oeil de minerve ISSN 2267-9243 - Mot-clé - perspectivismeRecensions philosophiques2023-12-27T09:56:23+01:00Académie de Versaillesurn:md5:b5151268a8c1e471830557044d755c66DotclearPatrick Wotling, Nietzsche, Éditions Le Cavalier Bleu, collection idées reçues, 2009, par Thierry De Toffoliurn:md5:5fead8ec1d36763013d062431d1a42492014-01-29T06:00:00+01:002014-01-29T06:00:00+01:00Cyril MoranaHistoire de la philosophiemoraleNietzscheperspectivismephilosophiepuissancevolonté<p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 12pt;"><strong><span lang="EN-US" style="font-size: 10pt; font-family: 'Lucida Grande';"><img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/janvier14/.Portrait_of_Friedrich_Nietzsche_t.jpg" alt="" title="Portrait_of_Friedrich_Nietzsche.jpg, janv. 2014" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" />Patrick Wotling<em>, Nietzsche</em></span></strong><span lang="EN-US" style="font-size: 10pt; font-family: 'Lucida Grande';">, Éditions Le Cavalier Bleu, collection idées reçues, 2009, 127 pages.</span></p>
<p class="MsoNormal"><span lang="EN-US" style="font-size: 10pt; font-family: 'Lucida Grande';"> Pour cet ouvrage, Patrick Wotling s’est prêté à l’exercice très particulier qu’exige la collection « idées reçues ». Le texte se doit d’être bref, clair et précis, afin de comprendre d’où viennent ces idées reçues, la part de vérité qu’elles peuvent encore receler et, dans le même temps, en montrer la fausseté ou l’inexactitude. Le cas de Nietzsche se révèle particulièrement intéressant tant il véhicule d’idées reçues, de caricatures, de déformations ou de contresens. Avec la précision qu’on lui connaît, Patrick Wotling examine donc les affirmations les plus courantes, tachant chaque fois d’en saisir l’origine dans une lecture particulière de certains textes, puis, toujours en se référant très précisément au corpus nietzschéen, restaure le sens exact de la pensée du philosophe, ce qui permet au final, dans un ouvrage très court, de restituer, non pas la pensée de Nietzsche dans toute sa complexité, mais du moins un mouvement de pensée qui offre quelques clefs pour séjourner dans l’œuvre.</span></p> <p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><strong><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Patrick Wotling<em>,
Nietzsche</em></span></strong><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:
"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">, Éditions Le Cavalier Bleu,
collection idées reçues, 2009, 127 pages.<img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/__35.JPG" alt="" title="WotlingN, janv. 2014" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;" /></span></p>
<p class="MsoNormal"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US"> Pour cet ouvrage, Patrick Wotling s’est prêté à
l’exercice très particulier qu’exige la collection « idées reçues ».
Le texte se doit d’être bref, clair et précis, afin de comprendre d’où viennent
ces idées reçues, la part de vérité qu’elles peuvent encore receler et, dans le
même temps, en montrer la fausseté ou l’inexactitude. Le cas de Nietzsche se
révèle particulièrement intéressant tant il véhicule d’idées reçues, de
caricatures, de déformations ou de contresens. Avec la précision qu’on lui
connaît, Patrick Wotling examine donc les affirmations les plus courantes,
tachant chaque fois d’en saisir l’origine dans une lecture particulière de
certains textes, puis, toujours en se référant très précisément au corpus
nietzschéen, restaure le sens exact de la pensée du philosophe, ce qui permet
au final, dans un ouvrage très court, de restituer, non pas la pensée de Nietzsche
dans toute sa complexité, mais du moins un mouvement de pensée qui offre
quelques clefs pour séjourner dans l’œuvre.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><em><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Introduction :</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">L’introduction nous amène directement à saisir la
difficulté posée par la pensée de Nietzsche. Après avoir évoqué quelques
exemples d’idées reçues, Patrick Wotling souligne ce qui peut alimenter les
lectures déformantes du philosophe. Faisant de la complexité du texte une
opportunité pour s’en saisir abusivement, le lecteur peut en effet se croire
autorisé à en tirer ce qu’il souhaite : « A chacun son
Nietzsche » ! A quoi il faut répondre par le fond : rappeler en
effet que l’acte même de penser, chez Nietzsche, est d’une exigence radicale.
Qu’est-ce qu’un philosophe ? Quels doivent être ses questionnements ?
C’est l’activité même du philosophe qui est repensée, pourchassant précisément
le manque de rigueur chez ses prédécesseurs qui n’ont pas su poursuivre avec
suffisamment d’acuité les contradictions qui émaillent l’histoire de la
philosophie. Face à une réalité complexe que caricature une pensée dualiste, il
faut réapprendre à lire, à interpréter ce réel. Le philosophe devra être
médecin et créateur. Mais comment le comprendre, dans la subtilité du propos,
dans une écriture réinventée, dans ce dédale qu’il s’est attaché à construire,
au risque (assumé) de perdre ses lecteurs ? L’un des mérites de cet
ouvrage, on le voit d’emblée, est de placer, face à la simplicité déroutante
des idées reçues, la profondeur et l’exigence d’une démarche qu’il nous invite
à suivre à travers quatre chapitres, divisés eux-mêmes en quatre
sous-chapitres.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><em><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Premier chapitre</span></em><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US"> :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:
"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Le premier chapitre interroge le
statut même que certaines idées reçues confèrent à Nietzsche :
« Nietzsche n’est pas un philosophe ». Pensée complexe, style, caractère
novateur du questionnement, et même vie du philosophe ont contribué à alimenter
cette idée. La folie, le style poétisant, les contradictions, l’absence de
systématicité sont ainsi interrogés afin de redresser l’image du philosophe.
Passant du mythe à la réalité, on rappelle d’abord l’origine organique
(probablement la syphilis) des troubles qui expliquent sa triste fin. On voit
bien par quel anachronisme (voire par quelle volonté de nuire) on construira la
légende. Les trois autres idées évoquées nous conduisent plus directement au
cœur de la pensée de Nietzsche. Si nul ne peut nier l’apparente poésie de
Zarathoustra, les orientations parfois déroutantes des textes, le caractère
foisonnant des aphorismes, les conclusions qu’on en tire doivent être rectifiées.
Il y a chez Nietzsche, l’auteur nous le rappelle, un refus argumenté d’une
réduction de la pensée au discours exclusivement rationnel. Non qu’il approuve
la contradiction dans le discours, il ne cesse de la poursuivre, la trouvant
précisément chez nombre de philosophes systématiques. C’est la réalité
elle-même, complexe, faite de processus et non de « choses », qui
interdit à la pensée un caractère purement objectif. Du coup, c’est le langage
même dans lequel s’écrit la pensée qui doit être recréé. Non pas en poétisant
la réflexion (ce qu’il rejette), mais en permettant à la pensée de suivre des
processus qui s’originent dans l’activité inconsciente, qui intègrent des
affects jusque dans l’expression, puisque celle-ci doit épouser fidèlement les processus
qui s’en alimentent. L’auteur revient à plusieurs reprises sur la dimension
pratique d’une telle pensée. Si le philosophe est médecin, c’est parce que les
valeurs qui sous-tendent les discours philosophiques ne sont pas sans effet sur
la vie, comme il sera dit en abordant le problème des valeurs. Ainsi, il faut
refuser la pensée atomiste ou dualiste (prisonnière des catégories d’une pensée
chosiste) et approfondir la « lecture » du réel, ce qui implique un
usage particulier du langage, une réinvention, afin de ne pas tomber de nouveau
dans les pièges de concepts objectivants. Ainsi la métaphore est quasi
systématique et il faut lire le texte avec attention pour en déterminer le
sens. Tout comme il faut lire le réel lui-même sous le point de vue perspectiviste,
accepter de faire varier les approches afin de saisir les mouvements, les
transformations, les processus qui le constituent. Vouloir ici que le
philosophe construise un système serait une contradiction dans les termes. La
vie, le réel, ne font pas système et il n’y a que la tyrannie de la raison
(autre manifestation de la volonté de puissance) pour vouloir l’enfermer dans
un tel cadre rigide. Pour autant, on ne renonce pas à la cohérence, à la
rigueur, bien au contraire. C’est précisément par cette lecture attentive et
difficile du réel (et du texte) qu’on saura voir où se situent et où naissent
les contradictions dans lesquelles s’est enfermée la philosophie. Si une valeur
naît de son contraire, élucider cette genèse n’est pas se contredire. En
revanche, ne pas voir cette genèse conduit à de véritables contradictions.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><em><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Second chapitre :</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:
"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Le second chapitre nous présente un
problème plus sombre, malheureusement pas moins fréquent :
« Nietzsche est un penseur antisémite et un défenseur du nationalisme
allemand ». En cause, une lecture fautive des <em>Eléments pour la
généalogie de la morale</em> et une proximité, à ses débuts, avec Schopenhauer
et Wagner. L’analyse de ces idées reçues s’appuie sur des références précises
qui ont pour but de montrer l’énormité du contresens. Certes, on ne cesse de
relever des expressions comme « la bête blonde », la référence à
l’aryen et les critiques à l’égard du juif. Mais on ne s’avise jamais de bien
comprendre, par le contexte et la connaissance de l’œuvre, le sens que Nietzsche
donne à ces termes (à cet égard, la lecture de l’édition par le même Patrick
Wotling de <em>La généalogie de la morale</em> permet de façon encore plus
précise de rectifier ces jugements hâtifs.). Tout d’abord il est rappelé que,
sa vie durant, Nietzsche a combattu l’antisémitisme et le pangermanisme.
S’agissant des « bêtes blondes », des aryens, des juifs, il faut ici
voir comment fonctionne la réflexion chez Nietzsche. Si les morales naissent de
pulsions, il faut comprendre ces pulsions, décrypter les idéaux qui les animent
et ainsi, voir à quel « type » psychologique ils correspondent. Les
termes incriminés représentent donc ces types (et non des individus). On s’en
convaincra aisément en constatant que la bête blonde peut être japonaise ou
arabe, que le juif est visé, non pas en tant que juif, mais en tant que type de
la caste sacerdotale (c’est la morale qu’on interroge). L’auteur nous rappelle
à cet égard qu’autant Nietzsche peut être virulent à l’égard du prêtre juif (et
de tout prêtre), autant il est capable d’éloge à l’égard du peuple juif !
Dans le premier traité de la <em>Généalogie</em>, il sera ainsi question de ce
renversement des valeurs qui fait de celui qui était « bon » le
« méchant », donc d’expliquer comment la haine peut engendrer une
morale du ressentiment : Nietzsche interroge donc en médecin, il cherche
l’origine d’une morale dont les effets sont nuisibles pour la vie. Mais il ne
saurait être question de viser une race, tout au plus un processus culturel
qui, par l’effet d’un dressage, peut fixer une certaine hiérarchisation des
pulsions. Pour le reste, le concept même de « race », pour qui veut
bien lire le texte, ne peut avoir un sens biologique ou essentialiste puisque
Nietzsche réfute toute pensée objectivante, toute pensée de l’en soi. Quant au
nationalisme, l’auteur nous rappelle combien Nietzsche a su tourner en dérision
l’Allemagne qu’il connaît, combien il s’est toujours opposé au nationalisme. Ce
que cherche Nietzsche, c’est, en questionnant valeurs et cultures, la manière
dont la vie peut s’épanouir, quelle organisation des pulsions lui sera
favorable, sachant que certaines conduisent à un étiolement de la vie, voire un
dégoût. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il faut lire les critiques de la
démocratie. C’est l’idéal égalitariste, réfractaire à toute réussite
individuelle, l’héritage chrétien, etc., qui sont visés. Les critiques sont
bien réelles, mais la réflexion plus fine, puisque Nietzsche voyait aussi en la
démocratie un « rempart » contre la tyrannie, voire un idéal susceptible
de nourrir la valorisation de l’indépendance. Il faut donc se garder des
jugements trop tranchés, ici comme ailleurs. L’idée d’un Nietzsche souhaitant
une société aristocratique est tout aussi simpliste. S’agissant des
aristocraties sacerdotales par exemple, il sera encore plus critique !</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><em><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Troisième chapitre :</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:
"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Le troisième chapitre s’attaque à
l’idée qui fait de « Nietzsche un apologiste de la force brutale ».
On retrouve ici encore les textes de la <em>Généalogie</em> avec la thématique des
forts et des faibles, le problème de sa misogynie (prétendue), l’apologie de la
guerre et du désir de domination imputé à la volonté de puissance. Comme il a
été précédemment souligné, il faut toujours garder à l’esprit que Nietzsche
s’attache à comprendre la naissance des valeurs. Il y a donc des
« types » de vie (active/contemplative) qui s’opposent et luttent, il
y a donc force et faiblesse relatives. L’enjeu : l’épanouissement de la
vie et l’opposition santé/maladie. Après avoir rappelé que les faibles sont
encore ceux qui ont su vaincre les forts, Patrick Wotling s’attache à décrypter
ces types. Plus précisément, il faut comprendre qu’il y a des deux côtés
volonté de puissance, que les deux porteront toujours au plus haut point le
pouvoir dont ils sont capables. On ne doit donc pas voir d’un côté le fort
comme la volonté de puissance, de l’autre le faible comme son ennemi. Toutes
les morales sont « extra-morales » et naissent d’une volonté de
puissance. La question de la force, si on prend le terme dans son sens positif,
c’est la question de l’organisation des pulsions, donc la capacité à contrôler
ces pulsions, non la libération d’une force brutale et immédiate. L’idée,
toujours, est la promotion de valeurs qui permettent l’épanouissement de la
vie. La femme justement, ou plutôt la féminité, n’est pas raillée comme telle,
au contraire, puisqu’elle est comparée à la vie. Certes, il y a chez Nietzsche
une vision de la femme qui rejette l’intellectuelle, mais précisément, parce
qu’elle y perdrait sa féminité. On peut regretter ce jugement, mais il
n’exprime pas une haine de la femme. Quant au militarisme, au désir de
domination, il faut encore une fois rappeler l’usage métaphorique du langage.
Les pulsions sont en lutte, les processus réels nous montrent des luttes
(comment les prêtres ont vaincu les guerriers), luttes dans lesquelles c’est la
volonté de puissance qui entre en jeu. Nietzsche n’a cessé d’être critique
envers la guerre, comme le précise l’auteur. C’est pourquoi il faut
interpréter. L’expression même de « volonté de puissance » est à tort
comprise comme duelle, comme si la volonté d’un côté voulait la puissance comme
quelque chose d’autre que soi. On oublie que c’est un processus où les deux
termes ne doivent pas être séparés, au point que Nietzsche méprisait la
tendance à vouloir s’emparer de ce qu’on n’a pas. Elle est processus
d’organisation des pulsions, « surabondance de force ». On ne
comprend rien à Nietzsche tant que l’on conserve une grille de lecture
moralisante qui voudrait opposer l’altruisme, la morale, à la volonté de
puissance. Nul ne renonce à sa puissance. En revanche, on doit se souvenir de
la valorisation de la spiritualisation des pulsions, du refus de détruire son
adversaire, signe, s’il en est besoin, qu’il ne s’agit pas d’une promotion de
la violence et de la destruction.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><em><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Quatrième chapitre :</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:
"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Le dernier chapitre s’attaque à l’idée
reçue probablement la plus persistante : « Nietzsche est un penseur
irrationaliste et nihiliste ». La mort de Dieu et la destruction du
christianisme, la destruction de toute morale, la critique stérile, et la
réduction à n’être qu’un précurseur de Freud seront donc examinées. Il y a ici
encore une lecture rapide qu’il faut rectifier. La mort de Dieu est un constat,
non une victoire. La question de la religion est examinée à l’aune des valeurs
et des idéaux (et non du Christ comme tel), auxquels Nietzsche reproche
justement de conduire au nihilisme. Comment comprendre qu’on choisisse des
valeurs qui nient la vie, tel est le problème qu’il s’agit d’analyser. Et donc
la valeur de la morale doit aussi être questionnée. Faire la critique de la
pitié, de l’altruisme, etc., ce n’est pas faire l’apologie de la brutalité, ce
n’est pas détruire la morale mais tâcher d’en comprendre les soubassements,
l’extra-moralité. Une fois rectifiée la perspective (on cherchait le fondement,
il faut faire la généalogie), il s’agit, en bon médecin, de voir les effets de
cette morale qu’on tient pour évidente. Le but n’est donc pas de prôner la
stricte inversion, mais de procéder à un renversement. La voie sera alors
ouverte à la promotion de nouvelles valeurs (le philosophe est aussi créateur)
qui permettront, comme on l’a vu, l’épanouissement de la vie, ce qui implique
de les penser dans leur complexité et de renoncer aux dualismes simplistes
entre figures du bien et du mal. L’exemple de l’utilisation de « l’éternel
retour » est un « instrument » typique de cette pensée
« éducatrice » ; vouloir que tout revienne à l’identique, c’est
en effet vouloir la vie. Cette spécificité de la réflexion nietzschéenne semble
toujours disparaître des lectures, ce qui explique qu’on le regarde comme
« précurseur », de Freud, mais aussi de l’existentialisme ou de
la phénoménologie, plutôt que comme philosophe. Certes, on peut toujours
trouver des points de contact, et l’auteur nous en donne des exemples précis,
mais il tient à rappeler les désaccords profonds. La perspective objectiviste
de Freud, pour n’en citer qu’un, est particulièrement significative de l’écart
entre les deux penseurs. Au fond, vouloir rapprocher les deux auteurs, c’est se
condamner à négliger les vrais combats de Nietzsche, contre une morale
ascétique, contre les préjugés dualistes, contre une acceptation naïve de la
valeur de vérité et une manière de comprendre le réel à partir d’elle, contre
l’idée d’un référentiel unique etc. En un mot, ce qui est essentiel chez
Nietzsche ne trouve aucun équivalent chez Freud.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><em><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Conclusion :</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:
"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">La conclusion de l’ouvrage, brève mais
importante, souligne la radicalité de la réforme de la pensée philosophique
voulue et pratiquée par Nietzsche. S’il irritera toujours le bien-pensant, son
héritage est incontournable. Pour qui veut cultiver l’indépendance du
libre-penseur, pour qui veut cultiver l’esprit critique, pour qui veut penser à
nouveaux frais les valeurs, il reste un « éducateur ». Et sa grande
leçon, qui vient conclure l’ouvrage, est l’invitation à la lecture. Déchiffrer
le réel, comme on déchiffrera aussi, avec patience, le corpus nietzschéen, ce
qui ne fait en un sens que commencer, tant les éditions de qualités ont
longtemps fait défaut.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;text-indent:47.25pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:
"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US"><br /></span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US">Pour conclure à notre tour, nous dirons que cet
ouvrage, s’il ne remplace pas les autres, plus développés, du même auteur (qui
précisément nous invite à retourner au texte, parce que la seule voie d’accès à
la pensée se trouve dans une lecture patiente et rigoureuse), réussit à tirer
profit de ces idées reçues pour nous ramener à certaines clefs fondamentales à
la bonne compréhension de Nietzsche. Il a donc un double intérêt :
comprendre l’origine et le sens de ces idées reçues, et dans le même mouvement,
saisir la difficulté du texte de Nietzsche et la clef qui ouvre une lecture
plus juste. Les références (ainsi qu’une bibliographie en fin d’ouvrage) permettent
de retourner au texte et de redresser bien des égarements, preuve s’il en est
que la brièveté du propos n’interdit pas la précision.</span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-size:12.0pt;line-height:115%;
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<p class="MsoNormal" align="right" style="text-align:right"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US">Thierry
de Toffoli</span></p>