oeil de minerve ISSN 2267-9243 - Mot-clé - soinRecensions philosophiques2023-12-27T09:56:23+01:00Académie de Versaillesurn:md5:b5151268a8c1e471830557044d755c66DotclearJean-Christophe Weber, La consultation, PUF 2017, lu par Alexandre Kleinurn:md5:90635d312447fdadc4869ac157d4040e2017-09-22T12:31:00+02:002017-10-25T15:23:13+02:00Florence BenamouPhilosophie généralecorpsmédecinesoinéthique<p style="text-align: justify;"><strong>Jean-Christophe Weber, <em>La consultation</em>, Paris, Presses universitaires de France, 2017, 164 p., lu par Alexandre Klein.</strong></p>
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<figure style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;"><img alt="weber_lc.jpg" class="media" height="193" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/octobre/.weber_lc_m.jpg" width="126" />
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<p style="text-align: justify;">Parmi ceux qui s’attardent à philosopher sur le sens de leur pratique, rares sont les médecins à opérer une critique réelle et profonde de la rationalité médicale. Trop souvent, ils se contentent de plaquer des concepts philosophiques sur des réalités de soin rapidement décrites et rarement analysées, ou d’en signaler les paradoxes et les limites, à l’aide de citations de grands penseurs. Il faut dire que fréquemment, le but est uniquement de pouvoir ajouter à la longue liste des réussites qui jalonnent leur carrière, un petit traité d’humanité. Mais parfois, heureusement, les choses se passent autrement, et des soignants, suivant les conseils des Anciens,<sup>1</sup> se font réellement philosophes. Ils enrichissent alors, de la manière la plus positive qui soit, leur pratique comme le regard porté sur l’activité médicale. Jean-Christophe Weber est de ceux-là.</p>
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</div> <p style="text-align: justify;">Professeur de médecine interne et membre de l’Institut de recherches interdisciplinaires sur les sciences et la technologie de l’université de Strasbourg, il mène depuis plusieurs années maintenant une réflexion poussée sur la médecine, son statut épistémologique et ses enjeux sociaux et philosophiques, notamment au sein d’un séminaire qu’il anime depuis plus de douze ans. Suivant l’idéal hippocratique, il a même entamé en 2015 une thèse de doctorat en philosophie, sous la direction de Frédéric Worms, au Centre international d’étude de la philosophie française contemporaine de l’ENS. Elle porte sur la consultation médicale, tout comme le petit ouvrage qu’il vient de faire paraître dans la collection « Questions de soin » que son directeur dirige aux Presses universitaires de France.</p>
<p style="text-align: justify;">Ce dernier, simplement intitulé « La consultation », présente une réflexion philosophique approfondie sur le sens et les enjeux contemporains de la pratique médicale clinique. Reprenant certains articles déjà publiés dans des revues ou collectifs (mais qui ont été remaniés pour l’occasion), Weber nous y propose une « plongée » au cœur de la « médecine ordinaire » (p. 7). Une immersion qui prend la forme d’une analyse précise et particulièrement riche du statut épistémologique de la médecine contemporaine, de sa rationalité, et des défis sociaux et éthiques auxquelles elle doit faire face aujourd’hui. C’est dans la philosophie, mais aussi largement dans la psychanalyse, que le médecin est allé chercher les outils pour questionner son « expérience brute » de praticien et ainsi éclairer la clinique médicale, afin de la mettre en question, en tension, d’en préciser les limites, notamment épistémologiques, mais aussi de dévoiler les voies de leur dépassement. Ainsi, Jacques Lacan dialogue ici avec Aristote, Kant, ou Michel Foucault, tandis que la voie est tracée par John Dewey, Richard Sennett, mais surtout George Canguilhem qui reste, comme dans beaucoup de volumes de cette collection d’ailleurs, un repère, voire même un modèle, des plus incontournables.</p>
<p style="text-align: justify;">Après avoir présenté, dans une introduction pointue qui donne le ton de l’ouvrage, ces objectifs ainsi que les fondements théoriques de sa réflexion, Weber pose dans un premier chapitre le cadre de son analyse en questionnant les statuts moral et épistémologique de la médecine en tant que pratique. Retrouvant dans la notion antique de <em>technê</em> les éléments pour caractériser le travail du praticien médical hors des habituelles dichotomies (art/science, technique/humanité, savoirs scientifiques/savoirs expérientiels), il rappelle que ce dernier relève avant tout d’un savoir pratique d’ordre tactique reposant sur de nombreux éléments tacites. La pratique médicale est un « savoir-<em>y</em>-faire » incorporé (p. 27) et qui ne peut donc que s’incarner toujours de manière singulière dans le sujet soignant, dans la rencontre avec le malade et dans le geste de soin. Elle est donc de l’ordre de l’habileté et relève de ce fait d’une forme de bricolage, d’une « inventivité bricolée » (p. 39), selon les mots de l’auteur. Son éthique émerge par conséquent de ce caractère d’habitus cultivé. Loin du déontologisme qui invite à suivre les règles établies, l’éthique de la pratique médicale se joue, selon Weber, dans la réflexion sur les valeurs respectives des différentes fins légitimes à concilier dans l’acte de soigner. Elle est donc une forme de sagesse, un « tact » (p. 52) qui loin de relever du pur subjectivisme et de l’improvisation, se nourrit en fait de règles et de savoirs pour mieux s’affirmer comme un pouvoir pratique efficient et respectueux des besoins et désirs des différents acteurs de la relation de soin. La médecine est ainsi, selon l’auteur, une « pratique funambule », aussi corporelle que narrative, enserrée dans des savoirs de diverses origines et au cœur d’enjeux de pouvoir pluriels, qui vont du transfert au conflit d’intérêts. Pratique complexe et multiple donc, qui répond à la singularité de son objet d’application, ce corps pluriel auquel est consacré le deuxième chapitre.</p>
<p style="text-align: justify;">Le corps mène en effet des vies doubles, au point qu’on peut se demander, affirme Weber, quel(s) corps prend(nent) place dans la consultation. Est-ce ce <em>Körper</em> sur lequel portent les discours scientifiques ou ce <em>Leib</em> dont le sujet fait ou a l’expérience ? Pour le professeur de médecine interne, la rencontre médicale met à jour l’écart existant entre cet organisme connu par la science médicale et cette expérience corporelle vécue par le malade. Autrement dit, c’est la consultation elle-même qui opère le dédoublement du corps. D’ailleurs, les psychanalyses freudienne et lacanienne avaient déjà thématisé cette dualité du corps malade. Freud, d’abord, avait attribué une double vie aux organes, constatant qu’ils jouaient leur rôle physiologique tout en étant intimement impliqués dans la vie libidinale. Double vie pulsionnelle qui était déjà à l’origine de difficultés pour le corps dont l’économie biologique se trouvait « brouillée » (p. 61) par cette économie érotique qui lui était, finalement, entièrement hétérogène. Lacan, ensuite, en questionnant le lien du corps avec le langage, a mis en lumière une autre difficulté s’attachant à cette corporéité double : si le langage nécessite le corps, ce dernier ne peut être entièrement dit par le langage. Ainsi, le réel de la maladie reste irrémédiablement intransmissible, parce qu’imprononçable dans son entièreté. « Entre corps et parole, il a donc à la fois aliénation et coupure » (p. 71). Il a ainsi fait émerger de ce rapport compliqué du corps au langage, trois registres autour desquels s’organise l’expérience corporelle, autour desquels se définit la vie du corps : le réel, le symbolique et l’imaginaire. D’où l’affirmation de Weber selon laquelle il y a au final une « triple vie du corps » (p. 73) qui le rend d’autant plus difficile à appréhender pour le médecin qu’il a été formé à aborder des corps simples, entièrement déchiffrables. La prise en charge de ce corps pluriel implique donc, pour l’auteur, de ne pas se précipiter à traduire les mots du malade en catégories savantes et de porter attention à ce qui est en suspens, en réserve, à ce qui n’est pas nécessairement dit. C’est ainsi que pourra être accueilli au mieux ce corps à la vie plurielle. C’est aussi ainsi que pourra s’installer cette confiance qui est au cœur de la consultation comme de la pratique médicale, et sur laquelle porte le chapitre suivant.</p>
<p style="text-align: justify;">Weber se penche en effet, dans le troisième chapitre, sur les difficultés liées à cet élément central du soin qu’est la confiance du malade. Constatant que l’on cherche de plus en plus à l’asseoir sur des critères objectifs, rationnels, parce qu’apparemment plus solides, il rappelle que la confiance implique pourtant, dans son essence même, un risque irréductible, un grain de folie consistant à remettre à un autre, sans considération du danger, quelque chose qui est à soi (l’acte de confier). Pour appuyer sa démonstration, il s’attarde d’abord sur le modèle épistémologique qui est selon lui celui de la pratique clinique : le modèle indiciaire défini par Carlos Ginzburg. En tant que <em>technê</em>, la médecine fonctionne en effet par quête de traces et reconstruction patiente de sens. Elle se prête donc difficilement à l’« <em>accountability</em> » qui est au cœur des politiques contemporaines de santé. L’auteur poursuit en interrogeant, d’un point de vue plus psychanalytique, la nécessaire investiture symbolique impliquée dans la relation de confiance. Là aussi il ne peut que constater qu’il ne semble plus y avoir, aujourd’hui où les mots d’ordre sont la transparence, le contrôle et l’obligation de rendre des comptes, de place pour ce qui relève de l’habitus incorporé, de la sagesse pratique, pour des savoirs tacites. Or c’est la confiance qui pâtit de ce décalage, de cet état de fait. Le médecin, se devant de suivre les règles de la standardisation qui s’imposent partout dans son domaine d’activité, ne peut plus exercer son habileté, cette <em>phronésis</em> ou sagesse pratique, qui est au cœur de sa <em>technê</em>. Il perd ainsi sa capacité à accueillir le corps dans sa pluralité, autant que la demande du malade. La confiance placée dans le bon praticien est ainsi mise à mal par les exigences de normalisation et de rationalisation de la pratique au cœur de l’évolution de la médecine occidentale contemporaine. La relation intersubjective qui constitue originellement la consultation laisse place à une version contractuelle du pacte de soins « qui rassemble un usager présumément autonome titulaire de droits et un professionnel dûment mandaté pour répondre aux besoins de soins » (p. 100) et au sein de laquelle la confiance est devenue, selon l’auteur, une notion inappropriée. </p>
<p style="text-align: justify;">Le chapitre 4 approfondit l’étude de ce nouveau pacte de soins en explorant cette autonomie que la législation a reconnue ou attribuée, davantage depuis quelques années, au malade. Se basant sur un exemple concret issu de sa pratique, Weber questionne d’abord la notion de demande raisonnable et les difficultés qu’il peut y avoir à prendre véritablement en charge la requête du patient. Il plonge ensuite dans les textes de loi pour montrer que la législation, sans reconnaitre véritablement le droit à disposer de soi et plus spécifiquement de son corps, a aménagé au cours des dernières années une place plus importante à la volonté du patient. Reste que dans les faits, les choses sont plus délicates, car le consentement est soumis à la reconnaissance de certaines capacités qui excluent de fait certains patients et dont la quête même est de fait utopique, ce qui laisse généralement le dernier mot au soignant. Ainsi, peut dès lors constater Weber, « jamais la volonté n’a semblé autant mise en avant qu’aujourd’hui, et pourtant, dans le concret des décisions quotidiennes, jamais les vœux du patient n’auront aussi peu pesé dans la balance des décisions qui le concernent au premier chef » (p. 123). La parole du malade n’est audible et entendue que lorsqu’elle correspond aux volontés du médecin et aux exigences de l’organisation des soins. Illusoire autonomie, donc, que l’on pense acquise parce qu’elle est reconnue dans les textes, mais qui reste encore souvent bafouée ou simplement ignorée dans la pratique. Le changement de modèle est donc urgent, car ce qui se profile à l’horizon, c’est une situation dans laquelle des « esclaves [seraient] soignés par des tyrans dans un monde invivable » (p. 127). Mais des solutions peuvent être esquissées - ce que fait Weber pour finir - afin d’éviter que ne se réalise ce triste pronostic.</p>
<p style="text-align: justify;">Finalement, poursuivant sa réflexion sur l’autonomie, l’auteur nous invite, dans un cinquième et dernier chapitre, à réfléchir, avec l’aide de l’analyse kantienne des Lumières, aux aspirations de liberté portées par les médecins comme les malades et aux conditions de leur harmonisation. Il dresse le constat que, autour de questions contestées de savoir et de pouvoir, deux acteurs en quête de liberté s’affrontent dans la méconnaissance de ce qui les détermine l’un l’autre. Pour pallier cette situation et se « désempêtrer » de ce « nœud » (p. 132) qui étouffe la relation contemporaine de soins, il revient ensuite sur le célèbre texte des <em>Lois</em> de Platon dans lequel le philosophe compare le médecin libre qui soigne les gens libres en les éduquant à devenir leur propre médecin et le médecin esclave qui soigne les esclaves en leur ordonnant ce qu’ils doivent faire. Il peut ainsi réaffirmer que le travail du médecin repose sur son expérience, sur sa <em>phronésis</em>, et qu’il ne peut, comme le rappelle Platon dans sa <em>Politique</em>, être contraint par des lois écrites. Cette leçon antique, qui fait particulièrement sens à l’heure où l’organisation du soin tend, sur la base de l’<em>Evidence Based Medicine</em>, à formater l’action soignante autour des normes d’agir prédéfinies, conduit surtout Weber à signaler l’importance, pour les soignants (mais pas uniquement), de se questionner sur le sens de l’expérience du soin et plus largement sur la nature même de l’expérience que l’on peut faire de soi-même dès lors qu’existe un savoir sur soi qui prétend au vrai. Elle l’incite également, pour finir, à énoncer un « avertissement sévère et sombre » (p. 139-140). Dénonçant à nouveau la violence des nouvelles modalités de management public et de gouvernance dans le milieu de la santé, il rappelle que les médecins qui se retranchent derrière les recommandations et les référentiels, trop effrayés par les conséquences qu’il pourrait y avoir à penser par eux-mêmes, se condamnent à une condition d’esclaves, et que, comme l’avait déjà compris Platon, les esclaves ne soignent que des esclaves, qui plus est comme des tyrans. Ainsi, comme le réaffirme la conclusion, il importe de reconsidérer le statut épistémologique de la médecine, la pratique médicale, pour continuer à la reconnaître comme la <em>technê</em> qu’elle est, et ce afin de repenser en conséquence les modes de gouvernance qui ont cours dans le milieu de la santé. Ce n’est que de cette manière que pourront être réinstallés la confiance et le plaisir qui sont et doivent rester le cœur de la pratique de soin.</p>
<p style="text-align: justify;">Finalement, en 150 courtes pages, C’est une réflexion aussi pointue que précieuse que nous propose Weber. Dans cet essai dont on apprécie tant la plume que l’engagement, l’auteur dresse un tableau clair et honnête de la situation difficile que connait la médecine contemporaine, et ce sans tomber dans les travers si souvent rencontrés de la critique proprement idéologique d’une part ou de la dénonciation du procès d’intention, qui relève purement et simplement de l’aveuglement volontaire, de l’autre. Son juste constat, bien qu’assez classique, est très intelligemment posé et particulièrement bien argumenté. Si le propos est pointu, au sens où il respecte la complexité des concepts et ne cède jamais à la facilité de l’argumentation, il reste néanmoins très clair. On pourrait certes regretter qu’il ne dise rien sur les modalités d’articulation concrète de son modèle épistémologique de la pratique médicale, cette <em>technê</em> qu’il est allé chercher chez les philosophes antiques, avec les modèles et représentations à l’œuvre dans les sciences médicales contemporaines, mais ce serait mal comprendre son propos, ainsi que l’objectif général de son ouvrage. Car ce n’est pas un ouvrage d’épistémologie médicale que nous propose Weber, ni même, à proprement parler, un essai de philosophie de la médecine. C’est au contraire un traité de philosophie médicale, tel qu’en produisaient les médecins des siècles passés ; à une différence près, et elle est essentielle, c’est que cet ouvrage est un essai <em>critique</em> de philosophie médicale. Un essai qui, enfin, a pris acte de la fin du paternalisme médical, des transformations contemporaines, notamment sociales, du monde de la santé et donc de la nécessité de repenser la relation, ainsi que la rationalité médicale elle-même, sur des bases épistémologiques et politiques plus justes et plus démocratiques. Bref, un essai dont la lecture s’impose à tous ceux qui ont à cœur de donner, ou de recevoir, des soins de qualité, et ce d’un point de vue tant technique que relationnel.</p>
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<p style="text-align: justify;"><sup>1<em>Hippocrate affirmait dans son traité De la bienséance que le médecin-philosophe était l’égal des dieux. Ce modèle perdurera à travers l’histoire comme un idéal à atteindre pour le soignant réflexif.</em></sup></p>
<p style="text-align: justify;"> Alexandre Klein</p>Arnaud François, Éléments pour une philosophie de la santé, Belles-Lettres 2017, lu par Alexandre Kleinurn:md5:3ce79bbb88d8aa8e57bacff04e9392382017-09-08T06:00:00+02:002017-10-25T15:58:03+02:00Baptiste KlockenbringPhilosophie généraleCanguilhemmaladiemédecinesantésoin<p><strong>Arnaud François, <em>Éléments pour une philosophie de la santé</em>, Paris, 2017, Les Belles-Lettres, 275 p., lu par Alexandre Klein.</strong></p>
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<figure style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;"><img alt="franc_ois.jpg" class="media" height="245" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/octobre/.franc_ois_m.jpg" width="157" />
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<p style="text-align: justify;">Les travaux de philosophie de la médecine, qui se sont multipliés ces dernières années en France, se sont jusqu’alors concentrés sur deux objectifs principaux : d’une part le développement d’une réflexion épistémologique sur les sciences médicales, marquée notamment par l’importation des travaux anglo-saxons, et d’autre part la formation d’une philosophie du soin fondée sur une approche plus anthropologique de la question médicale.</p> <p style="text-align: justify;">La parution en 2011 et 2012 chez Vrin, dans la collection « Textes clés », de deux volumes successifs sur la philosophie de la médecine marquait cette dichotomie du champ caractéristique du territoire français. Car si ces deux types de réflexion philosophique prenaient bien appui, l’une comme l’autre, sur la lecture des textes, considérés comme fondateurs, de Georges Canguilhem, force est de constater que ce fut pour ensuite prendre des directions distinctes, voire opposées. D’un côté, une réflexion sur la causalité, la norme, la preuve ou la réalité des entités nosologiques, de l’autre un questionnement sur les enjeux vitaux, sociaux, politiques, mais aussi identitaires de l’expérience vécue de la maladie. Au centre, référence au père fondateur, une interrogation menée avec des outils et des perspectives différents sur la distinction entre le normal et le pathologique. Partout donc, des questionnements et des réflexions sur la santé, sa nature, son statut, ou sa définition, mais jamais le développement d’une véritable philosophie de la santé, réflexion à la fois conceptuelle, épistémologique et anthropologique sur cette notion pourtant au cœur de nos existences comme des sociétés contemporaines. Dans les bibliothèques francophones, seul un recueil d’articles de Hans-Georg Gadamer rappelait, donc sans véritablement le définir, l’existence ou la nécessité de ce champ d’investigation pourtant des plus légitimes. Mais c’était avant qu’Arnaud François ne s’empare finalement de la question. Se plaçant à la fois à la croisée des deux « traditions » françaises et en décalage par rapport à elles, ce professeur à l’Université de Poitiers, originellement spécialiste de philosophie française, et allemande, nous propose, dans ce nouvel opus, un véritable essai de philosophie de la santé.</p>
<p style="text-align: justify;">Pourtant, <em>Éléments pour une philosophie de la santé</em> ne se définit pas exactement comme tel. François qualifie en effet la réflexion sur le concept de santé qu’il y propose de simple « travail de philosophie » (p. 38). Il ne s’agit bien évidemment pas de bioéthique, mais pas non plus, comme prend soin de le préciser son auteur, de philosophie des sciences, ou de philosophie de la médecine. Ce qu’il tente ici ne relève pas même de la philosophie générale, mais répond à une exigence plus étroitement philosophique, dont il trouve l’inspiration dans l’œuvre de Bergson et qui consiste à interroger les « segments communs » qui se nouent entre la philosophie et d’autres domaines de savoirs, lorsque celle-ci les prend comme objet. De ce fait, ce trentième ouvrage de la collection « Médecine et sciences humaines » des Belles-Lettres ne traite pas de la notion de santé en général, ni même des problématiques pratiques ou épistémologiques qui lui sont liées, mais explore quatre questions qui sont au cœur de la réflexion sur l’essence même de la santé telle qu’elle se fait jour ou se condense lors de l’immersion du philosophe dans la littérature médicale contemporaine.</p>
<p style="text-align: justify;">La première question porte sur le type de différence qui existe entre la santé et la maladie. Il ne s’agit pas là de reproduire pour la énième fois la démonstration canguilhemienne de l’intenable distinction uniquement quantitative pour mieux affirmer l’existence d’une différence de nature entre deux latitudes de vie. François va plus loin. S’il prend soin de réaffirmer clairement les arguments en faveur de cette distinction, il cherche à qualifier cette différence de nature. Il trouve alors dans la temporalité le sens exact de cette différence-altérité qui sépare qualitativement les deux états, tout en n’interdisant pas le recours à des données quantitatives d’ordre axiologique ou hiérarchisant, afin d’instaurer des étapes dans le passage de l’un à l’autre et ainsi d’éviter l’homogénéisation des notions. Autrement dit, la santé est « un être profondément <em>temporel </em>» (p. 109), foncièrement hétérogène de la maladie (bien que cette dernière reste altérité), car reposant sur des valeurs autres, et ce bien que cette opposition induise des degrés, des niveaux inférieurs ou supérieurs.</p>
<p style="text-align: justify;">La seconde question, qui découle de ces premières conclusions, consiste à déterminer cette temporalité de la santé, autrement dit à savoir si le temps est constitutif de la santé et de la maladie ou s’il ne fait que glisser sur elles, les influençant de l’extérieur. Constatant d’abord l’« épaisseur de durée » de la santé, ainsi que le caractère rétrospectif de son concept, François s’attache à démontrer son essentielle temporalité. L’étude du processus de guérison, de l’historicité des maladies dans le temps humain et de l’immunologie confirme une irréversibilité caractéristique du vivant qui habite la santé, mais aussi son rapport constant à l’avenir et la « semelfactivité » de sa causalité. Autant d’éléments qui soutiennent l’hypothèse d’une détermination intérieure, et non uniquement superficielle, des phénomènes de la santé et de la maladie par le temps.</p>
<p style="text-align: justify;">Cette temporalité essentielle de la santé permet ensuite à François d’aborder la question de la santé positive, cette dimension de bien-être ou d’amélioration qui se fait jour dans la définition, par exemple, de l’OMS ou dans la Grande santé de Nietzsche, mais qui pose problème quant à la détermination de la nature exacte, et donc des limites, de la santé. Si l’on admet que la santé n’est pas uniquement absence de maladie, mais qu’elle peut même impliquer une certaine dose de pathologie, alors se pose la question de son rapport à la norme. Détachant la santé du simple normal, François distingue une santé statique qui correspondrait à l’idée de bon fonctionnement et une santé dynamique pour marquer le mouvement d’élévation que peut connaitre l’individu à partir de ce degré fixe. Il peut ainsi éviter les deux écueils d’une santé idéale (santé parfaite) et d’une santé comme simple norme immobile (fonctionnement normal).</p>
<p style="text-align: justify;">Enfin, le quatrième problème, qui découle de cette qualification de la santé comme mouvement de la vie, consiste à définir le dynamisme qui lui est propre. Plongeant ici dans les arcanes des théories de la santé mentale, et en particulier les travaux de Pierre-Henri Castel et de Georges Lantéri-Laura, François soulève l’hypothèse selon laquelle le mouvement de la vie qui qualifie la santé n’a pas une, mais bien deux directions opposées. La santé, comme invite à le penser la notion étudiée de chronicité, se qualifierait par une « double tendantialité », une « co-dynamicité » (p. 232) qui est composition de forces adverses. </p>
<p style="text-align: justify;"><em>In fine</em>, si François rejoint finalement nombre de thèses avancées par Canguilhem, son essai est loin d’être un simple commentaire ou une reprise des propos du philosophe-médecin. Bien au contraire. En s’attachant à interroger avec rigueur et application les concepts de santé et de maladie, à l’aune d’une littérature médicale actuelle et au sein d’un dialogue constant entre la tradition anglo-saxonne représentée notamment par Boorse, Nordenfelt ou Engelhardt et la tradition francophone, plus continentale, de Merleau-Ponty, Foucault, Durkheim, Dagognet ou Henri Ey, Arnaud François propose une réflexion philosophique pertinente, éclairante et profondément originale, qui vient confirmer à nouveaux frais philosophiques les hypothèses du « Cang », tout en poursuivant parfois de manière critique ses intuitions. Il comble ainsi, avec habileté, un vide qui commençait à sérieusement peser sur le paysage philosophique français. Alors certes, les deux premières parties sont peut-être plus convaincantes et plus claires que les deux dernières, tant elles mènent à des affirmations théoriques fortes là où la suite de l’ouvrage est une exploration plus sinueuse d’hypothèses parfois complexes. Mais reste que l’ensemble est un essai des plus rafraichissants et des plus stimulants, ayant en outre la grande qualité d’être rédigé d’une plume limpide qui le rend très agréable à lire (ce qui est assez rare lorsqu’on aborde des questions conceptuelles techniques comme le fait l’auteur). Bien au-delà de quelques <em>éléments</em>, ce sont donc les premiers jalons d’une solide philosophie de la santé qu’Arnaud François pose dans ces pages, engageant ainsi le renouveau d’un champ de recherche dont la pertinence est aussi grande que le désintérêt dont il avait pu, jusqu’alors, faire l’objet dans le domaine de la philosophie de la médecine en France. </p>
<p style="margin-left: 212.4pt; text-align: justify;"> Alexandre Klein.</p>Michel Malherbe, Alzheimer. La vie, la mort, la reconnaissance, Vrin 2015, lu par François Godeluckurn:md5:ee6bc96904457e691b30693ecc22b3b22017-07-20T06:00:00+02:002017-07-20T06:00:00+02:00Florence BenamouÉthiqueAlzheimermaladieMalherbesoin<p style="text-align: justify;"><strong>Michel Malherbe, <em>Alzheimer. La vie, la mort, la reconnaissance</em>, sept. 2015, Vrin (300 p.). Lu par François Godeluck.</strong></p>
<figure style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;"><img alt="Sans_titre.jpg" class="media" height="232" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/avril/.Sans_titre_m.jpg" width="240" />
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<p style="text-align: justify;">La philosophie impose de questionner et de prendre <em>son</em> temps. Un temps qui va bien au-delà de l’événement et au-delà de l’existence individuelle d’un homme. Elle sert la vie en la rendant moins étrange. Mais la vie est parfois si singulière qu’elle heurte la philosophie et la laisse sans voix ni raison. En particulier face au mal et à la violence. La maladie d’Alzheimer est dans notre société contemporaine une des manifestations du mal. Elle nous impose le devoir d’assister notre prochain. Mais il s’avère que nous sommes impuissants à aider, à enrayer le déclin ou à remédier à la décomposition de l’autre. Annie, l’épouse de Michel Malherbe, fut atteinte de la maladie d’Alzheimer à l’âge de soixante ans passés.</p> <p style="text-align: justify;">Le mal qui touche son épouse est aussi son affaire. Une affaire d’expérience. Une expérience qui ne se partage pas car c’est chaque fois l’expérience d’un seul. Néanmoins, dans son livre, intitulé <em>Alzheimer</em>, M. Malherbe philosophe à la première personne et entend tirer un enseignement qui se tient dans les limites de son expérience. Présence de la mort au sein de la vie, la maladie d’Alzheimer est un mal qui défait et touche l’homme jusque dans son intégrité d’individu et sa dignité de personne responsable, de sorte qu’il est nécessaire de poser la question de la reconnaissance.</p>
<figure style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;"><img alt="2711626415.jpg" class="media" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/avril/2711626415.jpg" />
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<p style="text-align: justify;">Il s’agit moins de savoir si le malade nous reconnaît que de savoir si nous le reconnaissons dans son humanité. Comment reconnaît-on un être humain ? Telle est la question que pose le livre de Michel Malherbe. Le patient devenu Alzheimer, on peut douter qu’il y ait encore <em>quelqu’un </em>dont on puisse dire qu’il souffre et qu’il meurt. Le risque est grand de se raconter bien des histoires. Mais là est la question. Il n’est pas difficile de se donner <em>quelque chose</em> pour objet de discours. Mais <em>quelqu’un</em> ce n’est pas quelque chose car chaque être humain est par lui-même la source de sa vie et le ressort du monde qui est le sien. Cependant, avec le patient Alzheimer cette différence s’estompe. Le patient devient objet, objet d’étude, objet de soin, objet de devoir, etc. Et la tentation est grande de l’abandonner à sa condition d’objet tant la relation avec lui ne cesse de se défaire. Mais pour ne pas se résoudre à un pareil forfait, il faut faire un peu de philosophie.</p>
<p style="text-align: justify;">Dans le premier chapitre, l’auteur montre qu’il y a deux manières de traiter la question : à quoi reconnaît-on qu’un être humain est un être humain ? Ce peut être sur le mode spéculatif : qu’est-ce que l’homme ? Quels sont les critères par lesquels on reconnaît un être humain ? La maladie d’Alzheimer atteint-elle la personne jusque dans son humanité ? Ce peut être aussi sur un mode éthique. L’éthique se place dans le registre de la pratique, un registre où la vérité de l’énoncé est suspendue à sa force d’influence : tout être humain <em>doit</em> être considéré comme une personne, quoiqu’il lui arrive dans sa vie. Il s’agit d’un mot d’ordre qui est une manière de récuser la question.Or, l’éthique coupée de la spéculation est une rhétorique qui fait du rapport à l’autre une mystique. Entrer dans une démarche éthique, celle des politiques d’assistance et de soin qui ont cours dans nos sociétés, serait renoncer à savoir ce qu’il reste d’humanité dans celui qui dégénère, l’accueillir comme étranger et l’accompagner dans son déclin. L’aidant est impuissant mais on lui demande d’accompagner le malade, de continuer à tenir autant qu’il le peut. Mais, observe M. Malherbe, pour continuer de tenir, il n’est pas inutile de raisonner. Si on ne peut rien faire, on ne peut échapper à la question <em>que penser</em> ? Comment identifier un individu comme un être humain ?</p>
<p style="text-align: justify;">Le naturalisme et l’humanisme sont deux manières de répondre à cette question, mais chacune de ces deux approches se heurte à un paradoxe : le naturalisme déterminant l’individu par genre et différence spécifique n’exprime pas la singularité de l’individu au sein de l’espèce. L’objet de l’humanisme c’est l’humanité en tant que communauté morale. L’humanisme remplace l’individu par le sujet ou la personne. Or la relation à l’autre n’est pas relation avec une abstraction, mais bien avec un être de chair et de sang. L’humanisme méconnaît ce sol ontologique qu’est l’individu vivant ; sol qui permet de penser le <em>moi</em> comme pôle de référence et source de la relation à autrui pensé comme mon semblable. Mais le risque surgit alors de traiter l’autre à la ressemblance de soi et dans ce mode de reconnaissance de dissoudre son altérité. Peut-on renverser le rapport en allant désormais de l’autre à soi et non plus de soi à l‘autre, en vue de changer la relation morale de l’interpersonnalité en une relation éthique ? Le patient Alzheimer semble être une figure exemplaire de la détresse de l’autre que Levinas nomme visage. Cependant, dans le cas des patients Alzheimer, la reconnaissance éthique, sous la forme de la responsabilité pour l’autre, semble impossible car l’aliénation du patient fait sa différence, mais la maladie instille aussi le non-rapport. Ceux qui se nourrissent de la mystique de l’Autre diront qu’il faut avoir foi en l’autre et continuer à le reconnaitre comme individu humain. Mais que faire du mal qui empêche de nouer une relation ? Le discours éthique des soignants qui continuent à faire de l’autre mon semblable, au sens d’un individu vivant, d’un humain, se heurte non seulement à l’analyse philosophique, mais aussi au problème concret de la relation vécue avec un autre qui s’absente de la relation. En effet, pour qu’il y ait relation, il faut être deux.</p>
<p style="text-align: justify;">Dans le deuxième chapitre l’auteur quitte l’analyse des conditions transcendantales de toute éthique pour envisager la relation à l’autre empiriquement. D’un point de vue empirique, la relation à l’autre se noue dans une vie commune qui se confond avec la vie quotidienne. La vie propre à chacun est une vie liée à celle des autres qui font comme nous. Elle est un ciment de la vie sociale. Mais cette vie quotidienne donne plus, elle donne la vie normale, c’est-à-dire une valeur à tout ce que l’on vit. Avec le placement de l’autre en établissement, la vie commune cesse. Pourtant la maladie d’Alzheimer produit de la normalité. Elle fait et demande que soient maintenues les apparences d’une vie normale. Mais privée de cette vie, elle ne devient qu’une injonction, un simple artifice. Que reste-t-il quand il n’y a plus de vie normale ? En vérité, il ne reste qu’une seule chose : le devoir, le devoir de tenir encore et toujours l’autre pour son semblable, quoi qu’il en soit, quoi qu’il advienne. La morale kantienne oppose au fait le devoir, un devoir qu’il faut accomplir mais qui est sans pouvoir sur le fait lui-même. La représentation morale ne donnant pas un pouvoir réel d’action n’est-elle pas trop idéale ? Ne faut-il pas alors renoncer à la morale du devoir et agir selon le principe de bienfaisance, ordonné à des fins empiriques : la guérison, le soin, le confort, la sécurité, etc. ? Sous la personne morale, le principe de bienfaisance glisse la personne concrète définie comme objet de soin. Ainsi les éthiques de la personne se livrent à une naturalisation cachée, mais problématique. Dire ce qu’est l’homme, c’est dire ce qu’il doit être et ce pour quoi on doit le tenir – et inversement. La morale kantienne est abstraite, mais les éthiques empiriques de la personne retrouvent cette abstraction. L’humanité du patient Alzheimer tient par le devoir car il est mon semblable de droit. Mais si remplir son devoir c’est faire <em>comme si </em>nous reconnaissions l’autre, alors tout le travail de la reconnaissance reste à faire car elle est reconnaissance d’une personne en particulier. </p>
<p style="text-align: justify;">Le troisième chapitre reprend la critique de Kant par Max Scheler visant à montrer que la personne morale est coupée de la personne individuelle. Appliquer la lecture schélérienne à Alzheimer permet d’éliminer le problème de la reconnaissance quand on le traite comme un problème d’identification car la personne n’est pas seulement une personne individuelle, elle est aussi une personne commune. Dans l’établissement il y a une communauté réelle et pas simplement une association d’individus. Cependant, l’analyse de Scheler ne résiste pas car la maladie est la cause d’une séparation entre les individus qui redeviennent premiers et le lien se réduit au lien clinicien du soin, au lien compassionnel de l’accompagnement, et/ou au lien moral du devoir. Ainsi le « nous » se change-t-il en un « on ».</p>
<p style="text-align: justify;">Le quatrième chapitre montre que l’accompagnement du patient se fait sur le mode de la troisième personne. Comme on ne sait plus ce que l’autre pense, on s’empare de sa gouverne, on pense pour lui, on est sensible pour lui. Le sujet dont on parle est absent puisqu’on en parle, mais on ne laisse pas d’en parler comme d’un sujet ou d’une personne. Dans la maladie d’Alzheimer, l’autre est présent et absent : présent puisqu’il est ici devant moi en cette partie-ci du monde ; absent puisque la communication et l’échange ne se font pas. La maladie désagrège l’âme et ne laisse que l’individu corporel. Mais comment une cause physique peut-elle produire un effet mental ? Ne peut-on expliquer, au moins pour partie, les troubles cognitifs par un état de dépression, un état pour lequel les psychologues invoquent le principe d’une causalité proprement mentale ? Ce problème de la causalité mentale n’a pas pour objet de décider s’il faut être métaphysiquement moniste ou dualiste mais l’objet est : comment reconnaître l’autre comme un être humain, dans sa dégénérescence même ? Les soins à la personne relèvent-ils du corps ou de l’esprit ? Reconnaître est ici savoir quel soin donner. L’accompagnement moral n’est pas dissocié des soins du corps. Certes, il faut reconnaître le patient Alzheimer dans sa personne : qui s’y refuserait ? Mais cette évidence si claire, si éloquente qu’elle soit, s’enveloppe de beaucoup de confusion. Ne s’y représente qu’une injonction morale, qu’un devoir de reconnaissance et non une reconnaissance. Sous peine de rester confus, ce devoir doit s’inscrire dans la possibilité réelle du monde. La reconnaissance morale de la personne passe par la connaissance qu’il faut acquérir de sa réalité physique.</p>
<p style="text-align: justify;">Le cinquième chapitre distingue le travail de reconnaissance et l’identification : l’identification concerne le jeu des apparences, mais la reconnaissance concerne l’être même de la personne. Les deux opérations ne coïncident pas. Comment en vient-on à reconnaître un être dans son identité, c’est-à-dire, dans son être ? L’amour est un acte de reconnaissance, acte inaugural qui précède la connaissance des qualités que j’attribue à l’aimé. Mais le sujet n’est pas réductible au sujet logique auquel on attribue des prédicats. L’identité de la personne s’actualise dans le rapport à établir entre son identité principielle et son identité composée. Mais la question est de savoir ce qui peut nous porter à la reconnaissance de l’identité principielle – la connaissance de l’identité composée ne présentant pas de difficulté propre, étant une connaissance empirique. Ni la localisation spatio-temporelle ni le critère <em>sortal</em>, ni leur rapport (rapport de la matière et de la forme chez Aristote) n’y suffisent. La cause en est que, et Leibniz le démontre, la reconnaissance de cette identité principielle doit posséder une force ontologique qui n’appartient qu’à Dieu. Mais nous ne sommes pas Dieu (peut-être l’amour fou renferme-t-il quelque chose de divin !) : on ne saurait reconnaître l’autre dans le principe de son identité qu’en le créant. Il ne nous reste que de le connaître dans son identité composée par la description empirique que nous pouvons en donner ou par le récit que nous pouvons faire de sa vie. Mais nous ne saisirons jamais la personne à sa racine, dans sa singularité active, dans son identité propre. Il faut tenter une autre voie si on ne veut pas céder au scepticisme. Il faut passer du sujet logico-ontologique au sujet réfléchissant et trouver ainsi un autre moyen d’appréhender l’autre : embrasser sa personne comme une première personne en même temps qu’on s’appréhende soi-même comme première personne.</p>
<p style="text-align: justify;">Après avoir cherché le fondement de la reconnaissance dans les philosophies de la réflexion comme celle de Nabert ou de Ricœur, l’auteur montre que nous sommes pris dans le dilemme suivant : ou bien, en suivant les philosophies de la réflexion, réduire la reconnaissance à un procès d’identification ou bien tomber dans le scepticisme le plus noir. Mais pareil dilemme va contre le sens commun. Le sens commun, lui, est réaliste. Etre, c’est être un être humain et on ne peut être un être humain qu’en étant identique à soi. Dans chacune de nos perceptions nous reconnaissons l’autre, nous le reconnaissons instantanément, à la fois dans son humanité et dans sa singularité ; et nous le reconnaissons à cette manière d’être et de se comporter qui n’appartient qu’à lui. Cette croyance est première et certaine. En douter, c’est ne pas avoir le sens commun. Toutefois une croyance même première doit faire valoir en sa faveur de bonnes raisons. D’où la question : le sens commun résiste-t-il à Alzheimer ? Le premier principe du sens commun dit : être un être humain, c’est avoir vie et pensée. Vivre et exister par la pensée ne sont pas la même chose : le vivant vit dans son corps, il fait ainsi un individu ; le sujet existe par son activité pensante, il fait ainsi une personne. Mais la personne qui existe et l’individu ne font qu’un seul et même être. L’identité individuelle du corps ne serait rien qu’un attachement à la vie, un effort de survie, si elle ne prenait valeur en incarnant l’identité personnelle, une identité à construire par la pensée et la volonté. Il n’y a pas lieu de remettre en cause le premier principe de la reconnaissance cher au sens commun : le patient Alzheimer est vie et pensée, individu et personne. Mais c’est le second principe qui s’avère défaillant. La maladie dé-spiritualise l’âme. Le patient existe mais, il ne continue pas d’exister : il dure, ce qui est autre chose. Son identité individuelle ne fait pas de doute. En revanche, son identité personnelle est devenue une énigme insoluble. C’est la mémoire qui manque au patient Alzheimer. La suite de ses vécus est lacunaire. Sa conscience se défait : elle s’est arrêtée à l’acte présent. Aussi la reconnaissance sera-t-elle fragmentée ou plutôt, à chaque visite, à chaque rencontre nouvelle, tout sera à reprendre.</p>
<p style="text-align: justify;">Le sixième chapitre intitulé « mon parent, mon prochain » montre que la reconnaissance est avant tout pour un être unique et singulier. Elle se pense dans le registre de l’amour ou selon une logique de l‘élection et de l’estime qui rend le procès de son universalisation problématique. Si on considère le soin lui-même, il maintient une relation avec le patient qui est personnelle et qui ne se réduit pas au rapport à la maladie. Dès lors, cette relation ne peut être qu’une relation d’estime. Mais le soin ne saurait se masquer la dégénérescence du patient où se perd ce que nous avons appelé son mérite. Et le mal, qui est cette perte d’être dans l’être de son prochain, se marque aussi dans l’impuissance où l’on est à soutenir l’acte d’estime où il faudrait le tenir. La question n’est pas ici de savoir si l’on retrouve dans le patient les propriétés de la nature humaine. Elle n’est pas non plus celle du devoir. La question est de tous les instants : comment combattre le mal en l’autre et en soi-même ? Comment entretenir la flamme de la reconnaissance sans s’épuiser, sans renoncer ? La relation au prochain, prise en elle-même, a deux faiblesses. D’une part, elle introduit un ordre de préférence : l’élection est une sélection qui marque la distance entre le proche et le lointain. Et c’est une question de savoir si cette relation peut s’étendre au genre humain : ne doit-on pas lui reprocher d’être partiale ? D’autre part, la passion est dans la nécessité de se renouveler, de se réanimer sans cesse. L’infidélité n’est-elle pas alors un risque inexorablement encouru ?</p>
<p style="text-align: justify;">Quelles raisons fortes ai-je d’être fidèle à l’affection que j’ai pour elle ? Cela ne se fait pas d’être infidèle en pareille circonstance, ce serait inconvenant, ce serait contre la justice, contre l’ordre légitime des choses. Mais on ne saurait être fidèle par devoir ; la fidélité relève de la passion. Reconnaître, c’est élire et préférer, être fidèle c’est encore cela, c’est être fidèle à son prochain, à celui ou à celle dont on reste proche envers et contre tout. La fidélité à celui qui est notre proche est fidélité à ce qui est depuis toujours vrai, juste et bon. Cette fidélité est une forme de justice et de reconnaissance, celle de l’élection qui préfère mais qui peut s’étendre de proche en proche, et celle du jugement qui modestement dit ce qu’il est bon de faire en juste proportion, en bonne convenance. Reconnaître, c’est con-venir. Non pas se contenter de reconnaître son prochain comme son semblable, mais le faire meilleur que soi et attendre qu’il nous traite de même, et qu’ainsi nous convenions ensemble dans une confiance mutuelle et qu’ainsi, au plus proche, nous formions un nœud d’humanité. S’il faut rester fidèle et exiger de l’autre la même fidélité ce n’est pas au nom du savoir de ce qu’est l’humanité, mais parce qu’il est vrai, juste et bon de convenir ensemble. L’abandon signifierait qu’on admet le non-rapport, qu’on s’accommode d’avoir perdu courage et qu’on prend son parti de la victoire du mal. Imiter une action familière. C’est une manière de continuer. Ultime résistance, celle d’une vie qui se reprend dans l’adversité ; voilà la victoire décisive, celle de l’humanité des hommes surmontant en chacun le déclin de chacun. Faire plus que durer : continuer, cette action n’appartient qu’au genre humain.</p>
<p style="text-align: justify;">Le livre de M. Malherbe a le mérite d’envisager la question de l’identité, de la conscience ou encore de l’humanité à partir de son expérience singulière de la maladie d’Alzheimer. Son intérêt est de montrer que même dans les approches les plus concrètes, les plus pratiques, celles du soin par exemple, se cache une tendance à objectiver l’autre. La philosophie, par le questionnement et le recul qu’elle impose, permet de rester vigilant face à cette objectivation qui est une forme d’abandon.</p>
<p style="margin-left: 283.2pt; text-align: justify;">François Godeluck.</p>Patricia Paperman, Care et sentiments, PUF, 2013, lu par Paul Jacqmarcqurn:md5:0f605822fc90de64faa23e4cec7a875b2013-12-16T06:00:00+01:002013-12-16T06:00:00+01:00Cyril MoranaÉthiquecaredilemmeféminismeKantmoralesensibilitésociologiesoinéthique<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
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mso-ansi-language:EN-US"><img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/decembre/.paperman_t.jpg" alt="" title="paperman.png, déc. 2013" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" />Patricia Paperman, Care et sentiments, PUF, 2013</span></em></strong></p>
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<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><em><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US">Care et Sentiments</span></em><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US"> est un livre d’une
soixantaine de pages écrit par Patricia Paperman, professeur de sociologie au
département de science politique à Paris 8. Son propos principal consiste à
dégager un espace pour l’étude de l’éthique du <em>care</em> en dehors d’un cadre
sociologique et philosophique classique. Elle désire ainsi fonder une
méthodologie spécifique lui permettant de décrire la particularité de la
dimension morale du <em>care</em>.</span></p> <!--[if gte mso 9]><xml>
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<!--StartFragment-->
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><strong><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Sommaire de l’ouvrage :</span></strong></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">1. Convergences : connaissances de l’intérieur</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:12.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;mso-pagination:
none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Malentendus
ordinaires</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-left:36.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:-36.0pt;mso-pagination:none;mso-list:l0 level1 lfo1;
tab-stops:11.0pt 36.0pt;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><!--[if !supportLists]--><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-fareast-font-family:
"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">2.</span><!--[endif]--><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US">Dichotomies et déplacements : ce que nous apprennent les sentiments</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:12.0pt;
margin-left:47.2pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;mso-pagination:
none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Des
sentiments hors du commun</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:12.0pt;
margin-left:47.2pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;mso-pagination:
none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Les
sentiments remis à leur place</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-left:36.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:-36.0pt;mso-pagination:none;mso-list:l1 level1 lfo2;
tab-stops:11.0pt 36.0pt;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><!--[if !supportLists]--><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-fareast-font-family:
"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">3.</span><!--[endif]--><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US">Travail du <em>care</em>, travail de la connaissance</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:12.0pt;
margin-left:47.2pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;mso-pagination:
none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Le
<em>care</em> comme connaissance et comme critique<img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/decembre/.9782130608912_m.jpg" alt="" title="9782130608912.jpg, déc. 2013" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;" /></span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">1.Patricia Paperman commence en se référant à une
oeuvre de Dorothy E. Smith, <em>The Conceptual Practices of Power,</em> dans
laquelle elle distingue deux formes de connaissances utilisées en sociologie -
l’une, dominante, qui définit les formes objectivées de la connaissance,</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">- et l’autre, minoritaire, qui rend compte des
conditions concrètes, particulières et locales du monde social, ce que Paperman
nomme une connaissance « de l’intérieur ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Or ces deux modes de connaissances sont
inconciliables. Le propos général du livre consiste donc à réfléchir sur les
méthodes de la connaissance en sciences sociales, plus précisément « sur
le rapport à la connaissance qu’implique l’éthique du care » (p.10).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">A partir de là, tout l’ouvrage de Paperman nous invite
à entrer en résistance contre la sociologie dominante qu’elle définit comme
« patriarcale » afin d’élaborer une sociologie d’inspiration
féministe à même de pouvoir décrire l’éthique du care.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Paperman montre dans une première partie comment la
conception classique de la morale incarnée notamment par son acception
kantienne ne laisse aucun moyen pour rendre compte de la dimension morale du <em>care</em>.
Il faut donc sortir du cadre classique pour montrer l’existence de points de
vue moraux « ordinaires », c’est-à-dire « 1) au sens où ils
émergent de la vie de tous les jours ; 2) au sens où ils ne sont pas
inclus dans les conceptions majoritaires – autorisées, dominantes – de la
morale » (p.13).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Pour montrer cela, Paperman se réfère aux études
morales de Gilligan qui critique la théorie de Kohlberg. D’après cette théorie
qui se fonde sur une conception kantienne de la moralité, les filles sont
jugées déficientes par rapport aux garçons. Pour pouvoir rendre compte de la
dimension morale des femmes, et plus généralement de l’éthique du <em>care</em>,
il faudrait donc sortir de l’éthique de la justice et définir la moralité dans
une autre perspective. Car autant les concepts généraux et abstraits de droits,
d’obligations et de règles organisent la perspective de la justice, autant
l’éthique du <em>care</em> se fonde sur le concept particulier et concret de
responsabilité. Or, les acteurs du <em>care</em>, pour exprimer la dimension
morale de leurs activités, vont utiliser un vocabulaire affectif lié à des
expériences toujours particulières. Nous sommes donc face à une difficulté
d’après Paperman : comment faire de la sensibilité un outil de
connaissance et de compréhension morale alors qu’elle risque toujours d’être
jugée « immature ou peu aboutie » (p.18) ?</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">2. Dans une deuxième partie, Paperman centre son
analyse sur la difficulté de la part de la sociologie à reconnaître la
légitimité des émotions et des sentiments dans la construction du monde social.
Ce qui amène du même coup à rejeter certains acteurs dans l’analyse du monde
social : les femmes, les enfants, les pauvres, les handicapés au nom de
leur prétendue nature émotionnelle. Après avoir expliqué les causes de cette
disqualification en se fondant sur la distinction classique (Durkheim, Mauss)
entre sentiments collectifs et individuels, Paperman cherche a contrario à
réhabiliter la sensibilité individuelle et privée en montrant qu’elle est
socialement constituée et de ce fait socialement intelligible. Mais alors
comment analyser sociologiquement cette vie intérieure, essentielle en ce qui
concerne l’étude du care ?</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Pour cela, il faut en premier lieu se détacher des
schèmes dominants de la pensée sociologique et philosophique qui reposent sur
des dichotomies telles que sentiment/raison, subjectif/objectif, passif/actif,
individuel/collectif, féminin/masculin... afin de « remettre les
sentiments à leur place : dans le registre de l’activité pratique »
(p.35). Paperman en vient à définir en trois points la particularité de
l’analyse novatrice des sentiments qu’elle propose : 1) ne pas analyser
les sentiments de manière générale mais seulement ceux qui donnent une
dimension morale aux relations (amour, attention, compassion, respect,
souci...) ; 2) ne pas considérer les sentiments comme des motifs
irrationnels d’une action rationnelle mais comme un élément qui permet
d’éclairer des choix face à des situations particulières ; 3) considérer
les sentiments comme expressions de points de vue moraux
« ordinaires » (cf. plus haut) les rendant ainsi sensés et compréhensibles.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Il découle de cette nouvelle analyse une autre
conception de la morale et de la justice pour laquelle l’impartialité n’est
plus un impératif : « Ce sont plutôt les engagements pratiques envers
des personnes particulières qui en composent le socle. » (p.37) Ce
faisant, Paperman s’inscrit d’après elle dans une perspective féministe qui
consiste à une réévaluation du domaine des relations informelles pour concevoir
la morale : non seulement le sentiment et la relation particulière entre
deux personnes qui étaient écartés par la tradition kantienne de la définition
de la moralité sont réhabilités, mais du même coup les femmes sortent de leur
soit-disant incapacité morale due à leur place et à leur affaire considérées
comme privées. Ainsi la perspective du care intègre cette dimension épistémique
et morale des émotions.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">3. Dans une dernière partie, Paperman tire partie de
son analyse pour nourrir sa réflexion sur la connaissance du care, sujet
principal de sa recherche. A partir d’une analyse des raisons de l’intérêt
qu’on a commencé à porter au care dans les années 1980, puis en s’appuyant à
nouveau sur l’importance de l’étude de l’engagement dans le care, Paperman
cherche à définir une connaissance qui pourrait produire « une
objectivation de l’organisation sociale du care » (p.51). Pour cela,
« une position de surplomb » par rapport aux relations personnelles
composant le monde social est à proscrire. Au contraire, le sociologue doit se
plonger dans ces relations pour comprendre ce qu’elles produisent comme formes
de vie humaine.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Concernant cette approche méthodologique, après avoir
rejeté tout rapprochement avec la proposition de la sociologie pragmatique
développée par Boltanski et Thévenot, Paperman insiste sur la nécessité de
l’abandon d’une posture monologique de l’observateur qui pourrait accéder à la
vérité du phénomène. Au contraire, il s’agirait de mettre à jour la réalité
complexe et parfois conflictuelle des relations des sujets en proposant une
méthode d’analyse (ou d’enquête) collaborative ou dialogique.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Et Paperman de conclure que « Le défi qu’adresse
le <em>care</em> aux sciences sociales est d’abord épistémologique. » (p.54)
Il s’agit, en effet de concevoir le travail de recherche de façon radicale-ment
différente « de ce que préconise la conception <em>mainstream</em> de la
connaissance qui prévaut en sociologie » (p.57) en s’inspirant de
l’épistémologie du point de vue : « une manière de produire des
connaissances qui intègrent des protagonistes qui en seraient normalement
absents, qui élargit son public, lui rend des comptes et revendique son
caractère politique. » (p.58)</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Cet essai de Patricia Paperman me semble
prioritairement adressé aux sociologues soucieux de comprendre la spécificité
du care, en indiquant les pistes épistémologiques d’une méthodologie particulière
s’inspirant des courants féministes.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">D’un point de vue philosophique, toute sa critique de
la définition de la morale kantienne n’est pas sans intérêt, notamment
lorsqu’elle développe le modèle de développement moral proposé par Kohlberg.
L’exemple qu’elle tire d’<em>Une voix différente</em> de Gilligan s’intitulant
« le dilemme de Heinz » (Heinz n’a pas d’argent, sa femme est malade,
Heinz devrait-il voler le médicament au pharmacien qui refuse de le lui
donner ?) montre à quel point la prétendue dimension morale d’une décision
dépend de la définition préalable de cette morale, ce qui, dans ce cas, pousse
Kohlberg à conclure que les réponses des filles à cette alternative sont
« déficientes » d’un point de vue moral.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Dans une perspective pédagogique, ce dilemme de Heinz
pourrait ainsi permettre de montrer une des limites de la définition kantienne
de la morale tout en initiant une réflexion sur le care.</span></p>
<p class="MsoNormal" align="right" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:right;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US">Paul Jacqmarcq</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US"> </span></p>
<!--EndFragment-->Céline Lefève, Devenir médecin, PUF, 2012, lu par Pascal Chantierurn:md5:69573e6c2f60f255d1eee7761a0537a82013-09-20T06:34:00+02:002013-09-20T06:34:00+02:00Cyril MoranaÉpistémologiecinémamédecinephilosophierécitsoinéthique<p><img title="Medecin Lefeve, août 2013" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/.31N-zoeeDYL.__t.jpg" /><strong><em>Devenir médecin</em> de Céline Lefève, Paris, éd. PUF, 2012</strong></p>
<p>Faut-il réformer la formation médicale en France et, si c’est le cas,
quelle rénovation apporter dans ce domaine ? Telles sont les
interrogations centrales de ce petit ouvrage de 68 pages. L’auteure,
Céline Lefève, affirme la nécessité de réformer l’enseignement médical
en privilégiant l’approche clinique et une vision éthique, centrée sur
l’écoute du malade.</p> <p><br />Passer d’une « médecine savante à une médecine relationnelle et soignante » (p.33), tel doit être l’objectif de toute formation. Dans cette perspective, il convient d’accorder au récit toute sa place à titre de médiation entre le médecin et le patient. L’originalité de l’ouvrage consiste à faire appel au cinéma pour nous en convaincre. A partir d’une analyse philosophique de Barberousse (1965) du cinéaste japonais Akira Kurosawa, Céline Lefève invite les futurs médecins et personnels soignants à se questionner sur leur pratique et, faisant la part belle à la narration et à la fiction cinématographique, la penser non seulement comme un savoir sur « le fonctionnement du corps et les mécanismes de la maladie » mais surtout comme un « art de soigner ». Cet art exige le décentrement de l’attention du soignant de la maladie vers le malade. S’ouvrir à l’expérience vécue du malade, voir et comprendre la personne souffrante derrière le patient en se mettant à l’écoute de leurs récits de vie sont les conditions pour proposer une alternative au « modèle de la médecine aiguë » (p.9), à la « vision scientiste et exclusivement objectivante de la médecine » (p.17). Prolongeant la réflexion de Georges Canguilhem, l’auteure tire aussi les leçons des aventures de Yasumoto, médecin novice du film de Kurosawa, tiraillé entre deux conceptions de la médecine : une « médecine conçue comme science ou application des sciences de l’organisme et des maladies » ou une médecine conçue comme art, se déployant dans l’écoute et la patience cliniques, au service d’individus souffrants, à la fois considérés dans leur singularité et inscrits dans un monde social. » (p.15).<br />Kurosawa a pris la maladie et la médecine pour thème principal de quatre de ses films : L’Ange ivre (1948) ; Duel silencieux (1949) ; Vivre (1952) et Barberousse (1965). C’est ce que rappelle l’auteure dans son premier chapitre. Les chapitres 2 à 5 de l’ouvrage se consacrent à l’analyse philosophique du film Barberousse.</p>
<p><img title="Medecin Lefeve, août 2013" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;" alt="" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/31N-zoeeDYL._.jpg" /><br />Celle-ci en suit les grandes parties, celles de la formation de Yasumoto. Initié à la médecine occidentale, muté à contrecœur dans un dispensaire éloigné et vétuste alors qu’il se destinait à un poste prestigieux, le jeune médecin découvre peu à peu sa vocation grâce à celui qui va devenir son maître, Barberousse, directeur du dispensaire (interprété par Toshiro Mifune). Avant de décider de s’installer définitivement dans ce lieu, il est exposé au cours de sa formation pratique à une succession de cas cliniques et de rencontres avec des patients qui l’ouvrent à l’expérience subjective de la souffrance humaine. Le récit de sa formation s’avère une formation au récit. Pour lui « apprendre autrement la médecine » (p.54) et l’amener progressivement vers « une médecine qui soutient la vie » (p.9), Barberousse commence par exposer son élève à la folie et au corps féminin. Une nymphomane meurtrière et une jeune ouvrière blessée à l’abdomen lui font vivre une expérience troublante (mélange de séduction par la beauté, de fascination pour la déraison et de désir de toute-puissance de la raison pour voir, savoir et guérir) qui témoigne des limites de son savoir livresque. L’échec de cette première tentative (dans le premier cas la nymphomane tente de l’assassiner et dans le second, il s’évanouit) conduit Barberousse à en déduire pour son élève une double leçon concernant le soin : la nécessité et la difficulté de contrôler ses émotions, d’une part ; l’impossibilité dans l’écoute de la parole du malade de faire l’économie d’une interprétation médicale et objectivante qui risque de faire écran et d’empêcher la véritable écoute et la rencontre authentique.<br />Le motif de la mort constitue le deuxième moment du film en confrontant d’abord Yasumoto à Rokusuké, vieillard moribond. Pris de nausée, dégoûté et effrayé, ici encore le jeune médecin témoigne de son incapacité à rencontrer ses patients en fuyant l’agonie du vieillard. Mais l’arrivée de la fille de ce dernier, donne l’occasion à Barberousse d’indiquer à Yasumoto la manière bienveillante et sans préjugés par laquelle doit débuter le soin. L’écoute des récits révèle des drames singuliers. C’est aussi ce qu’illustre le deuxième cas, celui de Sahachi et de son épouse Onaka. Comme l’affirme Céline Lefève « la mort, pour s’inscrire dans la vie d’un homme et dans la vie des hommes, requiert la médiation d’une parole et d’une écoute qui font transmission et lien entre eux. » (p.32). Ainsi, le sens de l’étonnante affirmation de Barberousse à Yasumoto s’éclaire-t-il : s’ « il n’est pas de plus bel instant que celui de la mort », c’est en raison de la présence, de l’écoute et des liens qui s’établissent autour des mourants.<br />La dernière partie du film explore le thème de l’enfance et questionne le statut social du médecin et ses limites face au problème de la misère. Identifiée comme la principale cause des maladies, cette dernière doit être combattue en priorité par le médecin et la société. Et le soin doit avoir l’enfance pour objet privilégié tant celle-ci est vulnérable (en manque matériel, affectif et éducatif). On y découvre l’histoire d’Otoyo, jeune prostituée de quinze ans. Questionnant d’abord le refus du soin, comme il l’avait déjà fait dans L’Ange ivre, Kurosawa parvient à travers cette relation réciproque et inversée soignant/soigné qui finit par se tisser entre Yasumoto et Otoyo « à nous faire sentir que la vie humaine requiert la relation morale de soin. » (p.41). Le dernier cas, celui de Chobo, enfant de huit ans, sauvé in extremis par Barberousse met en évidence les limites du pouvoir de la médecine. Le médecin ne peut se substituer au politique pour combattre la misère. En ce sens, s’il peut apparaître moralisateur et redresseur de torts, Barberousse n’est pas un héros. L’humble tâche du médecin ne peut consister qu’en un soutien et un accompagnement de celui qui souffre dans les épreuves de la maladie et de la mort.<br />Céline Lefève retrouve en conclusion les réflexions de Paul Ricoeur sur la souffrance et le rôle crucial de la narration dans la relation de soin. La revendication d’une médecine narrative passe par la défense d’un enseignement apparu dans les pays anglo-saxons, au Canada et désormais en France, qui confère à la narration et à la fiction, notamment cinématographique, toute son importance. <br />On appréciera particulièrement, jointe à la bibliographie, la filmographie sur le thème « Médecine et soin » qui accompagne la réflexion. La conclusion de l’ouvrage, s’attardant sur les bienfaits du travail de l’imagination dans la formation à l’éthique du soin, attire notre attention sur d’autres films majeurs : N’oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois (1995) et Journal intime de Nanni Moretti (1993) ; Haut les cœurs ! de Solveig Ansprach (1999), Johnny s’en-a-t’en-guerre de Dalton Trumbo (1971), On murmure dans la ville de J.-L. Mankiewicz (1951), Elephant Man de David Lynch (1980), Une séparation d’Asghar Farhadi (2011). On pourrait y ajouter, entre autres, le plus récent et bouleversant Amour de Mickaël Hanecke (2012).<br />Changer de registre dans la pratique comme dans la formation médicale pour « cesser de faire du soin un impensé de la médecine » (p.54), tel est le message que l’auteure de ce petit ouvrage parvient clairement et efficacement à faire passer.</p>
<p>Table des matières<br />De la maladie au malade<br /> • Maladie et médecine dans le cinéma de Kurosawa<br /> • Récit de formation, formation au récit<br /> • La folie, l’éros et la science<br /> • La mort<br /> • L’enfance et la misère<br /> • Soigner/être soigné : le renversement des rôles<br /> • Une vision édifiante de la médecine ? Rénover la formation au soin<br /><br />Pascal Chantier</p>