Les Métamorphoses (d’après OVIDE Le livre des métamorphoses)

Voici notre premier matériau pour faire du théâtre de métamorphose : quelques mythes antiques de filles ou de garçons qui se sont transformés en quelque chose d'autre. Ces récits sont (presque) tous tirés du Livre des Métamorphoses du poète latin Ovide qui vivait il y a deux mille ans.


 

 

 

Phaéton, le garçon-feu

 

Phaéton était le fils du Soleil et d’une nymphe. Devenu un jeune homme, il décida d’aller rencontrer son père dans son palais. Celui-ci promit de lui accorder une faveur. Phaéton demanda de pouvoir conduire le char à quatre chevaux du soleil qui parcourait l’espace du ciel pour éclairer l’univers. Son père tenta de le faire renoncer à ce projet mais Phaéton ne voulut rien entendre. Il s’envola dans le ciel en conduisant le char mais les chevaux se mirent à dévier de leur course et se rapprochèrent dangereusement de la terre, enflammant les bois, les plaines et les villes. Phaéton, la chevelure en feu, ne parvenait pas à les diriger. L’univers entier était en danger. Zeus fut obligé de le foudroyer. Le jeune homme tomba comme une torche dans un lac, tandis que le char du soleil reprenait sa course normale.

 

 

 

Daphné, la fille-laurier

 

Daphné était une nymphe fille d’un fleuve.

Le dieu Apollon en tomba amoureux et lui fit des avances. Mais elle le refusa.

Il se mit à la poursuivre pour la prendre de force et elle s’enfuit. A bout de forces, elle supplia son père de l’aider. Au moment où Apollon allait poser la main sur elle, le corps de la nymphe se métamorphosa en laurier-rose. Le dieu, touché par la beauté de ses fleurs, en fit son arbre favori.

 

 

 

Narcisse, le garçon-fleur

 

Narcisse était le fils d’une nymphe des montagnes. Le devin Tirésias prédit à sa mère que son fils vivrait très vieux « s’il ne faisait jamais sa propre connaissance ». Narcisse devint d’une grande beauté. Des garçons aussi bien que des filles tombèrent amoureux de lui mais il les repoussait tous. Il ne pensait qu’à chasser seul. Un jour, se reposant au bord d’une source d’eau claire, il aperçut à la surface de l’eau un fascinant jeune homme. Dès qu’il faisait un geste vers lui en traversant la surface de l’eau, l’image se brouillait et disparaissait. Narcisse restait immobile. Il ne chassait plus. Il ne se nourrissait plus. Il perdait toutes ses forces. Dans un dernier adieu au beau jeune homme avec lequel il ne parvenait pas à entrer en contact, il se métamorphosa en une fleur blanche qui s’épanouit au bord de la source : le narcisse.

 

 

 

Echo, la fille-air

 

Echo était une nymphe des montagnes. Pendant que Zeus séduisait d’autres nymphes, Echo distrayait l’attention de sa femme, Héra, en l’entraînant dans des conversations interminables. Lorsqu’Héra s’en rendit compte, elle punit Echo en la condamnant à ne pouvoir répéter que les derniers mots qu’elle venait d’entendre. Un jour, Echo aperçut un jeune et beau chasseur en train de poursuivre un daim. Elle le suivit. Il se perdit. Il passa près d’une source et resta en contemplation devant son reflet, poussant des soupirs désespérés parce que celle-ci ne lui répondait pas. Echo ne pouvait que lui renvoyer ses soupirs sans parvenir à attirer son attention ni à lui expliquer ses sentiments. Elle le voyait dépérir au bord de la source. Elle dépérissait elle aussi. Après la mort de Narcisse, elle resta au bord de l’eau, continuant à répéter ses plaintes et celles des passants. Elle finit par n’être plus rien que de l’air et une voix qui renvoyait les paroles avec le vent.

 

 

 

Tirésias, l’homme-femme

 

Le jeune Tirésias, se promenant un jour, surprit deux serpents en train de s’accoupler. Il les frappa de son bâton pour les séparer. Il parvint à les blesser mais, aussitôt, il sentit qu’il se métamorphosait en femme. Il vécut ainsi sept ans. La huitième, il revit les deux mêmes serpents en train de s’accoupler. Il les frappa de nouveau et retrouva son corps d’homme, tout en gardant la mémoire de son passé de femme.

Un jour, Zeus prétendant que la femme trouvait plus de plaisir que l’homme à faire l’amour et Héra prétendant chastement le contraire, les deux dieux décidèrent de prendre pour arbitre le seul être humain qui ait fait l’expérience des deux conditions. Tirésias se rangea du côté de Zeus et affirma que, si le plaisir se divisait en dix parts, la femme en prendrait neuf et l’homme une seulement. Furieuse, Héra le rendit aveugle. Mais Zeus lui octroya le don de voir l’avenir et celui de vivre l’espace de sept générations humaines.

Il vivait encore lorsqu’un jeune inconnu, Œdipe épousa la reine Jocaste et devint le roi de Thèbes, après la disparition mystérieuse de son prédécesseur, Laïos. Quelques années plus tard, Œdipe vint interroger le vieil aveugle pour savoir de lui qui était l’assassin de Laïos. Tirésias lui répondit que le coupable était Œdipe lui-même : il avait tué qui il ne devait pas et couché avec qui il ne devait pas.

 

 

 

Salmacis, la femme-homme

 

Salmacis était une nymphe qui habitait un lac. Un jour, elle vit un bel adolescent en train de se baigner. C’était Hermaphrodite, le fil du dieu Hermès et de la déesse Aphrodite. Elle en devint si amoureuse qu’elle se jeta dans ses bras. Il voulut la repousser mais elle s’accrocha à lui, obstinément, jusqu’à ne plus former qu’un avec lui. Amour fusion : elle s’amalgama si bien à celui qu’elle désirait qu’ils ne formèrent plus qu’un seul être, dont le corps était à la fois celui d’un homme et celui d’une femme.  

 

 

 

Penthée, l’homme-sanglier

 

Penthée était le jeune roi de Thèbes. Un jour, il apprit l’arrivée du cortège de Dionysos, un dieu qui serait né lui aussi à Thèbes mais aurait traversé tout l’Orient, auquel il aurait emprunté des instruments de musique bruyants. Son cortège, composé de femmes en transe et vêtues de peaux de bête était mené par un jeune prêtre à l’apparence efféminée. La propre mère de Penthée, Agavé, et ses sœurs, prises de folie, étaient parties rejoindre le cortège dans la montagne. Penthée fit capturer le jeune prêtre au moment où celui-ci cherchait à s’introduire dans la ville, et le jeta brutalement en prison. Le prêtre, qui était en réalité Dionysos en personne, s’évada à la faveur d’un tremblement de terre. Puis il persuada Penthée de se déguiser en femme pour aller espionner sa mère et les autres femmes dans la montagne. Là-bas, Dionysos, révélant sa divinité, métamorphosa Penthée en sanglier, et les femmes, se jetant comme une meute de chiennes sur lui, le dépecèrent vivant. Agavé rapporta en trophée la tête du sanglier dans la ville : revenant à la raison, elle se rendit compte que la tête n’était pas celle d’un animal mais celle de son propre fils.

 

 

 

Callisto, la femme-ourse et son fils Arcas

 

Callisto, « la Très-belle », faisait partie de la suite d’Artémis, la déesse des forêts, qui réclamait de ses compagnes la chasteté la plus stricte. Zeus l’aperçut un jour. Pour arriver à l’approcher, il prit une forme féminine : celle de sa fille Artémis. Il entra ainsi dans l’intimité de Callistô et, par surprise, la viola. Tombée enceinte, Callistô chercha à cacher son état à Artémis mais celle-ci le découvrit un jour où elle demanda à ses compagnes de se baigner avec elle dans une rivière. Artémis, furieuse, chassa la malheureuse Callistô. Celle-ci, alourdie, solitaire, finit par enfanter un fils, Arcas. Héra, l’épouse légitime de Zeus, la métamorphosa en ourse, la condamnant à errer à jamais dans les montagnes.

Arcas, devenu adolescent, parcourait le pays à la recherche de sa mère, qu’il n’avait jamais vue. Il devint un chasseur redoutable. Un jour, il se trouva nez à nez avec une ourse qui, au lieu de se jeter sur lui, le regarda sans bouger. Effrayé, il s’apprêtait à la tuer d’une flèche. Mais Zeus, pour éviter à son fils de commettre le matricide, les transporta tous les deux dans le ciel et les métamorphosa en deux constellations voisines : la Grande Ourse et la Petite Ourse

 

 

 

 

Lykaon l’homme-loup

 

Lykaon était l’un des premiers hommes, nés de la Terre elle-même. Il devint roi d’Arcadie, un pays de montagnes où vivaient des bergers. Il était violent et méprisait les dieux. Il était très fier d’avoir enfanté cinquante fils qu’il dirigeait comme une meute. Il avait aussi une fille, Callisto. Avec ses fils, il pratiquait des sacrifices humains au sommet du mont Lycée.

Zeus lui rendit visite sous la forme d’un mendiant. Lykaôn l’invita au banquet. Mais, pour le mettre à l’épreuve, Lykaôn servit à Zeus de la chair humaine, celle de son propre petit-fils, Arcas (que sa fille, Callisto, avait eu de Zeus).

Zeus, devinant à qui appartenait la chair qu’on lui servait, renversa la table, foudroya les cinquante fils de Lykaon, ressuscita Arcas, et transforma Lykaon en loup, qui fut chassé par les bergers dans la montagne.  

 

 

 

Actéon, l’homme-cerf

 

Actéon était un chasseur qui, avec ses chiens, courait les cerfs dans la forêt pour les tuer. Il s’était même vanté dans le temple d’Artémis, la déesse vierge des forêts, d’être meilleur chasseur qu’elle. Un jour, dans une clairière, il surprit une jeune fille d’une merveilleuse beauté en train de se baigner nue. C’était Artémis. Actéon ne détourna pas aussitôt le regard. Pour le punir de cette faute, elle le métamorphosa en cerf et, malgré ses supplications, il fut dévoré par ses propres chiens qui ne le reconnaissaient pas. Les deux chiens qui avaient dévoré la langue du cerf se trouvèrent dotés de la parole humaine.

 

 

 

Tython, l’homme-cigale

 

Tython était un jeune berger humain, d’une si grande beauté qu’Eôs, la déesse de l’aurore, l’enleva un matin pour le porter jusque dans son palais. Il y passait toutes les nuits avec elle. Elle était si amoureuse qu’elle demanda à Zeus l’immortalité pour son amant humain. Zeus la lui accorda. Mais elle avait oublié de demander la jeunesse en même temps que l’immortalité. Tython se mit à vieillir. Il devint bientôt si vieux qu’Eôs l’abandonna. Mais Tython continuait à vieillir sans pouvoir mourir. Il finit par être métamorphosé en cigale.

 

 

 

Galatée, la statue-femme

 

Galatée n’était qu’une statue, d’un marbre aussi blanc et pur que le lait. Son créateur, Pygmalion, révolté par la conduite trompeuse des femmes réelles qui l’entourait, avait décidé de rester toute sa vie célibataire et de se consacrer à son art. Il avait passé tellement de nuits à polir la statue qu’il en était devenu amoureux. Il lui donna un baiser si passionné qu’il cherchait à lui insuffler la vie. La statue tressaillit, sa peau se colora, le sang circula en elle, elle devint une femme vivante, et elle rendit à Pygmalion son baiser. Ce faisant, elle acceptait de porter un jour ses enfants, de vieillir pour lui, et de mourir.

 

 

 

 

Eurydice, la femme-ombre

 

Eurydice était aimée par le poète Orphée. Elle était heureuse. Mais un jour, par mégarde, elle marcha sur un serpent, qui la mordit au talon. Aussitôt elle fut entraînée au royaume des ombres. Orphée décida d’aller la chercher jusqu’aux Enfers. Par son chant et la musique de sa lyre, il parvint à charmer Perséphone, l’épouse d’Hadès, le dieu des enfers, et celle-ci lui accorda de ramener Eurydice à la lumière, à la condition qu’il ne se retournerait pas pour la regarder sur le chemin du retour. Eurydice donna la main à celui qui était venu la rechercher et ils partirent. Peu à peu, Eurydice reprenait forme humaine. Mais sa main restait si légère, et les vapeurs qui les entouraient si épaisses, qu’Orphée ne put s’empêcher de se retourner pour vérifier qu’Eurydice était bien là. Aussitôt elle fut entraînée de nouveau dans le royaume des ombres, perdant toute consistance, n’ayant que le temps de lui murmurer un dernier adieu.

 

 

 

Psyché, la fille papillon

 

Psyché était la fille d’un roi, d’une si grande beauté qu’aucun homme n’osait l’épouser. Aphrodite, la déesse de la beauté, en devint jalouse et ordonna à son fils, Erôs, de lui inspirer de l’amour pour l’être le plus abject. L’oracle déclara au père de Psyché que sa fille devait être parée pour un mariage et exposée sur un rocher où un monstre horrible viendrait en prendre possession. Ses parents, désespérés, durent obéir. Psyché, abandonnée seule sur le rocher, sentit le vent s’emparer d’elle, comme si elle avait des ailes, et la porter jusque dans un palais merveilleux, où des voix invisibles lui dirent qu’elles étaient là pour la servir. La nuit, dans l’obscurité totale de sa chambre, Psyché perçut une présence à côté d’elle. C’était son mari, le monstre. Il se conduisit avec elle si doucement qu’elle ne le trouva pas aussi effrayant qu’elle le craignait. Au matin, il lui déclara qu’elle ne pourrait jamais le voir à la lumière. Psyché était heureuse mais pleine de doutes. Elle décida de cacher une lampe dans sa chambre et, lorsque son mari serait endormi, de le regarder. Au lieu d’un monstre, elle eut la surprise de découvrir un jeune homme d’une merveilleuse beauté : c’était Erôs en personne. Dans son trouble, Psyché renversa une goutte d’huile sur l’épaule du jeune homme. Il se réveilla et disparut aussitôt, ainsi que le palais et les voix. Psyché, désespérée, le chercha partout. Aphrodite, toujours jalouse, finit par s’emparer d’elle. Elle lui imposa des épreuves dont celle d’aller lui chercher une fiole d’eau du Styx, le fleuve des enfers, qui pouvait donner la jeunesse éternelle. Psyché transgressa l’interdiction d’ouvrir la fiole et tomba comme morte. Erôs, qui n’avait pu l’oublier, parvint à la réveiller en la frappant d’une de ses flèches. Il s’envola avec elle afin d’aller demander à Zeus de pouvoir épouser cette mortelle. Zeus accepta et accorda à Psyché des ailes de papillon.

 

 

Par monsieur boubou | le 12 novembre 2018 18:18