oeil de minerve ISSN 2267-9243 - Mot-clé - PhysiqueRecensions philosophiques2023-12-27T09:56:23+01:00Académie de Versaillesurn:md5:b5151268a8c1e471830557044d755c66DotclearAristote, Œuvres complètes, Flammarion / Gallimard, 2014, lu par Cyril Moranaurn:md5:f756fa41f36544bb5a6fa1fe3cf309f22015-03-09T04:30:00+01:002015-03-09T21:05:11+01:00Cyril MoranaHistoire de la philosophieAristoteBiologiePhysiquePolitiquePoétiqueRhétoriqueÉthique<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><img title="Aristote, mar. 2015" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/.240px-Aristoteles_Louvre_t.jpg" />Aristote,
<em style="mso-bidi-font-style:normal">Œuvres complètes</em>, publiées sous la
direction de Pierre Pellegrin, Flammarion, 2014, 79€</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph">Aristote,
<em style="mso-bidi-font-style:normal">Œuvres complètes Tome 1</em>, publiées
sous la direction de Richard Bodéüs, Gallimard, Bibliothèque de la pléiade,
2014, 69€
</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><span style="mso-tab-count:1"> </span><strong style="mso-bidi-font-weight:normal">Flammarion
et Gallimard proposent conjointement, l’un, l’édition complète des œuvres
authentiques d’Aristote, comprenant la traduction inédite en français des <em style="mso-bidi-font-style:normal">Fragments</em>, sous la direction de Pierre
Pellegrin, l’autre, un premier choix d’œuvres majeures du Stagirite (les <em style="mso-bidi-font-style:normal">Éthiques</em>, la <em style="mso-bidi-font-style:
normal">Politique</em>, la <em style="mso-bidi-font-style:normal">Constitution </em>d’Athènes,
la <em style="mso-bidi-font-style:normal">Rhétorique</em>, la <em style="mso-bidi-font-style:normal">Poétique</em> et la <em style="mso-bidi-font-style:
normal">Métaphysique</em>) dans une traduction nouvelle, sous la direction de
Richard Bodéüs.</strong></p> <br /><p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><strong style="mso-bidi-font-weight:normal"><span style="mso-tab-count:1"> </span></strong>De
nombreuses questions peuvent se poser au moment où Aristote a de nouveau les
honneurs de l’édition. Avions-nous encore besoin de nouvelles
traductions ? Ces deux volumes ne se concurrencent-ils pas
inutilement ? etc. Ces dernières années, les éditions GF avaient successivement
proposé des éditions souvent impeccables de la quasi-totalité des œuvres du
précepteur d’Alexandre, avec force notes et introductions érudites, sur le même
principe éditorial qui avait présidé aux nouvelles traductions de Platon et de
Plotin. À cet égard, ce que Flammarion propose aujourd’hui rappelle le travail
entrepris sous la direction de Luc Brisson en 2011 pour les œuvres complètes de
Platon, et pourrait bien en être la continuation logique. Gallimard, quant à
lui, fait entrer Aristote dans la pléiade et lui offre enfin le privilège des
ors d’une glorieuse tranche en cuir et du papier bible.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><span style="mso-tab-count:1"> </span>Nous n’irons pas ici résumer
l’ensemble des œuvres proposées et aujourd’hui bien connues, ni louer le génie
d’Aristote, penseur universel, le « maître de ceux qui savent », tant
il nous paraît inutile d’enfoncer des portes ouvertes : Aristote est
incontournable, et cela seul justifie sans doute sa permanence éditoriale. Que
dire, dès lors, de ces deux nouveaux volumes ?<img title="Aristote Gallimard, mar. 2015" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/.61HGl8ROcFL_m.jpg" /></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><span style="mso-tab-count:1"> </span>En premier lieu, nous pouvons dire
que l’un n’exclut pas l’autre, bien au contraire, il y a quelques chose comme
une complémentarité entre les deux ouvrages ; l’un est portatif et
constitue un pratique vademecum qui tient dans les poches d’un manteau
(Gallimard), l’autre, fort imposant volume de près de 3000 pages est l’outil de
choix d’un travail de recherche qui nécessite d’avoir sous la main la totalité
du corpus authentique. En effet, ni Gallimard ni Flammarion ne publient de
textes apocryphes, et c’est heureux. Depuis l’édition d’Andronicos de Rhodes au
1<sup>er</sup> siècle ap. J .-C., notamment célèbre pour avoir désigné la
fameuse « philosophie première » d’Aristote sous le nom de
« métaphysique », qui vient après (<em style="mso-bidi-font-style:
normal">meta</em>) les textes sur la Physique dans son classement, de nombreux
textes douteux et souvent tout à fait inauthentiques s’étaient retrouvés
associés au corpus du maître, et il convenait de procéder à une réduction
rigoureuse du corpus. Ceux qui sont familiers des œuvres classiques d’Aristote
ne trouveront donc ici que des textes déjà maintes fois traduits et commentés,
à l’exception, sans doute, des <em style="mso-bidi-font-style:normal">Fragments</em>
proposés par Flammarion. Il s’agit d’une compilation d’auteurs variés (Dion,
Synésius, Alexandre, Cicéron, Philon, Simplicius, Plutarque, Quintillien,
Diogène Laërce, etc.) qui font référence à Aristote, le citent, en font l’éloge
et nous renseignent un peu plus sur des textes dont nous avons perdu les
manuscrits. On apprend notamment qu’Aristote est aussi l’auteur de dialogues, à
l’instar de son maître Platon, et que son style et son verbe sont des « monuments »
de précision. Parfois anecdotiques, ces <em style="mso-bidi-font-style:normal">Fragments</em>
demeurent cependant une vraie mine qu’il aurait été dommage d’éluder et qui se
présente comme la cerise sur la gâteau de l’édition Flammarion.<img title="Aristote Flammarion, mar. 2015" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;" alt="" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/.71TWsNkJr8L_m.jpg" /></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><span style="mso-tab-count:1"> </span>L’important corpus zoo-biologique
(près d’un tiers des textes) qu’on trouve dans l’ouvrage dirigé par Pierre
Pellegrin, et dont on imagine qu’il fera le cœur du prochain volume chez
Gallimard, est tout à fait passionnant. Rappelons ici qu’il n’y a que peu de
temps qu’on s’y intéresse véritablement en philosophie : le <em style="mso-bidi-font-style:normal">biological turn</em> des anglo-saxons remonte
aux années 60 et les interprétations qu’il propose depuis nous permettent de lire
Aristote sous un jour nouveau : il existe bel et bien une liaison
essentielle entre la logique, la métaphysique, la physique et la biologie
aristotéliciennes, biologie dont Pierre Pellegrin montre qu’elle est comme
l’aboutissement de la philosophie du précepteur d’Alexandre, qui serait avant
tout un biologiste qui fait de la philosophie. Pour autant, et contrairement à
certaines idées reçues, Aristote n’est pas un penseur globalisant, il est
l’homme des distinctions : chaque science a sa rationalité propre, le
savoir universel ou absolu est impossible. C’est sans doute ici que l’écart
avec le platonisme apparaît comme le plus net, et très probablement ce qui fait
d’Aristote un penseur « moderne », en phase avec l’époque
contemporaine.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><span style="mso-tab-count:1"> </span>L’exigence philologique qui préside
aux traductions de ces deux magnifiques volumes est remarquable. On peut le
plus souvent en dire de même des traductions, qui parfois se rejoignent presque
mot pour mot, ou diffèrent à d’autres moments, mais sans jamais trahir
l’essence de la pensée d’Aristote. L’important appareil critique proposé dans
l’édition Gallimard (notes et notices occupent près de 400 pages) est d’une
authentique utilité : lire Aristote implique souvent une contextualisation
nécessaire, et les notes proposées, loin d’alourdir la lecture, capitalisent
sur les travaux des chercheurs pour le meilleur. L’entreprise de Richard Bodéüs
vise « simplement » à rendre l’œuvre d’Aristote accessible au lecteur
d’aujourd’hui, et même si la lecture du Stagirite demeure toujours exigeante
pour son lecteur, le pari de l’édition Gallimard est essentiellement tenu. A
contrario, l’édition Flammarion ne propose pratiquement pas de notes (de brèves
introductions et quelques rares bas de pages), ce qui est un choix éditorial
nécessairement lié à la quantité de signes maximum possibles dans un déjà très
copieux volume ; bien sûr, certains éclaircissements seraient bienvenus
(d’où la complémentarité entre les deux éditions), et nous pouvons toujours
nous reporter aux éditions-traductions en GF des textes proposés (l’essentiel
des œuvres ici rassemblées ont déjà été traduites en poche). L’un des intérêts
majeurs du volume Flammarion est de rassembler un travail de traduction
disséminé dans de nombreux ouvrages de poche en un seul livre (tout Aristote à
portée de main), quand Gallimard entreprend une nouvelle traduction
annotée ; à nouveau, ces deux démarches trouvent leur légitimité et elles
ne sont en aucun cas redondantes.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><span style="mso-tab-count:1"> </span>C’est à juste titre que l’on peut
parler d’événement à l’occasion de ces deux publications, et il faut rendre ici
hommage au beau travail des deux équipes en citant les noms des
collaborateurs : Richard Bodéüs, Jacques Brunschwig, Pierre Chiron, Michel
Crubellier, Catherine Dalimier, Pierre Destrée, Marie-Paule Duminil, Jocelyn
Groisard, Myriam Hecquet-Devienne, Annick Jaulin, David Lefebvre, Pierre-Marie
Morel, Pierre Pellegrin, Marwan Rashed et Marie-Joséphine Werlings pour
l’édition Flammarion. À nouveau Richard Bodéüs, qui dirige, Auguste Francotte,
Philippe Gauthier, Marie-Paule Loicq-Berger, André Motte, Vinciane
Pirenne-Delforge, Louise Rodrigue, Christian Rutten, Pierre Somville et Annick
Stevens pour l’édition Gallimard.</p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"> </p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><span style="mso-tab-count:8"> </span>Cyril
Morana</p>