays conservateur. Autour de nous, tout le monde est à la pointe de la technologie. Et moi, dans ce pays retardé, je suis épicière. Tu es heureux, Julien ?
JULIEN : Au comble du bonheur ! Demain, c’est mon anniversaire et mes filles vont sûrement m’offrir le dernier « earphone ». C’est une oreillette, équipée d’une sorte de vidéoprojecteur pour vivre en permanence dans sa bulle. Je te capte pas bien, Tristan ?
TRISTAN : Je te parle d’un petit village minuscule au fin fond de l’Asie. Je vis loin de tous les problèmes et loin de la civilisation. Avec un chien et tous mes amis dans une grande maison. Nous sommes totalement auto-dépendants mais, évidemment, nous n’avons pas beaucoup de réseau. Et, toi, du réseau, tu en as, Enzo ?
ENZO : Tu sais que je suis devenu intime avec Emma Watson ? Je vis sur une île déserte où il n’y a plus aucun autre être humain qu’elle et moi. Et toi, Elise, qu’est-ce que tu deviens ?
ELISE : Une personne libre. Depuis que je suis au chômage. Avant j’étais conductrice de Tube, maintenant je parcours le monde grâce à l’argent que j’ai épargné et en faisant de l’avion-stop. Je vis plein d’aventures. Je suis passé par la Nouvelle-Zélande et là, je me dirige vers l’Ouzbékistan. Pauline, tu es contente de ta vie ?
PAULINE : En tout cas, je suis très contente du gouvernement. Je n’ai pas très bien compris comment mais il a réussi à supprimer tous les problèmes économiques, environnementaux, sociaux et aussi tous mes problèmes personnels ! Sarah-Louise, c’est incroyable, j’ai l’impression que tu es juste à côté de moi !
SARAH-LOUISE : Et pourtant, je suis sur la Lune.
NOIR FINAL ET FIN SON