oeil de minerve ISSN 2267-9243 - Mot-clé - EpistémologieRecensions philosophiques2023-12-27T09:56:23+01:00Académie de Versaillesurn:md5:b5151268a8c1e471830557044d755c66DotclearFranck Varenne, Théorie, réalité, modèle. Matériologiques 2012, lu par Arnaud Rosseturn:md5:e03e784518a11991f31546ce84b597172019-07-12T06:00:00+02:002019-07-12T06:00:00+02:00Baptiste KlockenbringPhilosophie politiqueDuhemEpistémologieHackingmodèlePoincaréQuinesciencesThéorie<p><strong style="mso-bidi-font-weight:
normal"><span style="font-size:12.0pt;font-family:"Times New Roman""><img alt="" class="media" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/.4102IqFahJL._SX260__s.jpg" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" />Franck Varenne,<em> Théorie, réalité, modèle. Épistémologie des théories et des modèles face au réalisme dans les sciences</em><span style="mso-bidi-font-style:italic">, Éditions matériologiques<em>, </em></span>2012<em> (</em>259 pages). Lu par Arnaud Rosset.</span></strong></p>
<p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><em>Cet ouvrage vise à rendre compte des circonstances dans lesquelles l'évolution de la physique a amené le retour d'un questionnement sur le réalisme scientifique et à mettre en valeur la façon dont la valorisation récente des modèles, saisis comme des représentations intermédiaires entre la théorie et les données de l'expérience, a permis de réorienter ce questionnement.</em></span></p>
</p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><em><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>The purpose of this book is to report on the circumstances in which the evolution of physics brought about a reexamination of scientific realism and to highlight how the recent valorisation of models, as intermediate representations between theory and data, redirects this reexamination.</span></em></p> <p class="MsoNormal" style="text-indent:0cm;mso-pagination:none;tab-stops:45.8pt 91.6pt 137.4pt 183.2pt 229.0pt 274.8pt 320.6pt 366.4pt 412.2pt 458.0pt 503.8pt 549.6pt 595.4pt 641.2pt 687.0pt 732.8pt;
mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""> <span style="mso-tab-count:1"> </span></span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>L'introduction s'articule autour d'une série de clarifications conceptuelles. Rappelant que le réalisme scientifique (contrairement au réalisme ontologique, sémantique ou encore éthique) s'intéresse spécifiquement au statut cognitif des productions scientifiques, l'auteur insiste également sur la nécessité d'être attentif à ses multiples déclinaisons internes (allant du réalisme dans les sciences formelles – reconnaissance de l'existence indépendante des objets mathématiques ou logiques – aux versions proposées par les sciences empiriques – réalisme des théories,<span style="mso-spacerun:yes"> </span>réalisme des entités, réalisme structurel ou encore réalisme des espèces).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>Sur ces prémisses, la première partie commence par expliquer que l'interrogation contemporaine relative à l'articulation entre théorie et réalité trouve son origine dans la crise de la physique au XIXe siècle, dans les doutes qui se sont élevés à l'encontre des modèles de la mécanique classique à l'occasion de l'émergence de la thermodynamique puis de l'électromagnétisme. Car si la mécanique classique était auparavant parvenue à une harmonie entre prédiction et explication, elle a dès cette période fait l'objet de critiques importantes. Ernst Mach, par exemple, a cherché à éradiquer de la mécanique tout vestige de réalisme métaphysique, estimant que les lois constituaient des approximations efficaces plutôt que des représentations objectives ; un soupçon corroboré, entre autres, par les équations de James Clerk Maxwell sur l'électromagnétisme, qui expriment des interactions complexes très éloignées de notre représentation intuitive.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>Ce changement de perspective a donc introduit le doute sur le statut cognitif des théories. Pour prendre la mesure de cette ère du soupçon, Frank Varenne repart des travaux d'Ernest Nagel, afin de revenir sur les diverses significations du concept de « réalité physique », d'extraire leur noyau commun et de comprendre comment les théories rivales du réalisme ont entrepris de récuser ce noyau. C'est, qu'en effet, la notion de réalité physique ne va pas de soi, pouvant être définie à l'aune des sensations humaines (comme « ce qui est publiquement perceptible », conception particulièrement anthropocentriste), ou à l'inverse de façon formelle, lorsqu'on considère comme réels les « référents de termes non logiques » au centre d'une théorie corroborée (les éléments qui ne sont ni des constantes logiques ni des quantificateurs et qui sont utilisés dans la formulation d'une théorie). Enfin, on peut aussi l'appréhender à partir de la notion de causalité (serait réel tout ce qui cause ou est causé de façon déterminée et invariable) ou encore de celle d'invariant (serait réel ce qui persiste à travers les<span style="mso-spacerun:yes"> </span>changements et transformations). Selon Franck Varenne, le noyau argumentatif de ces définitions du réalisme n'est autre que la focalisation sur le recoupement d'informations, la variable étant l'objet sur lequel porte ce recoupement (nature matérielle, sensorielle, formelle, symbolique). </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>Et c'est justement ce recoupement que récusent les deux grandes théories qui se sont opposées au réalisme, à savoir : le descriptivisme d'une part, qui refuse le statut d'explication aux théories, estimant que la notion de réalité tient lieu d'hypostase métaphysique et affirmant, dans sa version la plus radicale (phénoménalisme), que la description permise par les lois scientifiques n'est qu'une représentation fictive commode pour penser le flux des éléments. L'instrumentalisme d'autre part, qui considère que si une théorie est plus qu'une description commode du réel, elle est moins qu'un énoncé établissant des lois sur des données observables. Simple « instrument de prédiction » permettant des calculs, elle n'est ni vraie ni fausse, mais efficace ou inefficace, ce qui explique pourquoi deux théories contradictoires peuvent parvenir à des prédictions réussies. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>Face à ces conceptions antiréalistes (renforcées par les découvertes du XXe siècle portant sur des contenus éloignés de notre représentation intuitive du réel), le réalisme se serait selon F. Varenne cantonné dans une position défensive, se bornant à rappeler que l'impossibilité de mesurer, de percevoir ou de se figurer une réalité ne constitue jamais une preuve suffisante de sa non-existence. Or, cette position de repli rend difficile le maintien d'un critère ferme pour définir la science, à moins d'en rester à un critère formel (en caractérisant la science comme Carl Gustav Hempel par exemple, par la forme des énoncés qu'elle propose plutôt que par la nature du rapport entre ces énoncés et le réel). En découle alors une tension entre, d'un côté, la nécessité d'une adaptation du réalisme à la pluralité des nouvelles représentations et, de l'autre, la difficulté de maintenir une position antiréaliste qui ne reconduise pas subrepticement l'espoir d'une forme de vérité des théories. Cette tension se traduit de fait par des approches complexes et ambivalentes que l'auteur choisit d'illustrer en convoquant trois auteurs notables.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 35.4pt; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman"">Pierre Duhem tout d'abord, qui entend réactiver pour la théorie physique du XXe siècle le mot d'ordre d'une partie de l'astronomie antique, à savoir produire des hypothèses sur les corps célestes non en vue de déterminer l'essence des choses, mais dans le seul but de « sauver les phénomènes ». Prolongeant cette tradition et l'étendant à l'ensemble de la physique, la position épistémologique de Duhem refuse ainsi à la théorie le pouvoir d'expliquer la nature même du réel, la limitant à « représenter de façon satisfaisante un ensemble de lois expérimentales ». Cette limitation trouve entre autres son origine dans une certaine conception du rapport entre théorie et expérience. Pour cet auteur, les lois physiques ne seraient rien d'autre qu'un « résumé » d'une infinité d'expériences, mais ces expériences elles-mêmes, pour être ramenées à une condensation formelle mathématisée, doivent déjà être traduites sous une forme symbolique. Or, cette « traduction » reste soumise à une forme d'arbitraire : d'un côté, l'interprétation de l'expérience est orientée par la confiance en un certain socle théorique, à commencer par celui sous-jacent aux protocoles expérimentaux privilégiés ; de l'autre, l'indétermination propre à la traduction du langage de l'expérience vers celui formalisé de la théorie trouve sa réciproque lorsqu'on passe cette fois du langage théorique vers celui de l'expérience. De cette double indétermination, qui mine les prétentions du réalisme, découlent à la fois un holisme épistémologique (thèse affirmant qu'on ne peut tester la validité des hypothèses d'une théorie une par une, mais seulement prise comme un ensemble unifié) et un refus de toute expérience cruciale. Pourtant, la particularité de Duhem est que ce quasi-descriptivisme reste contrebalancé par une « foi en la possible unification des lois empiriques ». Ainsi, à mesure que la fonction représentative des théories amène à simplifier en les condensant un grand nombre de lois et à mesure que cette somme trouve une justification dans des prédictions réussies, émerge le soupçon que la théorie reflète une « organisation réelle » quand bien même elle ne peut la prouver. L'antiréalisme initial de Duhem serait donc atténué par une conviction relevant du croire plutôt que du savoir, conviction qui forme un horizon d'attente vers la « forme idéale » d'une théorie physique pleinement unifiée. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 35.4pt; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman"">La position d'Henri Poincaré, seconde à être évoquée, se révèle également subtile. Partant d'une forme de conventionnalisme modéré, elle aboutit à un réalisme structurel. Conventionnalisme modéré d'abord, puisque l'énoncé scientifique est toujours la traduction dans un langage commode d'une énonciation brute qui prend sa source dans le témoignage des sens ; le savant créé donc le langage dans lequel le fait brut est énoncé, mais pas le fait lui-même (dont Poincaré reconnaît, contrairement à Duhem, l'existence). Réalisme structurel ensuite, dans la mesure où les rapports entre les choses mis au jour par les relations établies au sien de la science dévoilent une « harmonie universelle ». Ce qui est réel ici, ce ne sont donc pas les données accessibles par les sens, mais les rapports entre ces données, rapports traduits et communiqués par la pensée sous la forme scientifique d'un système de relations stables.<span style="mso-spacerun:yes"> </span></span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>C'est cette configuration originale qui amène naturellement F. Varenne vers une critique de Willard Van Orman Quine. Car ce dernier verserait dans une position antiréaliste faute précisément d'avoir envisagé la possibilité d'un réalisme structurel. Ainsi, estimant qu'un réalisme, pour être cohérent, se doit d'être un réalisme des entités alors même qu'il considère par ailleurs ces entités comme ontologiquement inaccessibles (en raison de la médiation nécessairement auto-référentielle, et donc relative, du langage), Quine se condamnerait dès le départ à l'antiréalisme (au niveau proprement épistémologique, cela se traduit plus spécifiquement chez cet auteur par l'impossibilité, pour la science, de définir les « espèces naturelles »). Or, pour F. Varenne, ce repli sceptique s'avère être le symptôme d'une pensée « hantée » par le tournant modéliste, mais incapable de l'intégrer (faute de n'en rester qu'à un panel limité de modèles), plutôt qu'une position aboutie. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""> <span style="mso-tab-count:1"> </span>Ce premier moment met donc en valeur la façon dont les tensions rencontrées par les approches citées à l'occasion de leur questionnement sur le rapport entre théorie et réalité invitent à se tourner vers le concept de modèle, sorte d'intermédiaire entre les théories et les données observables (« plus souple que la théorie et plus proche des données<span style="mso-spacerun:yes"> </span>observables ») dont la science contemporaine fait un usage toujours plus important et diversifié (le XXe siècle ayant été une période d'essor des modèles formels dont il faut en conséquence penser le statut cognitif).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""> <span style="mso-tab-count:1"> </span>Pour initier cet autre volet de l'enquête (et seconde partie de l'ouvrage), Franck Varenne repart des<span style="mso-spacerun:yes"> </span>développements précurseurs de Ludwig Boltzmann, qui valorisent le concept de modèle afin de pointer l'incapacité du descriptivisme radical à penser les productions scientifiques. En effet, réduire les théories à des fictions commodes ne permettrait pas d'expliquer la façon dont la connaissance scientifique s'élabore. Pour rendre compte de cette élaboration, il faut justement reconnaître la place centrale des modèles, qui s'expliquerait selon Boltzmann par la relation étroite unissant le fonctionnement de la pensée à celui du modèle. Toute pensée est ainsi perçue comme une faculté de recevoir et construire des images et, en ce sens, le modèle doit être conçu comme « la continuation de la pensée par d'autres moyens sensibles ». Plus que cela, loin d'être un moyen archaïque situé en deçà de l'abstraction mathématique (comme le soupçonne toute une tradition de pensée), le modèle est pour ce penseur l'instrument qui permet de relayer les symboles mathématiques lorsque ceux-ci ne suffisent plus pour penser des faits physiques de plus en plus complexes ; d'où leur caractère incontournable pour permettre une représentation des<span style="mso-spacerun:yes"> </span>théorisations abstraites.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>En opposition à cette valorisation des modèles, Franck Varenne rappelle qu'un auteur comme Duhem n'a pour sa part pas su saisir l'intérêt de ce type de production. Resté prisonnier d'un clivage entre raison et imagination qui l'a amené à faire du modèle une stricte fiction dont l'essor serait plus dû à des attentes propres à l'industrie qu'à une réelle valeur heuristique, Duhem verse dans une lecture biaisée du rapport entre modèle et théorie qui ramène le premier à une illustration passive et dégradée de la seconde (nous éloignant d'un degré du réel). Pour<span style="mso-spacerun:yes"> </span>sortir d'une telle lecture, il fallait donc repenser ce lien entre théorie et modèle en ne le confondant pas avec le rapport entre théorie et réalité. C'est justement ce qu'est parvenu à faire Bas van Fraassen à partir d'une approche sémantique de la notion de modèle qui lui permet d'opérer deux constats : d'une part, au sein des métamathématiques, le modèle d'une théorie en vient à désigner « toute structure qui satisfait les axiomes de cette théorie » et il constitue alors l'outil permettant de prouver la consistance de cette dernière. D'autre part, au niveau des sciences empiriques, les types de modèle spécifiques, bien que partiellement indéfinis (car contenant, contrairement aux modèles métamathématiques des paramètres non identifiables), n'en possèdent pas moins une valeur heuristique importante en ce qu'ils permettraient de lutter contre l'éclatement en favorisant le recoupement de parties de théories valables localement, recoupement participant ainsi d'une unification par une série progressive de corrections. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>Mais, pour intéressante qu'elle soit, cette conception sémantique occulte selon F. Varenne un peu vite les différences de nature entre les modèles logiques et métamathématiques et ceux propres aux sciences empiriques. Il n'est donc pas étonnant que cette réduction ait été en partie condamnée, ouvrant la voie vers une approche pragmatique des modèles, approche dont les nombreux enrichissements vont, entre autres, aboutir aux thèses de Ian Hacking qui occupent une place essentielle à la fin de l'ouvrage. L'intérêt de ces thèses serait de dépasser le clivage réalisme/antiréalisme en inversant la hiérarchie traditionnelle entre réalité et représentation et en récusant la perspective d'une vérité correspondance. Selon Hacking, la réalité elle-même est anthropologiquement construite en ce qu'elle constitue un sous-produit du pouvoir représentatif de l'être humain. Ce serait ainsi la capacité première de générer des représentations qui caractérise l'homme et cette primauté rend obsolète le questionnement de la conformité de la représentation à la réalité (questionnement commun aux réalistes et aux antiréalistes) dans la mesure où cette dernière, loin de lui préexister, n'est à l'inverse qu'un effet de son activité. Comment, dans ce cas, demander à la représentation une fidélité au réel qu'elle ne peut par définition pas avoir puisqu'elle le précède et le construit. Or, cette conception originale n'est évidemment pas sans conséquence sur la conception des modèles. Une fois évacuée la perspective d'une adéquation traditionnelle entre représentation et réalité, les théories prises isolément ne peuvent plus être dites vraies ou fausses et ce sont les modèles qui jouent le rôle d'intermédiaire nécessaire entre les théories et les lois expérimentales. Montrant sur ce point la convergence des thèses de Ian Hacking et Nancy Cartwright, Franck Varenne termine son ouvrage sur la présentation de cette approche originale au sein de laquelle les théories, loin d'englober progressivement le réel, sont considérées comme de simples « guides de formulation » pour les modèles qui, de leur côté, nous permettent d'être en interaction permanente avec une réalité dès l'origine construite.<span style="mso-spacerun:yes"> </span></span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>Quels enseignements peut-on tirer du cheminement réflexif accompli par F. Varenne ? De fait, la grande précision conceptuelle de l'étude montre habilement que le débat épistémologique sur les rapports entre théorie et réalité, loin de se limiter à un clivage figé entre réalisme et antiréalisme, se décline en une série de positionnements subtils dont l'intérêt grandissant pour les modèles est l'aboutissement spontané. Et si l'auteur se refuse à trancher définitivement ce débat c'est que, comme il le résume dans sa conclusion, « une réponse unilatérale (une de plus) reposerait sur une conception partielle et donc erronée de ce qu'est et de ce que peut être aujourd'hui une représentation scientifique comme une théorie ou, plus encore, un modèle » (p. 233). De plus, l'une des qualités de cette enquête (mais aussi, reconnaissons-le pour les non-spécialistes de ce domaine, l'une des difficultés) est de nous permettre de comprendre cette diversité de positionnement en revenant en détail sur la genèse de chaque approche, tout en nous donnant par ailleurs l'occasion de saisir les similitudes formelles ou les points aveugles qu'elles partagent. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-tab-count:1"> </span>Finalement, la principale nuance que l'on pourrait apporter à ce bilan très positif est formulée par l'auteur lui-même. À savoir, que l'analyse n'envisage pas l'impact récent des nouvelles techniques de simulation sur le débat abordé (notamment avec le tournant computationnel des années 1990).Mais, au regard du plaisir procuré par la lecture du livre, gageons que cette limite du champ d'investigation constitue surtout une invitation à lire les autres travaux de l'auteur. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;
font-family:"Times New Roman""><span style="mso-spacerun:yes"> </span> <span style="mso-tab-count:7"> </span>Arnaud Rosset.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;font-family:"Times New Roman""> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-indent: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;font-family:"Times New Roman""> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt;font-family:"Times New Roman""> </span></p>Seidengart Jean (dir.), Vérité scientifique et vérité philosophique dans l’œuvre d’Alexandre Koyré, Les Belles Lettres, 2016, lu par Jonathan Racine.urn:md5:05b073fe0d8e8853573e8180f23367f12018-10-19T06:00:00+02:002018-10-19T06:00:00+02:00Baptiste KlockenbringÉpistémologieEpistémologieGaliléeHistoire des sciencesKuhnMeyerson<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">Lorsque l’on cite Koyré, on se réfère d’abord, incontestablement, à des travaux d’histoire des sciences : les <i>Etudes galiléennes</i>, par exemple. Mais les ouvrages de Koyré ne sont pas seulement une source d’information extrêmement précieuse dans ce champ très technique qu’est l’histoire des sciences. L’auteur défend constamment une thèse, qui est rappelée dans l’introduction de cet ouvrage collectif : le caractère inséparable de la science et de la philosophie (p. 10).</span></span></span></span></span></p> <p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">C’est cette thèse qui permet de comprendre que le célèbre ouvrage <i>Du monde clos à l’univers infini</i> comporte des analyses aussi bien de Galilée et Newton, que de Nicolas de Cues et Giordano Bruno. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Les spécialistes d’histoire des sciences discutent depuis longtemps les analyses de Koyré, et l’on sait que certains points ont fait l’objet de profondes révisions, par exemple le statut de l’expérience chez Galilée : les travaux de S. Drake, notamment, semblent invalider définitivement l’idée que les expériences de Galilée devraient le plus souvent être considérées comme des expériences de pensée.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">Mais au-delà de ces discussions, il faut se confronter au véritable discours philosophique de Koyré : bien saisir la portée philosophique de ce discours, tel me semble un des intérêts de cet ouvrage, particulièrement bienvenu alors que la seule monographie consacrée à Koyré en français semble être celle de G. Jorland, parue en 1980.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">Etant donné ce que l’on vient de rappeler concernant le caractère inséparable de la science et de la philosophie, on pourra considérer le découpage de l’ouvrage quelque peu artificiel : la première partie est intitulée « Koyré philosophe », et la troisième « Koyré historien de la philosophie », seule la seconde s’occupant apparemment de « philosophie et histoire des sciences ». Mais cela est de peu d’importance dans la mesure où chaque article possède son unité, et où il est bien question, à chaque fois, de science et de philosophie.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Le premier chapitre, « Entre-deux-guerre : Koyré en France, en Allemagne et dans d’autres contextes », a un statut un petit peu particulier par sa dimension biographique : l’article souligne l’importance du séjour à Göttingen où il côtoie Husserl et des disciples de celui-ci comme Scheler ; mais c’est à Paris, après sa thèse d’Etat sur Boehme, que Koyré devient un historien des sciences dans les années 30. On se rend compte que ses thèses les plus caractéristiques sont élaborées à cette période, comme en témoigne ce passage d’une conférence de 1936 : « à l’espace physique d’Aristote se substitue l’espace abstrait de la géométrie (espace archimédien) et le cosmos de la physique médiévale disparaît. C’est cette transformation des fondements qui permet et provoque l’éclosion de la physique classique (galiléenne et cartésienne) et non le donné expérimental, qui d’ailleurs n’est aucunement augmenté » (<i>De la mystique à la science. Cours, conférences et documents</i>, p. 39, cité p. 28)</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Néanmoins les contacts avec l’Allemagne, ainsi que les liens avec Scheler, conservent toute leur importance. Pour l’auteur de ce chapitre, c’est la fréquentation de Scheler qui aurait « porté Koyré à s’intéresser à la sociologie de la connaissance », et « qui a contribué aussi à faire de Koyré un historien de la science analytique, rigoureux, mais également capable de replacer les théories dans le contexte social de leur époque » (p. 46).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Kojève constitue une autre rencontre importante faite lors de voyages en Allemagne. Tous deux ont collaboré à la <i>Zeitschrift für Sozialforschung</i>, la revue fondée par Horkheimer. On y découvre que Koyré maîtrise parfaitement les problématiques sociologiques : il publie ainsi dans cette revue un <i>Bilan de la sociologie française contemporaine</i> (p. 52).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> L’article se conclut sur l’activité militante de Koyré face l’antisémitisme.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Le deuxième chapitre, « Unité de la pensée et intuition ontologique », est dû à G. Jorland, dont j’ai rappelé qu’il était l’auteur d’une monographie sur Koyré. Le titre de l’article s’inspire d’un extrait du texte de candidature au Collège de France : « dès le début de mes recherches, j’ai été inspiré par la conviction de l’unité de la pensée humaine, particulièrement dans ses formes les plus hautes » : ces formes les plus hautes, ce sont la philosophie, certes, mais aussi la religion et la science. Selon l’auteur, c’est à l’occasion de sa thèse de doctorat sur Boehme qu’il en vient à concevoir l’unité de la pensée comme unité de la théologie, de la philosophie et de la science. Il faut souligner la portée anti-positiviste de cette approche unitaire : « ce que le positivisme étalait dans la diachronie comme autant de stades de l’évolution de la pensée, la théologie, la métaphysique et la physique, Koyré a entrepris de l’embrasser d’un même regard dans la synchronie » (p. 62). On entrevoit une des thèses qui sous-tend tous les travaux d’histoire des sciences de Koyré : une pensée scientifique se déploie toujours à l’intérieur « d’un cadre d’idées, de principes, d’évidences axiomatiques, qui appartiennent en propre à la philosophie » (p. 62). D’où l’impossibilité de séparer la science de la philosophie.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Appelons ces idées et principes une intuition ontologique. Dès lors, « le travail de l’historien, quelle qu’en soit la discipline, revient selon Koyré à ressaisir l’intuition ontologique d’un penseur, qu’il soit mystique, philosophe ou scientifique, et à reconstruire sa pensée à partir de là » (p. 63).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> L’auteur propose ensuite d’examiner la mise en œuvre de cette affirmation : il présente tout d’abord des exemples étudiés par Koyré lui-même, Galilée et la loi de la chute des corps, et Descartes et le principe d’inertie. Puis il nous propose l’application de cette démarche à trois autres exemples, en s’efforçant de ressaisir l’intuition ontologique de Lavoisier, de Marx et de Pasteur.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Dans le troisième chapitre, A. Angelini part d’une conférence peu connue de Koyré sur Jean Hus (publiée seulement en 2008), pour effectuer, selon le titre du chapitre, un « parallèle méthodologique entre l’histoire des sciences et l’histoire des idées ». Pour effectuer un tel parallèle, l’auteur cite un passage de l’essai de Koyré « La gravitation universelle, de Kepler à Newton » (dans les <i>Etudes newtoniennes</i>) : « pour l’historien de la pensée scientifique, l’échec est souvent plus instructif encore que la réussite, car ce sont seulement ces <i>ratages</i> qui nous permettent de nous apercevoir de l’existence, de la puissance, des résistances qu’il a fallu surmonter » (<i>Etudes newtoniennes</i>, p. 11, cité p. 79). On peut appliquer à Hus cette vision de l’histoire comme « entrelacement d’idées, à l’intérieur duquel l’importance historique des vaincus n’est pas moindre que celle des vainqueurs » (p. 79).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> La suite de l’article expose comment, selon Koyré, ce « théologien modeste » a subverti l’ordre médiéval.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Le quatrième chapitre s’intéresse à la discussion par Koyré d’un texte de P.-M. Schul, <i>Machinisme et philosophie</i>, discussion que l’on trouve publiée dans les <i>Etudes d’histoire de la pensée philosophique</i> dans l’article « Les philosophes et la machines », et qui est prolongé dans l’important article « De monde de ‘l’à-peu-près’ à l’univers de la précision ». Alors que dans le premier article, Koyré entretient une distance mesurée à l’égard de l’analyse « psychosociologique » de l’émergence du machinisme que propose Schul, à laquelle il reconnaît néanmoins « une grande part de vérité » (<i>Etudes d’histoires de la pensée philosophique</i>, p. 323), dans le second article, le propos se place, nous dit l’auteur, « au-delà de toute perspective psychosociologique » (p. 107). Que faut-il entendre par ‘psychosociologique’ ? Schuhl s’intéresse à un changement de mentalité à l’égard des arts mécaniques, dont les protagonistes peuvent être aussi bien les bâtisseurs de cathédrales, que Léonard de Vinci, Boyle ou Diderot.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Pour quelles raisons le machinisme n’est-il pas né en Grèce il y a vingt siècles ? Est-ce une question de mentalité et que faudrait-il entendre par là ? La réponse se trouve-t-elle dans des analyses sociologiques sur la renaissance des villes et le développement des arts ? Koyré change de perspective en affirmant que « la science grecque ne pouvait pas donner naissance à une technologie véritable » (Koyré, cité p. 108) parce qu’il lui manque une physique véritable. Cela tient à l’importance de la division entre monde sublunaire et monde supralunaire : « le monde moderne accomplit un véritable geste révolutionnaire lorsqu’il se propose d’étendre le concept de la mesure et donc de la précision au monde sublunaire » (p. 109). Si la révolution technologique est dépendante de cette révolution scientifique, par contre « la pensée technique du sens commun ne dépend pas de la pensée scientifique » (Koyré, cité p. 109).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> La suite de ce chapitre confronte l’analyse de Koyré, qui met en œuvre une histoire ‘immanente’ de la science, à celle de Kuhn, autour notamment de la contribution de Bacon et la place à accorder au contexte culturel.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Ce chapitre nous introduit déjà à ce qui est le thème de la seconde partie, qui mérite bien d’être centrale : l’histoire et la philosophie des sciences.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Dans le premier chapitre de cette seconde partie, le spécialiste de philosophie médiévale J. Biard s’intéresse à la question du vide au Moyen Âge et au problème continuité / discontinuité en histoire des sciences. Le texte qui est analysé est l’article « Le vide et l’espace infini au </span></span><span style="font-size:13.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">XIV</span></span><sup><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">e</span></span></sup><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> siècle », qui se présente comme une réponse à Duhem. Il s’agit également ici d’interroger cette discussion Duhem / Koyré. Rappelons que Duhem, de manière très provocante, proposait comme date de naissance de la science moderne les condamnations de 1277 d’Etienne Tempier (ces condamnations auraient entraîné une rupture avec l’aristotélisme chez certains auteurs).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> <img alt="" class="media" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/.101721.1536978540_m.jpg" style="float: left; margin: 0px 1em 1em 0px; width: 275px; height: 364px;" />L’article propose de reprendre la question à partir d’un corpus maintenant mieux étudié : Biard reprend en effet, comme il le signale lui-même, des éléments développés dans un volume collectif sur <i>La nature et le vide dans la physique médiévale</i>. En conclusion, l’auteur nous donne une vision plus nuancée de l’aristotélisme médiéval, perçu comme obstacle à la fois par Duhem et Koyré. Cela permet de d’affirmer de manière convaincante que « le long effort de pensée qui précède l’émergence de la science classique ne se réduit pas […] à un face-à-face entre ‘aristotélisme’ et ‘platonisme’ »</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Dans le deuxième chapitre de la seconde partie, J.-J. Szczeciniarz, à qui on doit un savant ouvrage sur Copernic et la révolution copernicienne ainsi qu’un ouvrage sur le géocentrisme, propose de revenir sur la figure de Copernic dans l’œuvre de Koyré.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Cet article est aussi le lieu de quelques rappels sur la conception de l’histoire, ou plus précisément sur la manière dont, selon Koyré, « l’histoire est le lieu de réalisation de la rationalité » (p. 163). </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">Brenner mobilise ses compétences sur l’épistémologie française au tournant du 19<sup>ème</sup> et du 20<sup>ème</sup> siècle pour s’intéresser au rapport de Koyré avec ses prédécesseurs à travers l’opposition positivisme / réalisme (mais cette thématique reste finalement à l’arrière-plan dans le développement de l’article). Il s’agit donc de contextualiser l’œuvre de Koyré, de la resituer dans l’histoire. L’auteur trouve ainsi chez Tannery (que cite Koyré) l’esquisse d’un « programme que ses successeurs, dont Koyré, s’efforceront de remplir » (p. 174). Après ce rappel, l’article aborde la question incontournable du débat avec Duhem, dont on sait qu’il a minimisé l’importance de Galilée.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">A propos de Galilée, Koyré a fortement insisté sur le ‘platonisme’ de celui-ci : l’auteur revient donc sur « le rôle du platonisme en histoire des sciences ».</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">Enfin il faut se pencher sur les liens avec Bachelard, l’auteur décelant une « alliance [qui] marquera profondément l’épistémologie française dans sa spécificité : platonicienne, réaliste, discontinuiste et historienne » (p. 182).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""><img alt="" class="media" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/ob_2e2ff8_koyre.jpg" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" />L’article de B. Bensaude-Vincent s’intéresse à « Koyré disciple de Meyerson », en rappelant que cette relation à Meyerson est généralement occultée. Elle analyse donc les éléments biographiques attestant de cette relation. On ne saurait minimiser l’importance de cette dette intellectuelle, puisque Koyré semble « attribuer à Meyerson le tournant qu’il effectue au cours de sa carrière de l’histoire des religions vers l’histoire des sciences » (p. 191).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">Mais au-delà de ces données historiques et biographiques, elle relève que Meyerson et Koyré ont en commun d’avoir « tous deux éprouvé la fragilité des distinctions modernes entre science et religion ». Ils partageraient une même conviction concernant l’unité de la pensée humaine, ainsi que l’attention à son cheminement (y compris ses ‘erreurs’).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">L’article de Bensaude-Vincent se conclut en émettant un doute, suscité par son analyse des rapports avec Meyerson sur l’unité de la ‘tradition française d’épistémologie’ : « ces deux penseurs immigrés en France brouillent la belle ordonnance du paysage national ». L’article suivant, de Fruteau de Laclos, permet d’approfondir ce point, en mobilisant à nouveau la référence à Meyerson : « Koyré appartient-il à la tradition épistémologique française ? ».</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">On rappelle tout d’abord que cette ‘tradition épistémologique française’ s’emploie à « rendre raison de l’avènement situé et daté des inventions rationnelles », à l’encontre des approches anhistoriques des savoirs. Dès lors, n’est-il pas évident que Koyré appartient à cette tradition ? Mais l’auteur de l’article entend cerner plus précisément ce qu’il en est des rapports à Bachelard et Meyerson notamment, quitte à revenir finalement sur le caractère ‘français’ de cette approche historique. En effet, après avoir défendu l’image d’un « Koyré meyersonnien » (malgré les critiques de Koyré à l’encontre du continuisme en histoire des sciences), l’auteur dégage « une singulière tradition franco-analytique : Meyerson, Koyré, Kuhn » (p. 213). L’auteur ne s’arrête pas là et prolonge son investigation d’une manière plus surprenante à travers une dernière partie intitulée « la phénoménologie comme méthode d’investigation historique ». Néanmoins, il s’agit d’une « interprétation originale de l’entreprise phénoménologique » : « l’étude des sciences est l’analyse des structures humaines engagées dans les théories, et leur repérage est rendu possible par les innovations husserliennes comprises comme avancées méthodologiques ».</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">Le rapport à Kuhn, évoqué dans le chapitre précédent, est l’objet central de l’article de M. Ferrari. Celui-ci s’ouvre en rappelant que Kuhn a reconnu sa dette intellectuelle à l’égard de Koyré. Ce qui n’exclut évidemment pas des divergences : les principales concernent tout d’abord la composante expérimentale de la science moderne, minimisée chez Koyré (on se souvient de la formule très frappante : « la bonne physique se fait a priori »), ensuite l’absence d’intérêt, chez Koyré, pour la dimension sociale de la construction scientifique.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">Pour préciser les rapports Kuhn / Koyré, il faut évidemment analyser la notion de révolution scientifique. Or si <i>La révolution copernicienne </i>de Kuhn, qui paraît la même année que <i>Du monde clos à l’univers infini</i>, développe des thèmes très proche de ceux de Koyré, il faut noter que <i>La structure des révolutions scientifiques</i> opère un déplacement important par rapport à ce dernier ouvrage. En effet, il ne s’agit plus « d’histoire des sciences au sens de Koyré, mais [d’]une problématisation de la <i>dynamique</i> des théories scientifiques », particulièrement attentive au fonctionnement de la communauté scientifique. Mais cela ne signifie certainement pas que l’influence de Koyré n’est pas présente dans cet ouvrage, comme s’attache à le montrer la fin de l’article.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">La troisième partie, « Koyré historien de la philosophie » s’ouvre sur un article de Redondi, auteur d’un livre très remarqué sur Galilée : « Une revanche de Platon laissée dans l’ombre : Koyré et le Dieu de Galilée » (au passage, relevons que le titre de cet article est une parfaite illustration du caractère artificiel d’une séparation entre Koyré historien des sciences et Koyré historien de la philosophie!).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> L’idée d’interdépendance entre les concepts philosophico-théologiques et ceux d’ordre physico-mathématique constituerait l’héritage le plus novateur de Koyré – novateur à tel point que Koyré lui-même n’aurait reconnu la valeur de cette intégration entre métaphysique, théologie et science qu’au terme de son parcours. C’est ce qu’il s’agit de montrer en suivant l’évolution de Koyré sur un point particulier, la doctrine galiléenne de la création de l’univers.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Pour traiter cette question, l’auteur remonte à Copernic, où il décèle une nouvelle alliance entre astronomie mathématique et créationnisme chrétien : dans la « proportion mathématique régissant la structure cosmique, Copernic contemple la perfection de la création divine de l’univers » (p. 249). Mais il ne propose aucune hypothèse sur la manière suivant laquelle Dieu a réalisé cette harmonie, tandis que Kepler et Galilée envisageront « des hypothèses précises sur le processus cosmogonique ayant déterminé cette loi proportionnelle fondamentale de l’ordre des planètes ». La section suivante décrit l’usage du <i>Timée </i>par Kepler et Galilée. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Selon l’auteur, Koyré n’aurait tout d’abord vu dans cette cosmogonie platonicienne du <i>Dialogue </i>de Galilée qu’un moyen de combattre la philosophie naturelle aristotélicienne. Puis, il aurait pris de plus en plus au sérieux cette référence platonicienne et l’idée que les considérations de croyance religieuse jouaient un rôle important dans la science galiléenne.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> E. Faye nous propose ensuite un article sur « pensée et infini : la lecture philosophique de Descartes par Koyré, son évolution, sa réception et ses enjeux ». Selon lui, il y a une évolution nette, qui n’exclut pas des continuités, dans la façon dont Koyré lit Descartes en 1922 (<i>Essai sur l’idée de Dieu et les preuves de son existence chez Descartes</i>) et en 1937 (<i>Entretiens sur Descartes</i>) : dans le premier texte, Descartes est présenté comme un continuateur de la tradition médiévale, dans le second, il fait référence à l’ombre de Montaigne.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> A propos du premier texte, Faye souligne que Koyré a le mérite d’envisager Descartes comme un grand métaphysicien (alors que pour Gilson, la métaphysique cartésienne avait surtout une dimension stratégique et instrumentale, visant à rendre acceptable sa physique). Il reproche ensuite à Koyré d’avoir faussé la conception cartésienne de la connaissance de l’être infini, tout en reconnaissant qu’il a perçu ce qu’il y a de novateur dans la pensée cartésienne de la positivité de l’être infini. Le point essentiel est toutefois que Koyré pointe que, chez Descartes, la réflexion sur l’infini porte la marque de ses travaux mathématiques : nous avons ainsi affaire à une interprétation de la pensée métaphysique qui conjugue « l’influence d’une tradition philosophico-religieuse et celle d’une pratique scientifique » (p. 268).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Faye retrace ensuite la postérité curieuse de ce texte, traduit en allemand notamment par Edith Stein et cité par Husserl. Or, c’est précisément la positivité de l’infini mise en avant par Koyré qui inspire la critique de Heidegger par E. Stein. Elle reproche en effet à Heidegger de « recule[r] devant ce qui donne sens à l’être et ce que vise toute compréhension de l’être : l’infini sans quoi rien de fini, ni le fini comme tel, n’est saisissable » (p. 276 – il s’agit d’une citation de Stein, <i>Phénoménologie et philosophie chrétienne</i>, p. 121). La lecture de Koyré aurait également pu influencer Lévinas.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Si en 1922 Koyré insiste sur les rapports entre Descartes et la scolastique médiévale, en 1937 il écrit : « l’adversaire, c’est aussi, et peut-être surtout, Montaigne. » Or, ce qui est récusé sous le nom de Montaigne, selon Koyré, c’est une pensée qui s’en tiendrait à la finitude. Ceci permet à Faye d’établir un lien entre la lecture de Descartes et le rapport de Koyré à la pensée heideggerienne de la finitude.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> La lecture de Descartes par Koyré est également au centre de l’article d’A. Guimaraes Tade de Soares sur « Koyré et l’idée de monde chez Descartes ». L’auteur se penche sur l’affirmation de Koyré selon laquelle Descartes opérerait une destruction complète du cosmos. Cette destruction serait corrélative d’un mouvement de retour à soi : « Après Descartes, il faut toujours commencer par la conscience » (p. 293). Et ce retour nous reconduit à Dieu, à l’infini, dont on trouve l’idée dans la conscience. On retrouve l’imbrication des idées scientifiques, religieuses et philosophiques.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Le dernier article du volume est dû au coordinateur J. Seidengart et est intitulé « Le projet philosophique de Koyré : une histoire de la cosmologie scientifique ». La pensée cosmologique classique est en effet un des domaines de prédilection de Koyré, où se manifeste « l’unité de la pensée humaine ». En effet, la révolution cosmologique serait, pour Koyré, à la fois « le point de départ et le point d’arrivée d’une transformation d’ordre intellectuel […], qui est survenue dans la manière de penser les rapports de l’homme à Dieu et à l’univers » (p. 304).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Quant à la caractérisation de la révolution cosmologique constitutive de l’instauration de la science moderne, Koyré retient deux critères bien connus : la destruction du Cosmos fini et géocentrique ; l’infinitisation et la géométrisation de l’espace physique. Or ces deux critères, bien qu’énoncés dans <i>Du monde clos à l’univers infini</i>, « ne sont pas directement présent à l’œuvre chez les auteurs qu’il évoque dans sa célèbre synthèse » (p. 306). Plus que de critères, il faudrait y voir « deux termes extrêmes qui viennent délimiter ou encadrer […] son histoire de la cosmologie classique ». L’auteur repère alors une tension entre « ses études historiques particulières et sa philosophie générale de la science classique ».</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> La suite de l’article nous propose un rappel de quelques traits essentiels de l’histoire de la révolution cosmologique selon Koyré, un rappel qui ne cache pas que les analyses de l’ouvrage <i>Du monde clos à l’univers infini</i> peuvent nous laisser perplexes dans la mesure où la révolution scientifique peut y apparaître « introuvable » selon un mot de Coumet. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> L’article se termine en se posant la question de savoir « si Koyré voyait dans la science contemporaine un simple prolongement de la révolution scientifique des 16<sup>ème</sup> et 17<sup>ème</sup> siècles ». La question se pose dans la mesure où Koyré semble avoir considérablement minimisé l’importance de la coupure épistémologique effectuée par la physique du 20<sup>ème</sup> siècle. Koyré tient ainsi à considérer la physique d’Einstein comme inspirée par une méditation métaphysique, comme cela pouvait être le cas pour Leibniz, par exemple. Néanmoins l’auteur nous rappelle que la pensée de Koyré reste nuancée quant au problème de la continuité : « n’est-il pas vain, en général, de vouloir établir, dans la continuité du devenir historique, des divisions quelconques ? […] Il ne faut pas, cependant, abuser de l’argument de la continuité » (Koyré cité p. 318).</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> Le volume se clôt avec un inédit de Koyré présenté par J. Seidengart. Il s’agit d’un cours sur Galilée, donné au lycée Louis-le-Grand en 1946, donc à une époque où Koyré a déjà publié ses travaux érudits sur Galilée.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"> </p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"> </p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman""> En conclusion, ce volume est une mine d’informations dans la mesure où il contient non seulement des présentations et des discussions subtiles des travaux de Koyré et de l’élaboration progressive de sa pensée, mais également des éléments de réflexion stimulants sur des penseurs comme Meyerson, par exemple.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"> </p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"><span style="font-size:16pt"><span style="text-autospace:none"><span style="font-family:"Book Antiqua""><span style="font-size:15.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman"">Jonathan Racine.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"> </p>
<p style="margin:0cm 0cm 0.0001pt; text-align:justify"> </p>Guenancia, Perrot & Wunenburger, « Bachelard et Canguilhem », Dijon 2016, lu par Alexandre Kleinurn:md5:e815884f44c0cab38c3c9a80a8b741bc2017-07-31T06:00:00+02:002017-10-25T16:00:39+02:00Baptiste KlockenbringÉpistémologieBachelardCanguilhemDagognetEpistémologieHistoire des sciencesSciences<p style="text-align: justify;"><strong>Pierre Guenancia, Maryvonne Perrot et Jean-Jacques Wunenburger, <em>Cahiers Gaston Bachelard</em>, n°14, « Bachelard et Canguilhem », Dijon, UB/ Centre Bachelard-Centre Georges Chevrier, 2016, 227 p., lu par Alexandre Klein.</strong></p>
<p style="text-align: justify;"> </p>
<figure style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;">
<figure style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;">
<p style="text-align: justify;"><img alt="Bachelard.jpeg" class="media" height="218" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/Bachelard.jpeg" width="167" /></p>
<figcaption>
<p style="text-align: justify;"> </p>
</figcaption>
</figure>
<figcaption>
<p style="text-align: justify;"> </p>
</figcaption>
</figure>
<p style="text-align: justify;">Les <em>Cahiers Gaston Bachelard</em> ont été créés en 1998 à l’initiative de l’Association des amis de Gaston Bachelard et du Centre Gaston Bachelard de recherches sur l’imaginaire et la rationalité de l’Université de Bourgogne. Leur objectif était, comme le signalait Jean-Jacques Wunenburger dans l’éditorial du premier numéro, de « renouer le dialogue » entre des universitaires qui avaient quelque peu délaissé l’œuvre du philosophe et un public qui y trouvait au contraire une source riche de réflexions et d’opportunités. Il s’agissait, autrement dit, « de soutenir et d’amplifier une approche universitaire de l’œuvre en transmettant aux chercheurs l’enthousiasme des bachelardiens non académiques et, en sens inverse, de lester ou de corriger les savoirs souvent intuitifs des fervents adeptes par des éclairages plus savants et érudits ». Dix-huit ans plus tard, nul doute que les <em>Cahiers</em> ont atteint leur ambition de s’imposer comme une « référence obligée pour toute étude du bachelardisme ».</p> <p>Après plusieurs années de numéros thématiques, étudiant les liens du philosophe aux arts, à l’écriture, à la psychanalyse, à la physique, à la phénoménologie ou à la pensée allemande, les <em>Cahiers</em> se penchent, pour leur quatorzième numéro, sur la filiation à la fois institutionnelle et intellectuelle qui unit Bachelard au philosophe Georges Canguilhem. Les deux hommes, qui se sont succédés à la tête de l’Institut d’Histoire des Sciences et des Techniques de Paris, partageaient également des vues philosophiques et méthodologiques. Comme l’avait déjà montré Guillaume Le Blanc, l’épistémologie historique de Canguilhem suppose en effet celle de Bachelard. Mais les interactions entre les pensées des deux hommes ne s’arrêtent pas là, comme en témoigne ce numéro consacré à l’exploration de certaines de ces liaisons, mais aussi à la figure et à la pensée d’un troisième philosophe, fortement lié aux deux premiers et récemment disparu : François Dagognet. Ainsi, au-delà de la relation du <em>Cang</em> à son maître, c’est une plongée dans les arcanes de la tradition d’épistémologie française que nous propose ce nouveau numéro des <em>Cahiers Gaston Bachelard</em>. </p>
<p>Après une courte préface des trois directeurs de la revue, le dossier « Bachelard et Canguilhem », s’ouvre par un long et passionnant article de Jean Gayon sur l’Institut d’histoire des sciences. Celui qui en est aujourd’hui à la tête revient sur le passé de cette institution qui fut au cœur du développement de l’histoire et de la philosophie des sciences de tradition française. À partir de nombreuses archives, il retrace tout d’abord le contexte ainsi que les débats qui ont entouré la création de cet Institut, puis s’attache à suivre ensuite le développement de l’institution autour de ses trois premiers directeurs. À la période faste d’Abel Rey (1932-1940) succède ainsi une période moins active marquée par la guerre et par la direction de Bachelard (1940-1955). Ce n’est finalement qu’avec l’arrivée en 1955 de Georges Canguilhem que l’Institut connaitra un dynamisme nouveau qui lui permettra de s’imposer définitivement dans le paysage universitaire français comme une institution incontournable tant en termes d’enseignement que de recherche. À partir de 1971, date du départ en retraite de Canguilhem, l’histoire de l’Institut sera celle de mutations institutionnelles multiples, que ce soit du fait de la transformation des universités parisiennes ou du rattachement au CNRS, mais aussi de transformations intellectuelles profondes, la logique et la philosophie analytique s’étant progressivement imposées au détriment de l’histoire des sciences et des techniques. Cette riche histoire de l’Institut de la rue du Four permet d’offrir un regard original sur l’histoire de l’histoire des sciences en France et sur l’une des filiations existant entre Bachelard et Canguilhem.</p>
<p>Le second article du dossier est un extrait de l’ouvrage de Claude Debru paru en 2004 et intitulé <em>Georges Canguilhem, science et non-sciences</em>. Dans ce texte, le philosophe revient sur la filiation intellectuelle entre les deux hommes, plus spécifiquement en ce qui a trait à cette question de la science et de la non-science. Analysant trois textes essentiels de Canguilhem, sur l’idéologie scientifique, l’objet de l’histoire des sciences et le rôle de l’épistémologie dans l’historiographique scientifique, Debru y repère les continuations et les écarts qui unissent la pensée de Canguilhem à celle de Bachelard. Robert Damien poursuit cette analyse, dans le texte suivant, en proposant une très belle mise en parallèle de la rationalité vitale mise en œuvre et en question par Bachelard avec la normativité vitale proposée par Canguilhem. Il montre qu’entre la vitalité bachelardienne de la raison et la rationalité canguilhémienne de la vitalité s’établit un couple polémique, mais que c’est bien, au final, « la vie bachelardienne de la connaissance [qui] permet de penser, avec Canguilhem, la connaissance de la vie dans sa tension, son intensité, ses intentions » (p. 86).</p>
<p>Marly Bulcao de l’Université de Rio de Janeiro propose dans l’article suivant de revenir sur la conception de l’histoire des sciences de Bachelard, de Canguilhem, mais aussi de François Dagognet. En mettant en parallèle et en dialogue ces trois penseurs, son texte offre une perspective globale sur cette tradition française d’histoire des sciences que les trois hommes ont, différemment, mais tout aussi magistralement, incarnée. Carlo Vinti de l’université de Pérouse poursuit ce travail en proposant ensuite une analyse précise de la conception et du rôle de l’histoire des sciences chez Bachelard puis chez Canguilhem. Finalement, Ioan Biriş de l’Université de Timişoara propose de reconstruire un dialogue qui n’a jamais eu véritablement lieu en comparant les positions de Bachelard et Canguilhem à celles de Carnap et de Quine, autour de la question du holisme des concepts scientifiques. Il met ainsi en lumière des voies de passages et d’accord entre les deux traditions, continentale et analytique, que l’on a trop souvent tendance à opposer. </p>
<p>À la suite de ce dossier, les directeurs des <em>Cahiers Gaston Bachelard</em> ont choisi de souligner la disparition, en octobre 2015, de François Dagognet, en incluant une section « <em>In memoriam</em> » où Gérard Chazal, un de ses anciens élèves, rend hommage au philosophe. Enfin, avant la section « Varia » qui présente des articles portant uniquement sur l’œuvre de Bachelard (ici deux articles sur l’imagination et un sur le symbolisme) et l’habituelle section bibliographique, la section « Documents » se penche encore sur Bachelard et Canguilhem en présentant la reproduction de deux lettres inédites. La première de François Dagognet à Gérard Chazal datée de 2004 donne à voir l’avis éclairé du maître sur les travaux récents de son disciple. La seconde est une lettre de Georges Canguilhem à Maryvonne Perrot, datée de 1987, concernant le livre-hommage sur Jean Brun qu’elle lui avait fait parvenir et une étude informatisée du vocabulaire de Bachelard. Canguilhem s’y réjouit notamment de voir que le terme « Vie » y est plus représenté, avec 258 occurrences, que le terme « Rêve » qui n’en a que 200.</p>
<p>Au final, même si les travaux sur Canguilhem et sur ses liens avec Bachelard sont aujourd’hui légions, ce volume participe à en rappeler l’importance, tout en en dévoilant des pans jusqu’alors peu connus. En outre, la volonté dont il témoigne d’inscrire François Dagognet dans ce dialogue participe, au-delà de l’enjeu mémoriel, à réaffirmer à la fois la continuité de ce style français incarné par Bachelard et Canguilhem et son irréductible diversité. Souhaitons que cette démarche des plus positives se poursuive dans un prochain numéro où pourront être abordés les peut-être moins connus et plus rarement étudiés échos bachelardiens, et pourquoi pas aussi, canguilhémiens, de l’œuvre du très regretté François Dagognet. </p>
<p> </p>
<p> </p>
<p align="right">Alexandre Klein</p>