oeil de minerve ISSN 2267-9243 - Mot-clé - JusticeRecensions philosophiques2023-12-27T09:56:23+01:00Académie de Versaillesurn:md5:b5151268a8c1e471830557044d755c66DotclearPierre-Yves Quiviger, Le secret du droit naturel ou après Villey, Classiques Garnier, Paris, 2012, 190 pages, Lu par V. Alainurn:md5:1fd941d91a94f69bffa94e50539749892016-05-05T06:00:00+02:002016-05-05T06:00:00+02:00Florence BenamouPhilosophie politiqueDroit naturelDroit positifJusticePositivisme juridiquePropriété<p><strong>Pierre-Yves Quiviger, <em>Le secret du droit naturel ou après Villey</em>, Classiques Garnier, Paris, 2012, 190 pages, Lu par V. Alain</strong></p>
<p>Il est habituel d’opposer le droit positif au droit naturel. Le premier définit la loi par la volonté générale, le contrat, la convention ; le second soutient l’existence d’une loi naturelle fondée en raison. L’un fait de l’État l’instigateur de normes, l’autre affirme l’existence de valeurs transcendantes. Villey subvertit cette opposition en soutenant d’une part que le positivisme juridique n’est lui-même que la conséquence du jusnaturalisme et d’autre part que le droit naturel des modernes n’est, quant à lui, qu’un droit dénaturé. Villey déclare alors « ce que je recherche reste (…), à titre principal, le secret du droit naturel » .</p>
<p>Pierre-Yves Quiviger publie en 2012 aux éditions Classiques Garnier dans la bibliothèque de la pensée juridique un dense essai de 190 pages intitulé précisément <em>Le secret du droit naturel ou Après Villey. </em>Cette étude entend prolonger la critique villeyenne et cherche à révéler le secret du droit naturel. Deux convictions étayent alors cet essai. D’une part, le positivisme juridique en s’opposant à l’idée d’un droit naturel tend à défendre un « scepticisme plus ou moins agressif ou amusé, qui a pris acte de la relativité des formes positives du droit ». D’autre part, les amis du droit naturel loin d’en servir la cause l’enterrent en confondant la morale et le droit. Renvoyant ainsi dos à dos partisans et adversaires, cette étude souhaite décrire « les conditions de possibilité (…) » d’un jusnaturaliste cohérent. Cette position suppose avant tout le refus d’une norme transcendante s’appuyant sur une certaine idée d’humanité (Kant) et sur une « origine mythique de la société comme l’état de nature »(Rousseau). À l’école du jusnaturalisme est adressé le reproche de faire du sujet de droit un « empire dans un empire », donc de s’appuyer sur une certaine conception de la nature humaine. Cette nouvelle perspective subvertit alors l’opposition métaphysique du fait (<em>sein</em>) et du droit (<em>sollen</em>) et cherche à établir que le <em>sollen</em> (devoir) est en quelque sorte immanent au <em>sein</em> (affaires humaines). Ce droit naturel est dévoilé par le bon juge lorsqu’il interprète la loi. Ce réalisme s’appuie sur une <em>phronêsis </em>juridique déjà mise en évidence chez Aristote par Pierre Aubenque. Cette prudence se laisse saisir dans la « réalité grise du droit », la jurisprudence. Cette thèse se déploie en trois chapitres intitulés respectivement « le droit n’est pas la loi », « la question de la propriété », « l’obligation juridique ».</p>
<p> </p> <p>Le droit naturel dénature le droit en le réduisant à la loi. Cette idée maîtresse développée dans le premier chapitre ne saurait se comprendre indépendamment de la méthode exemplaire mise en œuvre dans cette étude. Elle tire ses principes à la fois de l’école française d’épistémologie (Bachelard, Canguilhem, Foucault) et de Villey. L’idée d’un droit naturel ne peut être établie <em>a priori</em>. Ce droit n’est pas un concept transcendantal, il n’est pas la forme de la loi comme chez Kant. Le secret du droit naturel doit plutôt être cherché dans les codes, les jurisprudences et les pratiques. Cet essai ne cesse alors de s’élever contre les théories du droit propres aux philosophes qui négligent trop souvent l’humble réalité grise du droit. Un tel parti pris méthodologique éclate dans la déclaration liminaire : « le « droit ne saurait se réduire à la loi ». Un tel renversement de la <em>doxa</em> ne peut que surprendre. P-Y Quiviger la justifie en écrivant : « Il n’y a de droit que dans l’acte du juge qui attribue à chacun ce qui lui revient (<em>suum cuique tribuere</em>), la loi n’étant qu’un élément parmi d’autres qui aide le juge à accomplir le partage, la distribution ». La fonction du droit consiste donc à opérer le bon partage, le juste tri, la bonne répartition. Une telle approche se fonde sur le livre V de l’<em>Éthique à Nicomaque</em> dont Villey fait dériver le droit romain. Aristote écrit en effet : « le droit (dikaion) a pour objectif la réalisation de la justice (<em>diakosunê</em>) »<em>.</em> Cette finalité est résumée par Ulpien en une formule : <em>suum cuique tribuere</em> (donner à chacun le sien). Le droit naturel ne repose donc pas sur une loi naturelle ou une conscience morale (Antigone), mais il s’appuie sur cet adage classique qui décrit l’action d’un tiers (le bon juge) qui tranche et partage. La justice est alors distributive ou commutative en fonction du type de distribution et d’égalité qu’il s’agit de mettre en œuvre. Bref, le droit ne se réduit pas à un système de normes, à un édifice conceptuel. Il est un effort de justice et cherche à donner à chacun ce qui lui revient de droit (naturel). Une telle perspective rappelle la fonction essentielle, la finalité de tout jugement qui n’est pas d’appliquer aveuglément la loi, mais de restaurer l’équilibre brisé par les actions injustes. Ce droit naturel secrètement à l’œuvre au sein du droit positif tend à rétablir la paix. Telle est la seule vraie « norme juridique ».</p>
<p>Le second chapitre, le plus long, puisqu’il fait quatre-vingt douze pages, porte sur la <em>question de la propriété</em>, c’est-à-dire sur son droit. Si le droit consiste à rendre à chacun ce qui lui appartient (<em>suum cuique tribuere)</em> alors il suppose un mien et un tien. Dès lors, il ne peut y avoir de droit sans droit de propriété. Car enfin si rien n’appartient à personne, peut-on encore dire le droit et donner à chacun ce qui lui revient ?</p>
<p>A rebours des travaux historiques qui déconstruisent la notion juridique de propriété, cet essai tente d’en reconstruire la cohérence. La thèse défendue est alors que l’unité du concept juridique de propriété est à chercher dans la catégorie du <em>propre</em>. La propriété peut se définir comme un « mécanisme de désignation » qui permet de donner le nom de celui qui est en droit d’accomplir un certain nombre d’actions sur une <em>res</em>. Ce deuxième chapitre propose donc une étude rigoureuse, précise et serrée du champ conceptuel recouvert par la notion de propre (<em>idion</em>). L’étude de l’<em>idion</em> se divise alors en quatre moments : la propriété singulière (<em>idiôtes</em>), l’approprié (<em>oikeion</em>), l’appropriation (<em>oikeiôsis</em>), et enfin le droit de propriété (<em>ktêsis</em>).</p>
<p>Le propre ne se confond pas avec la propriété d’une <em>res</em> (l’attribut d’une substance). Celle-ci est certes distinctive et entre dans la définition, mais elle n’est pas un propre, car elle est commune à plusieurs choses (l’étendue aux corps par exemple). L’<em>idion</em> renvoie bien plutôt à une idiosyncrasie (<em>idiôtes</em>) que personne d’autre ne peut posséder. Ce propre ontologique ne peut être ni transmis ni échangé. S’emparer du génie de Mozart revient à devenir Mozart, donc à ne plus être soi, mais un autre. Que peut-on alors s’approprier, si l’<em>idiôtes</em> ne peut être volée ? Il ne reste que les propriétés communes. Celles-ci se divisent en être et avoir, <em>hexis</em> et <em>ktêsis</em>. Il est en effet possible d’acquérir des habitudes et de s’approprier une manière d’être (la frugalité ou la voracité). À cette propriété-état (<em>hexis</em>), il convient de distinguer une propriété-possession (<em>ktêsis</em>) objet de toutes les appropriations. Pourtant, toute appropriation n’est pas appropriée (<em>oikeiôsis</em>). N’importe qui ne peut s’approprier n’importe quoi. Penser le propre revient donc à décrire l’approprié, c’est-à-dire à définir les limites de l’appropriation. Pourtant, en l’absence d’une essence individuelle et dans l’hypothèse d’une affirmation radiale de la liberté humaine (Sartre), on peut penser que le propre consiste précisément à n’en avoir aucun. Peut-on alors distinguer l’approprié de l’appropriation ? L’appropriation légitime, l’approprié, ne peut correspondre qu’au complémentaire (<em>oikeion</em>). L’appropriation légitime est donc appropriée à une existence, à une situation, à une société. L’inapproprié quant à lui renvoie à l’individualisme possessif travaillé par un appétit de possession qui fait de toute <em>res</em> un objet possible d’appropriation. </p>
<p>Cette clarification de la notion de propre conduit naturellement à l’examen du régime juridique de l’appropriation (les articles 544 et 545 du Code Civil). Le droit distingue classiquement la simple possession de la propriété. Celle-ci suppose un titre : « dans le contrat de propriété une partie déterminée du monde sensible est attribuée en propre de façon exclusive à un individu comme sphère de cette action réciproque qui est la sienne. » Tout semble alors fort simple. Le droit se distingue du fait, le droit de propriété de la brutale possession. La propriété juridique repose sur un titre garanti par un État (le Contrat social). La possession par contre n’est qu’une force qui s’approprie. Le <em>quid juris </em>s’oppose donc au <em>quid factis</em>. Pourtant, ce bel édifice conceptuel d’inspiration kantienne ne rend pas compte de la complexité du droit de propriété. Le droit français reconnaît en effet <em>« un mécanisme d’appropriation par la possession » </em>: <em>l’usucapio</em>. Non seulement la simple possession peut donner un droit, mais un tel accès à la propriété est « sous certaines conditions et après un certain temps » supérieur. Fort de ce constat cette étude propose à partir d’une discussion serrée de la <em>Doctrine du droit</em> de Kant une révision de la distinction classique du fait et du droit. Cette critique du criticisme porte sur l’interprétation kantienne de la formule Ulpien : <em>suum cuique tribuere</em>. Pour Kant, cet adage commande d’entrer « dans un état tel que pour chacun, le sien puisse être garanti à l’égard de chaque autre ». Certes, ce droit n’est pas celui de « s’approprier n’importe quel bien (…) , mais le droit de transformer tout bien en propriété » . Il n’y a donc pas de limite à l’appropriation. En conséquence, les divisions kantiennes empêchent de penser l’unité du concept juridique de propriété.</p>
<p>Ce long parcours s’achève par l’étude des <em>ktêmata</em> (biens). La propriété est une appropriation et le droit décrit les modalités légitimes de cette appropriation : droit du premier occupant, héritage, cessions, travail. Cette étude insiste alors sur l’assise ontologique de tout mécanisme d’appropriation. L’appropriation renvoie à « un amour de la domination » décrit par Locke, c’est-à-dire à une <em>libido possidendi</em>. Cette pulsion d’appropriation est présente dès enfance. De même que le pouvoir pour Locke est toujours tenté par l’abus, de même l’appropriation est toujours travaillée par l’excès et déborde la légitimité donnée par le travail. La réponse à la question du droit de propriété ne peut alors qu’être ambiguë. Si la propriété comme appropriation est toujours excessive, elle n’en reste pas moins inscrite en chacun au titre d’une structure ontologique originaire et fondamentale. S’opposer au droit à la propriété reviendrait à nier la réalité de cette pulsion d’appropriation et à prendre les hommes non tels qu’ils sont, mais tels qu’ils devraient être. La tâche politique, dès lors, ne peut consister à réformer les hommes, mais à organiser et à harmoniser les appétits de chacun. La discussion finale de la clause lockéenne suggère qu’il appartient à l’État de gérer au mieux cette <em>libido possidendi </em>au moyen d’un droit administratif. Au juge administratif incombe la responsabilité de trancher entre l’appropriation légitime et l’illégitime en énonçant ce qui revient à chacun (<em>suum cuique tribuere</em>). L’originalité de cette réflexion est de développer une véritable philosophie du droit administratif trop souvent ignorée des philosophes au profit du droit pénal.</p>
<p> L’étude de la propriété conduit alors analytiquement à la notion d’obligation juridique. En s’appuyant sur la seconde dissertation de la <em>Généalogie de la morale</em> de Nietzsche, l’obligation est définie comme une relation entre un débiteur et un créancier. L’obligation ne renvoie donc pas à une psychologie, à une promesse, à une volonté autonome, bref à une subjectivité, mais à l’objectivité d’une créance. Du côté du créancier un droit s’affirme, celui d’exiger le paiement d’une dette ; du côté du débiteur une obligation s’impose, celle de la rembourser. L’obligation est juridique dans la mesure où cette relation repose sur un tiers, un juge, chargé de rétablir l’équilibre entre le créancier et son débiteur. L’obligation ainsi définie permet alors de décrire le droit non comme un édifice normatif, mais comme une théorie des obligations.</p>
<p>Certes, le droit et la morale relèvent tous deux du prescriptif. Toutefois l’obligation morale se distingue nettement de l’obligation juridique. La première est une proposition optative respectée par conviction. La seconde est un énoncé performatif, car lorsqu’un juge « énonce la norme, elle est alors un fait ». Cette performativité de l’énoncé juridique rend tout jugement dépendant « d’une totalité sociale », d’une « collectivité ». Bref, l’obligation morale révèle de l’éthique de la conviction alors que l’obligation juridique est conséquentialiste et s’inscrit dans une <em>Sittlichkeit</em>. Le droit naturel ne peut plus alors être le supplément d’âme du droit positif. Il ne peut donc consister en l’introduction d’une norme morale.</p>
<p>Cette analyse s’appuie sur la catégorie juridique d’obligation « naturelle ». Celle-ci correspond, par exemple, à l’obligation réciproque d’assistance d’un frère et d’une sœur. Toute obligation ne repose donc pas sur un contrat, sur un acte autonome de la volonté. Une telle définition de l’obligation conduit à réviser la division classique entre les droits-libertés (droit de) et les droits-créances (droit à). Cet essai défend alors la thèse d’une réduction des premiers aux seconds. Tout droit-liberté « cache » une dette. Dans le cas contraire il perd toute consistance et il n’a plus de droit que le nom. Le droit de circulation, par exemple, n’a de réalité que s’il peut induire une réparation en cas d’empêchement.</p>
<p>Une telle théorie de l’obligation juridique, issue en partie du droit administratif, est-elle transposable au droit pénal ? Une infraction à la loi (crime ou délit) est-elle bien une dette ? La question est d’autant plus complexe qu’il convient de bien distinguer dans l’action délictueuse le versant civil du versant pénal. Au civil, il est évident que l’infraction est quantifiée et qu’elle se définit naturellement comme une créance. Au pénal pourtant, la dette n’est pas moins réelle. L’infraction doit même être interprétée comme une double dette : l’une contractée envers la société dont l’équilibre a été perturbé, l’autre envers une personne qui a été lésée. Il convient alors de substituer à la notion d’imputation celle de nexalité (<em>nexus</em>). Ce concept « désigne le nœud complexe unissant le créancier à son débiteur ». À la logique prédicative classique, impuissante à rendre compte de cette nexalité, il convient donc de substituer une logique complexe des prédicats. Le lien juridique appelle ainsi une autre logique du droit plus conforme à sa réalité et à ses pratiques.</p>
<p> Cette étude renverse bien entendu la perspective classique développée par Leo Strauss dont elle critique implicitement les présupposées métaphysiques (sujet de droit) et les conséquences philosophiques (dilution du droit dans la morale). Le positivisme juridique n’est plus ici en procès. Le droit positif n’est plus cité à comparaître devant le tribunal du droit naturel. Il est au contraire interrogé dans ses textes, dans ses lois, dans sa jurisprudence et dans ses pratiques. Il est pensé comme l’unique dépositaire du secret d’un authentique droit naturel. Le droit positif est alors porteur de philosophèmes qu’il convient d’expliciter afin de les discuter. Si l’inspiration aristotélicienne rapproche cet essai des travaux de Villey, cette étude s’en sépare pourtant en cherchant non pas à restaurer un droit naturel antimoderne, mais en se proposant de reconstruire un jusnaturalisme conséquent.</p>
<p>Cette recension bien entendu ne saurait rendre compte de la richesse des analyses développées dans cette dense étude de philosophie du droit. Celle-ci instruit le lecteur en lui permettant de se familiariser avec les notions les plus importantes. Elle rappelle qu’il ne saurait y avoir de réflexion philosophique sans une solide culture juridique. Une telle entrée en philosophie du droit est d’autant plus magistrale qu’elle n’est pas une œuvre de vulgarisation. Bref, cet essai exigeant donne vie à cette humble « réalité grise du droit » la rendant soudain passionnante, mieux essentielle.</p>
<p><br />
Lu par V. Alain</p>Simon Merle, Super Héros et Philosophie, Bréal, 2012 (lu par Sylvain Bosselet)urn:md5:8a08799f9dbb89936309a032abcda0522013-01-19T06:55:00+01:002013-01-19T06:55:00+01:00Cyril MoranaPhilosophie généraleFictionsJusticeSuper hérosSurhommeUtopie<img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/janvier/.superheros_t.jpg" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0; " title="superheros.png, janv. 2013" />
<p style="margin: 0; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>Simon Merle, <em>Super Héros et Philosophie</em>, Bréal, 2012, 128 pages.</strong></span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Ce livre croise deux domaines : d’un côté la philosophie avec ses thèmes classiques, de l’autre les super-héros d’origine nord-américaine, tels qu’ils apparaissent dans les bandes-dessinées (les « comics ») et les films hollywoodiens. L’auteur, Simon Merle, propose une analyse de ces productions à partir des notions au programme de philosophie en classe de Terminale (conscience, désir, inconscient, devoir, etc.), ainsi que de nombreux philosophes classiques, ce qui permet de recouvrir tous les aspects philosophiques implicitement à l’œuvre dans cette « culture » des super-héros.</span></p> <p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px"> En introduction, l’auteur propose une définition du super-héros. Il retient trois critères sine qua non : une double identité, des capacités extraordinaires et un sens moral. Se pose alors la problématique, entre les faiblesses de l’humanité et son aspiration à l’élévation, pour laquelle le super-héros représente un modèle.</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Au premier chapitre (de la première partie), « Grandeur et finitude », l’auteur analyse le fait que les super-héros connaissent des limites comme les hommes, en particulier des limites dans le temps et dans l’espace, et qu’ils doivent affronter des dilemmes moraux. Leur grandeur ne tient donc pas tant à leur force physique qu’à leur attitude éthique.Le deuxième chapitre, « Identité et masque », aborde la question philosophique de l’identité, de l’être opposé aux apparences et de la fonction symbolique attachée aux apparences (comme le costume ou l’uniforme). Nous aboutissons au paradoxe selon lequel le masque cache et révèle à la fois.Au troisième chapitre, « Pouvoirs et responsabilité », l’auteur examine la question de la liberté attachée à de grands pouvoirs, qui implique de grandeurs responsabilités. On y rencontre le problème de l’intérêt personnel (et privé, dans le cas du super-héros) avec l’intérêt collectif. Au quatrième chapitre, « Justicier et démocratie », les questions politiques sont explicitées par le biais du rapport entre les super-héros et l’État. Diverses relations apparaissent selon les héros concernés, du simple mandat à l’action indépendante. Le problème de la relativité de la justice s’en trouve touchée, ainsi que celui de la violence légitime et de la nécessité de l’ordre. Au cinquième chapitre, « Héroïsme et espérance », les problèmes liés à la croyance sont explicités. La question est de croire ou non en ces super-héros, ainsi qu’au monde meilleur pour lequel ils œuvrent, à titre d’intermédiaire entre une condition humaine et une surhumanité divine. Au sixième chapitre (premier chapitre de la seconde partie), « « Fiction et réalité », l’auteur explore le rapport entre fiction et réalité, qui permet d’anticiper l’avenir et de réfléchir aux situations de crises comme aux changements de normes. Au septième chapitre, « Crise et anticipation », l’auteur interroge le problème de la technologie et de la perte de contact avec la nature, en particulier d’un point de vue éthique. Au huitième chapitre, « Utopies et transgressions », c’est l’aspect transgressif des super-héros qui est mis en rapport avec l’aspiration à un monde meilleur, utopique. L’exemple de Wonder Woman est éclairant, elle qui cherche à changer le monde par l’amour et placer sur un pied d’égalité l’homme et la femme. L’auteur interroge le rapport des super-héros à une morale universelle, qu’ils doivent atteindre grâce à leur « vertu ». Au neuvième chapitre, « Hommes et surhommes », la question du délicat dépassement de l’homme par le surhomme est posée, avec ses corrélats que sont l’isolement du surhomme et l’inquiétude de l’homme, susceptibles de dégénérer en affrontement. Ce dépassement de l’homme par lui-même se heurte aussi au rapport de l’homme au divin. Le dixième et dernier chapitre, « Mutations et métamorphoses », examine l’aspect « roman d’apprentissage » des histoires de super-héros. Il s’agit de s’extirper des identités préétablies de la société pour se trouver soi-même et déployer ses potentialités, autrement dit se métamorphoser sans se perdre.</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: Helvetica; "><img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/janvier/515S2AHWATL._SL500_AA300_.jpg" alt="" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em; " title="Super héros, janv. 2013" /></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">En conclusion, la question de la nature humaine est posée, avec ses risques de fixations culturelles. Le super-héros incarne finalement la tension entre le besoin de repères de l’humanité, et sa nature créatrice qui cherche toujours à faire progresser l’homme. Il apparaît comme par hasard dans les périodes de crise, comme la nôtre.</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px"> </span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">D’une centaine de pages, ce livre est de lecture aisée. Il intéressera aussi bien les amateurs de philosophie qui souhaitent découvrir le monde des super-héros à travers une grille de réflexion, que les amateurs de « comics » qui souhaiteraient découvrir la philosophie, par le biais d’une application à un sujet qui leur est cher. Il pourrait par exemple constituer une lecture attrayante et enrichissante pour les bacheliers. Il est présenté avec des illustrations dynamiques et colorées, en rapport avec son sujet. Son style est fluide, précis, et sait éviter la plupart du temps les mots trop techniques ou les phrases trop complexes, sans éluder pour autant les difficultés philosophiques. Les analyses sont pertinentes et savent rendre une profondeur à un sujet réputé léger ou relevant du simple divertissement. Elles s’accompagnent de citations philosophiques habilement insérées, qui donnent du relief au texte. Il est publié chez Bréal, éditeur spécialisé dans le pédagogique, d’où un souci de lisibilité très appréciable.</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px"> </span></p>
<p style="margin: 0; text-align: right; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Sylvain Bosselet</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>Sommaire</strong></span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Ce livre se divise en deux parties : « Le super-héraut », qui traite du fait que les super-héros représentent un modèle de l’homme, avec les questions de la nature de l’homme, de ses devoirs et de ses valeurs ; « Le super-éros », qui traite des désirs ouverts par les nouvelles possibilités des super-héros, avec les questions de la liberté, de la créativité et de la technique. Chacune de ces deux parties se divise en cinq chapitres :</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">I « Le super-héraut »</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">1/ Grandeur et finitude</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">2/ Identité et masque</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">3/ Pouvoirs et responsabilités</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">4/ Justicier et démocratie</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">5/ Héroïsme et espérance</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">II « Le super-éros »</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">1/ Fictions et réalité</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">2/ Crises et anticipations</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">3/ Utopies et transgressions</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">4/ Hommes et surhommes</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">5/ Mutations et métamorphoses</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Enfin, l’auteur a ajouté une présentation synthétique des principaux super-héros.</span></p>
<p style="margin: 0; text-align: justify; font-family: 'Lucida Grande'; "><span style="letter-spacing: 0.0px"> </span></p>Cyrille Bégorre-Bret et Cyril Morana, La Justice de Platon à Rawls, préface d'André Comte-Sponville, (lu par Véronique Longatte)urn:md5:d966503012c84ec532fcc8176ce1d3e12013-01-14T07:10:00+01:002013-01-14T09:17:04+01:00Cyril MoranaHistoire de la philosophieAlainAristoteHumeIEP 2013JusticeKantNIetzschePascalPlatonRawlsRousseauSpinoza<p class="MsoNormal" style="margin-top: 0; "><strong>Cyrille Bégorre-Bret et Cyril Morana, <em>La Justice de Platon à Rawls</em> (préface d'André Comte-Sponville), Eyrolles, 2012. </strong></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top: 0; "><span style="font-family: 'Times New Roman'; "><img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/janvier/.justice2_t.jpg" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0; " title="justice2.png, janv. 2013" /></span></p>
<p style="margin-bottom: 0cm" align="JUSTIFY">L'ouvrage
de Cyrille Bégorre-Bret et Cyril Morana, LA JUSTICE de Platon à
Rawls, présente de façon chronologique, l’histoire de l’idée
de justice de l’Antiquité à nos jours. Dans une visée
pédagogique sont exposées ici diverses réflexions sur
l’essence même de la justice avant de s’interroger sur les
conditions concrètes de sa réalisation.
</p> <p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">D’où le choix d’organiser le livre par auteur : l’examen de la doctrine de chaque auteur constitue un chapitre du guide : Platon, Aristote, Pascal, Spinoza, Hume, Rousseau, Kant, Nietzsche, Alain, Rawls.Il ne s’agit donc pas d’une thèse originale sur la justice mais d’un précieux outil s’adressant à l’apprenti philosophe ainsi qu’à tout citoyen. La justice étant une vertu morale mais aussi un problème politique, ce guide a le mérite de convier le lecteur à exercer sa libre réflexion sur le thème de la justice mais aussi et surtout de lui fournir les éléments essentiels pour pouvoir la mener. La justice est la vertu la plus précieuse pour les peuples, d’où l’intérêt d’une invitation à « veiller à ce que nos lois soient le plus justes possibles » au travers d’une réflexion sur les liens à établir entre légalité et l’égalité.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>1/ La Justice chez Platon</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Platon montre que le droit ne peut être réduit au fait. Si l’homme ne se conduit justement que par peur des sanctions, il convient d’envisager une science politique comme thérapeutique à un tel comportement. Il faut parvenir à dépasser l’instabilité des attitudes individualistes en offrant un horizon fixe et légitime : l’idée de justice.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Le contexte historique et la vie de Platon éclairent sa thèse : pour que règne, la justice mieux vaut s’en remettre aux lois (produit de la raison). Mais l’égalité se distingue de l’identité, il faut concevoir une justice en fonction du mérite. La difficulté tient à ce que la loi soit comprise de tous. L’égalité doit être une proportionnalité.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>2/ La Justice chez Aristote</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Aristote privilégie une réflexion pratique : passer en revue les sociétés existantes pour mieux établir ce qui pourrait les rendre meilleures. La justice est une disposition à agir selon le bien. Les lois justes permettent de développer notre potentiel via une éducation. La lecture d’Aristote permet l’examen de deux acceptions de la justice : respect des lois/respect de l’égalité ainsi que des difficultés pratiques ( il est possible d’être « en règle » sans être juste). Sont envisagées les diverses formes que peut prendre l’égalité ainsi que la distinction justice distributive/ justice correctrice. De même, sont présentés le concept de proportionnalité, la question des échanges commerciaux, la nécessité d’interpréter une loi générale qui s’applique au cas particulier. La justice dépend avant tout de la qualité du jugement et peut prendre corps dans des formes constitutionnelles multiples mais la société juste a toujours pour objectif l’avantage commun.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong><img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/janvier/.51cAcHAnAcL._SL500__m.jpg" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0; " title="Justice Begorre, janv. 2013" />3/ La Justice chez Pascal</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Pascal propose de ne plus considérer les fondements de la justice humaine mais ses conséquences, ce qu’il nomme la «raison des effets ».</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Il montre pourquoi la justice ne peut être entendue ni comme vertu, ni comme règles de droit ni comme institution. L’homme est le jouet de son amour-propre et sans l’aide de Dieu il est impossible de déterminer ce qui est juste. L’institution judiciaire essaie de pallier l’absence de normes justes universelles évidentes par l’impression qu’elle produit. La justice semble impossible à réaliser. Pascal propose toutefois une solution : c’est en raison de ses effets et non de ses principes que la loi humaine doit être respectée. La solution se trouve dans une conversion religieuse. Il faut non pas seulement comme les « demi-habiles » critiquer l’imperfection des lois sociales mais devenir « habile » et respecter non le mérite des lois mais la volonté divine.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>4/ La Justice chez Spinoza</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Pour Spinoza il est tout aussi insensé de penser Dieu en juge suprême, arbitre des mérites des hommes, que de l’accuser d’injustice et de l’en rendre responsable. L’ordre des évènements est immuable et nécessaire. Parler de justice divine ne relève que d’illusions (l’anthropomorphisme et l’anthropocentrisme). Il n’y a donc de justice ou d’injustice que dans les jugements humains (ni dans les choses, ni mêmes dans les actes humains). </span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Nous construisons un système de justice qui repose sur l’illusion de liberté humaine. Il faut renoncer à l’idée d’une justice en soi : il n’existe que de l’utile et du néfaste. Spinoza nous invite à renoncer à l’indignation contre l’injustice et gagner en clairvoyance pour rechercher ce qui renforce notre désir fondamental de vivre.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>5/ La Justice chez Hume</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Qu’est-ce qui nous pousse à être honnête ? L’originalité ici est de concevoir la justice à la fois comme instituée et comme vertu naturelle.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">C’est d’une part parce que les hommes sont naturellement égoïstes (la générosité envers leurs semblables se limite au cercle des proches) et d’autre part parce que la nature ne les a pas tous pourvus également, qu’il faut apporter l’ordre et la sécurité à la communauté des hommes. Reconnaissons alors que nous ne suivons la justice que parce qu’elle nous est utile. La légitimité repose sur l’’utilité publique.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>6/ La Justice chez Rousseau</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">L’ambition individuelle, la course au pouvoir, l’analyse que fait Rousseau de la propriété dépeignent la duperie de nos sociétés lesquelles, sous prétexte de garantir notre sécurité, légalisent la suprématie des uns sur les autres, bafouent liberté et égalité.Rousseau pense un état de nature où la raison est encore absente et où l’amour de soi (inclination à l’autoconservation) et la pitié sont présents. Nature, habitude et raison font naître le « droit naturel raisonné ». La loi permet le passage d’un sentiment naturel vague à une réglementation efficace construite sur ce sentiment naturel de justice. Pour ce faire la loi doit être l’expression de la « volonté générale », accorder les intérêts particuliers pour tendre vers le bien commun. Egalité et liberté civiles sont les conditions d’une société véritablement juste.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>7/ La Justice chez Kant</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Se montrer juste c’est vouloir que sa maxime devienne une loi universelle. Ce n’est pas l’utilité qui fait la valeur morale d’une action mais l’intention. Le juste reconnaît en autrui une valeur absolue, une fin. La loi doit être imposée à l’individu moral. Or une limitation de la liberté de chacun n’est juste que si chacun en reconnait la nécessité. En lecteur de Rousseau, Kant fait de la liberté le principe d’une politique. Faire du bonheur le principe du droit reviendrait à traiter les citoyens comme des mineurs irresponsables et ne pas reconnaître leur sphère privée. Morale, liberté et justice sont donc étroitement liées : est juste l’action dont la maxime suivant une loi universelle permet la cohabitation du libre arbitre de tous.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>8/ La Justice chez Nietzsche</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">La vraie question n’est pas pour Nietzsche de savoir ce qu’est la justice mais comment elle est née. La justice n’est pas une aspiration innée, mais relève d’une construction qui fait l’enjeu principal d’une lutte pour la domination. Des mises en garde sont ici proposées au lecteur de ce guide dans un objectif pédagogique. Nietzsche ne vante pas les supérieurs autoproclamés, il critique même l’évolution vers la haine de la vie que subie la caste des forts. En outre la conception judéo-chrétienne et démocratique de la justice n’est pas plus morale que la conception grecque et aristocratique puisqu’elle procède d’une soif de vengeance.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>9/ La Justice chez Alain</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">La difficulté n’est pas d’identifier ce qui est juste. Il suffit d’observer une règle d’or : se mettre à la place d’autrui et juger la transaction du point de vue d’autrui. Ne pas négliger autrui n’exige pas de renoncer à ses propres intérêts. L’injustice, c’est tout simplement l’unilatéralité. Alain s’avère être un des rares penseurs à défendre la justice du droit positif, même s’il considère que le principe de justice lui est supérieur. Egalité et publicité sont les attributs fondamentaux des règles de droit : rendre public les règles à suivre garantit l’égalité en obligeant tout un chacun à se placer du point de vue d’autrui. Il est possible de faire des lois justes, la seule difficulté est d’agir justement.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"><strong>10/ La Justice chez Rawls</strong></span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Il convient de se garder de confondre la thèse de Rawls avec les principes libertariens, le libéralisme économique ou encore la position utilitariste de Stuart Mill.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Rawls s’efforce de concilier la liberté individuelle et la justice sociale. Les inégalités sociales et économiques ne sont tolérables et légitimes que tant qu’elles ne viennent pas empêcher l’égalité des chances et dans la mesure où elles vont profiter aux plus défavorisés. Placés derrière « le voile d’ignorance », même si les individus ont une conception déterminée du bien, ils font le choix de ne pas en tenir compte : l’abstraction repose sur un usage de la raison et s’appuie sur la liberté individuelle . Les principes ne découlent que d’un choix rationnel (et non d’une conception préalable du bien, ni de leur bonté éventuelle, pas plus que de leur égoïsme naturel). Rawls présente une société possible en cours de réalisation et non utopique. Seule compte l’égalité des droits et plus l’identité des fins. Rawls intègre l’exigence d’une justice sociale au cœur même d’une politique libérale. Affirmer la priorité du juste sur le bien c’est affirmer la neutralité de l’Etat et la priorité du sujet. On peut concevoir une politique qui ne soit pas une morale, sans pour autant faire abstraction de la justice.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; color: rgb(30, 73, 125); "><span style="letter-spacing: 0.0px"> </span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Ouvrage qui a le mérite de recenser de manière clairement agencée à la fois le contexte historique dans lequel s’insèrent les différentes thèses sur la justice, la démarche réflexive de chacun des auteurs présentés, des citations clefs, des illustrations parlantes pour un élève de terminale ; le tout manifestant indéniablement des qualités pédagogiques qui font de ce guide un ouvrage de base pour toute réflexion sur la justice et en rendent la lecture tout à la fois aisée, plaisante et éclairante. En outre, une bibliographie commentée présentée en fin d’ouvrage offre à l’apprenti philosophe les moyens tant pratiques qu’efficaces de poursuivre sa réflexion. L’étude chronologique de thèses diverses sur la justice offre en définitive une élucidation conceptuelle qui reste ouverte à une réflexion que le lecteur peut mener sur la politique de son temps. Tel semble être du reste l’objectif de cette collection Petite philosophie des grandes idées.</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px">Véronique Longatte</span></p>
<p style="margin: 0 0 12px; text-align: justify; "><span style="letter-spacing: 0.0px"> </span></p>