oeil de minerve ISSN 2267-9243 - Mot-clé - LinguistiqueRecensions philosophiques2023-12-27T09:56:23+01:00Académie de Versaillesurn:md5:b5151268a8c1e471830557044d755c66DotclearOlivier Dekens, Le Structuralisme, Armand Colin, Paris, 2015. Lu par Nathalie Coulvierurn:md5:eb460772db3e8949b4a7090c8e4834f42015-05-22T06:00:00+02:002015-05-22T06:00:00+02:00Karim OukaciHistoire de la philosophieLinguistiqueLévi-StraussPhilosophie transcendantalePhilosophies du soupçonSartreStructuralismeSujet<p><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:
11.0pt;line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR"><img title="dekens o, mai 2015" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/mai15/.dekenso_t.jpg" />Le temps est-il venu de
tirer un bilan de ce qu’aura été le structuralisme ? Peut-on considérer
que son histoire est achevée et en dresser l’inventaire final ? Et peut-on
aussi commencer à prendre la mesure de ce qui en reste, peut-être secrètement,
encore à l’œuvre en nous ? Telles sont les questions qui ouvrent l’ouvrage
d’Olivier Dekens, lequel s’attache d’abord à dessiner les contours de ce qui
pourrait servir de définition du structuralisme.</span></p> <p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:
justify;text-indent:35.4pt"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:
11.0pt;line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR">Ce sont des positions
conceptuelles qui permettent de l’identifier: « il y a structuralisme à
partir du moment où trois positions conceptuelles sont posées ensemble :
la langue est système ; tout en l’homme fonctionne comme une langue ;
en conséquence : l’ordre linguistique constitue le paradigme devant être
utilisé, à l’exclusion de tout autre, par les sciences humaines », p.7.
Cette thèse et cette conviction étant mises au jour, il est alors possible
d’esquisser une genèse du structuralisme, de proposer une période pendant
laquelle il est clairement constitué, du début des années 50 à la fin des
années 60, jusqu’à ce que certains de ses auteurs représentatifs prennent leur
distance avec le terme et son socle théorique. Enfin, Olivier Dekens propose
une liste, en trois cercles, d’auteurs que l’on peut identifier comme
structuralistes, ou qui en sont amis critiques.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:
justify"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:11.0pt;
line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR">Une
archéologie du structuralisme le situe dans le sillage de la pensée de Kant,
comme philosophie transcendantale qui tente d’établir les conditions de la
connaissance. Ce serait un « kantisme sans sujet transcendantal » (Ricœur),
une forme très élargie et modifiée du kantisme dont Olivier Dekens analyse avec
précision l’héritage selon les auteurs. Cette référence kantienne, souvent
secrète, est perturbée par une référence plus explicite aux philosophies du
soupçon : Marx, Freud et Nietzsche. Ainsi, le structuralisme a-t-il été
qualifié parfois de « freudo-marxisme », Althusser et Lacan
entreprenant de reformuler la pensée de ces auteurs, d’en dire la vérité. La
lecture de Nietzsche, très présent dans la culture intellectuelle des années
60, et particulièrement important chez Foucault, concorde cependant mal avec la
revendication scientifique des structuralistes du premier cercle, dont Foucault
considère la volonté de savoir avec scepticisme. Enfin, c’est la référence à la
linguistique, qui apparaît comme « la seule science humaine qui a réussi »,
qui fonde le projet structuraliste, à condition qu’il puisse montrer qu’il y a
une analogie formelle entre les structures de la langue et celles de la
culture. C’est la linguistique saussurienne qui fournit le paradigme. Le
structuralisme se situe en un lieu indistinct : refus de la philosophie,
au nom d’une revendication scientifique, ou bien exigence d’une nouvelle façon
de faire de la philosophie ; affirmation d’une proximité avec la
littérature, elle-même confondue avec la science.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:
justify"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:11.0pt;
line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:
justify"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:11.0pt;
line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR"><img title="dekens o, mai 2015" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;" alt="" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/mai15/.dekenso1_s.jpg" /> Dans
sa dimension critique, le structuralisme entend destituer certaines
idoles : la conscience, le Moi et son narcissisme, la figure de l’auteur,
l’homme. Ainsi, l’indépendance de la conscience à l’égard de l’inconscient
structural est-elle une prétention non fondée. Il faut dès lors engager une relecture
critique du cartésianisme et de la phénoménologie : ce qui s’est traduit,
par exemple, par la vive confrontation entre Lévi-Strauss et Sartre, et
l’hostilité à son égard de toute la génération issue de ce structuralisme. Le
Moi n’est réductible ni à la conscience, ni au sujet. Il est contesté en sa
tentation narcissique, puis dans ses prétentions centralisatrices, enfin, comme
une figure psychique qui fait obstacle à l’émergence d’une véritable
subjectivité. Le dispositif qui a conduit à refuser les privilèges de la
conscience et du Moi est reconduit à propos de l’auteur : il y aura
science des textes à la condition de la destitution de l’auteur entendu comme
forme de subjectivité constituante. C’est enfin du concept métaphysique d’homme
que la disparition est annoncée : une question qui s’est d’abord posée à
l’anthropologie structurale, où le fait de le poser comme une réalité unique et
inaltérable apparaît comme directement nuisible à la reconnaissance empirique
des singularités et des différences. La critique de l’humanisme est le
prolongement politique de la disparition de l’homme : ainsi pour
Lévi-Strauss, il s’agit de défendre un humanisme moins ethnocentrique et plus
honnête politiquement que l’humanisme de la modernité. La critique de ces
idoles permet de concevoir l’espace structural de façon strictement immanente
et horizontale : la Science peut apparaître.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:
justify"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:11.0pt;
line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR">Le
concept de structure n’a de sens que par rapport à ce qu’il remplace : le
système périmé des idoles philosophiques. Le mot a une origine linguistique, une
origine saussurienne, même si Marx l’a largement utilisé. <span style="mso-spacerun: yes"> </span>Dès que l’on pose la prédominance du
système relationnel sur la nature des termes reliés, on est structuraliste. Or,
le statut ontologique de la structure est ambigu. Pour l’ethnologue, la
structure est pour la société où elle fonctionne un principe organisant
inconsciemment les relations sociales, et elle est aussi un modèle permettant
d’établir l’intelligibilité consciente de ces relations. La détermination
anthropologique de la structure en est la forme la plus radicale, et Foucault
en rejette le caractère dogmatique, qui ne correspond pas à un ordre structural
chargé historiquement, et délimité géographiquement. Oscillation du lieu
structural encore, quand le réel est tantôt conçu comme directement structural,
tantôt comme ce qui est révélé par une structure, ou encore quand il est posé
comme insaisissable, repoussé au-delà de la structure (Lacan). Le signe est
l’une des grandes notions centrales du structuralisme : tout signifie. La
sémiologie structuraliste se détourne de la profondeur du sens et parcourt la
surface du tissu signifiant. Le Texte est une autre façon de dire le système
des signes. L’analyse textuelle peut procéder à l’extension du domaine de la
linguistique, et peut s’étendre au fait divers, au mythe. Dans toutes ses
figures, le structuralisme fonctionne comme topique, c'est-à-dire comme un
travail de découpages, de distinctions, d’analyses relationnelles, qui situe
les éléments structuraux sur un plan, et donc dans un espace.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:
justify"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:11.0pt;
line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR">Enfin,
Olivier Dekens évalue la possibilité d’une éthique structuraliste. Le
structuralisme est la possibilité d’une pensée de l’ailleurs ou de l’autrement,
qui invite à se construire autrement comme sujet, dans un autre rapport au
monde, dépassant les clivages entre nature et culture.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:
justify"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:11.0pt;
line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:
justify;text-indent:35.4pt"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:
11.0pt;line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR">Olivier Dekens dessine un
panorama à la fois très synthétique, très lisible, mais aussi très précis et
nuancé, d’un mouvement philosophique auquel on peut rattacher plus ou moins
directement une dizaine d’auteurs. Son entrée d’abord conceptuelle se précise par
des focus sur tel ou tel auteur porteur d’un concept, d’une perspective, ou
d’un questionnement plus spécifique, ce qui lui permet de faire apparaître des
lignes de force et une dynamique de ce mouvement par où il se constitue, mais
peut aussi se défaire, se transformer, se prolonger.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;text-align:
justify"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:11.0pt;
line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:0cm;margin-bottom:.0001pt;
text-align:right" align="right"><span style="font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:
11.0pt;line-height:107%;font-family:"Lucida Grande"" lang="FR">Nathalie Coulvier.</span></p>