oeil de minerve ISSN 2267-9243 - Mot-clé - DroitRecensions philosophiques2023-12-27T09:56:23+01:00Académie de Versaillesurn:md5:b5151268a8c1e471830557044d755c66DotclearRobert Castel, La montée des incertitudes, Points Essais, Seuil, Paris 2013, lu par Philippe Blancurn:md5:666aaec3cb74773c03ec10a823c0d9ed2014-02-07T06:00:00+01:002014-02-07T18:59:01+01:00Romain CoudercSociologiecapitalismeDroitEtatIndividuTravail<p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 12pt;"><strong><span style="font-size: 10pt; font-family: 'Lucida Grande';" lang="EN-US"><img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/fevrier14/.montee_t.jpg" alt="" title="montee.png, janv. 2014" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" />Robert Castel,<em> La montée des incertitudes</em>, Points Essais, Seuil, Paris, 2013, 457 pages.</span></strong></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-size: 10pt; font-family: 'Lucida Grande';" lang="EN-US">Dans cet ouvrage composé de textes s’échelonnant de 1995 à 2008, Robert Castel nous propose un plaidoyer pour la défense du droit du travail et de la protection sociale à partir d’une analyse historique, remarquablement synthétique, de l’évolution juridique et socio-économique de la condition salariale.</span></p> <p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Robert Castel reconnaît avoir choisi délibérément de
privilégier ce registre d’analyse centré sur les contraintes objectives qui
pèsent sur les acteurs sociaux pour mieux accéder à ce qu’ils éprouvent et à ce
qui les motive, seul moyen selon lui, de prendre la mesure de leurs réelles
capacités de résistance par laquelle ils peuvent conquérir, y compris dans des
situations extrêmes, une sorte de souveraineté en tant qu’individus.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">C’est ainsi que ce qui apparaît être au cœur de sa
réflexion, y compris dans sa dimension philosophique, est sans nul doute,
la question de l’individu, de sa nature, de sa valeur et de son statut dans le
cadre de la société libérale, originellement établis et fondés dans la doctrine
politique de John Locke en particulier. Le traitement spécifique de cette
question dans le cadre des évolutions de la société post-industrielle fera
l’objet du long et magistral chapitre de conclusion : « le défi de
devenir un individu : esquisse d’une généalogie de l’individu
hypermoderne ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"><img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/fevrier14/.9782757834398_m.jpg" alt="" title="9782757834398.jpg, janv. 2014" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" /> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Dans la première partie de l’ouvrage « Les
dérégulations du travail », R. Castel décrit l’évolution positive du droit
du travail jusqu’à son point de bascule vers une spirale régressive amorcée dès
les années 1970 qu’il appelle « la grande transformation ». Nous
sommes entrés dans un nouvel âge du capitalisme, essentiellement caractérisé
par l’hégémonie croissante du capital financier qui attaque de front les
régimes de protection sociale et par l’apparition de mutations technologiques
qui affectent de manière profonde l’organisation du travail et la nature du travail
salarié (se substitue progressivement au salarié protégé, le « prestataire
de service » qui négocie lui-même à ses risques et périls ses conditions
d’emploi).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">R. Castel montre d’emblée l’enjeu de cette évolution,
en centrant son analyse sur la question du droit du travail, en montrant
comment et pourquoi il a été progressivement institué. Du monde préindustriel
de l’ancien régime où coexistent deux juridictions contradictoires entre
l’obligation du travail pour tous y compris les « gens de peine et de
bras » et la fermeture du régime des corporations (les métiers réglés)
condamnant la plupart d’entre eux à la mendicité et au vagabondage, on est
passé à un régime contractuel censé améliorer la condition des travailleurs,
libérer la dynamique économique et fonder la relation de travail sur un
principe de réciprocité. On connait les effets négatifs de cette évolution et
en quoi finalement l’ordre contractuel n’était que la couverture d’un rapport
de force réduisant une majorité de salariés à vivre dans une situation pas très
éloignée de leurs ancêtres sous l’Ancien Régime, et donc susceptible par là
même, de présenter un risque dommageable pour l’ordre social et la
garantie qu’il représente pour le développement de la production et des
échanges, c'est-à-dire au fond pour l’intérêt des classes possédantes :
« classes laborieuses, classes dangereuses ». C’est ainsi qu’à
travers de longues et tumultueuses luttes sociales, le régime contractuel du
salariat est devenu un régime statutaire. Le contrat individuel de travail
s’est vu progressivement entouré et traversé de protections collectives
garanties par la loi. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">On le voit, pour R. Castel, la question de
l’intégration sociale et donc de la nature et des conditions de la citoyenneté
apparait cruciale. C’est pourquoi, sans méconnaître la nécessité d’une
évolution imposée par les changements provoqués par les mutations du
capitalisme post-industriel, il entend dénoncer la remise en question du droit
du travail et de la protection sociale qu’elles sembleraient légitimer. Il
s’attaque tout d’abord au mythe de « la fin du travail », puis à
l’idée que les jeunes générations chercheraient hors du travail, de nouvelle
manière de s’intégrer socialement et de s’épanouir individuellement et enfin à
l’idée que l’emploi « dérégulé » serait plus adapté aux nouvelles
exigences du monde économique.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Sur le premier point, il fait remarquer que
statistiquement le nombre des salariés n’a pas diminué mais plutôt augmenté,
qu’on assiste à une intensification des tâches et un surinvestissement au
travail, à une augmentation des heures supplémentaires et à un ralentissement
de la réduction du temps de travail. Le développement de l’emploi précaire et
non protégé montre que ce n’est pas l’emploi qui manque, mais un certain type
d’emploi dérégulé et non protégé qui s’impose. Ce sont donc les risques sociaux
qu’il génère qu’il convient d’évaluer et de prévenir par une protection sociale
adaptée, car il n’existe pas d’alternative consistante au travail pour assurer
l’indépendance économique des individus et leur intégration sociale.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">C’est ce que prouve le rapport des jeunes au travail,
qui contrairement aux idées reçues sont très attachés à la « valeur
travail ». Des études montrent que celle-ci demeure pour eux, une
« valeur prioritaire classée juste après la famille, avant l’amour et les
valeurs plus hédonistes comme l’argent et la sexualité » ; de plus la
sécurité de l’emploi l’emporte pour eux sur l’intérêt au travail.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Enfin, R. Castel montre que l’instabilité de l’emploi
n’est pas forcément compatible avec les exigences d’un système économique
prônant la concurrence exacerbée des individus qui doivent, pour rester
« concurrentiels » justement, acquérir, entretenir, renouveler des
compétences professionnelles, ce qui n’est pas sans nécessiter une forme de
stabilité pour garantir l’efficacité du processus. De ce point de vue, il
paraît nécessaire de transposer sur la personne du travailleur les droits lui
garantissant un minimum de sécurité, de « donner un statut au travailleur
mobile » selon l’expression d’Alain Supiot. Renoncer à instituer ce type
de dispositif aboutirait à transformer en simple assistanat, la solidarité dans
sa capacité propre à « assurer une interdépendance organique entre les
membres de la société » en permettant que chacun soit pourvu de « ce
minimum de ressources et de droits communs qui constituent leur citoyenneté
sociale ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Dans la deuxième partie de l’ouvrage : « les
reconfigurations des protections », R. Castel analyse la notion de
« protection sociale » et son évolution au cours de l’histoire. Pour
répondre à la question : « qu’est-ce qu’être protégé ? »,
il propose une analyse comparative et historique de l’émergence du
développement et du déclin de l’Etat social.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> Au fond la question se
subdivise entre : qui doit être protégé ? et, qui est en charge de
cette protection ? Historiquement c’est le schéma
« assistantiel » et non « assurantiel » qui est premier,
c'est-à-dire le secours aux nécessiteux pris en charge par une grande variété
d’acteurs laïques ou religieux, implantés localement, avant une prise en charge
par l’Etat telle que l’exige par exemple, la Convention en 1794, comme
reconnaissance d’« une dette sacrée de la Nation à l’égard des
citoyens malheureux ». Mais qui est nécessiteux ? celui qui ne peut
subvenir à lui-même et à sa famille parce qu’il est invalide et ne peut
travailler ou parce qu’il est pauvre ? Cette distinction est cruciale ici
et permet de distinguer les deux rôles dévolus à l’Etat social : les
secours d’une part et la protection du travailleur de l’autre. Jusqu’à une date
très récente nous dit R. Castel, l’aide sociale a laissé « hors de son
champ ceux dont la capacité de travail était intacte ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">C’est par le développement du salariat au début de
l’ère industrielle, et donc sous l’influence de facteurs conjoints,
technologiques et sociologiques que l’Etat social est conduit à prendre
progressivement en charge la protection des travailleurs laissée auparavant aux
bons soins paternalistes et philanthropiques du patronat ; cette position
« arbitrale » ayant été contestée aussi bien par la droite libérale
qui voyait dans cette intervention une ingérence insupportable dans le domaine
« privé », que par la gauche marxiste voyant dans cette prise en
charge une soumission à l’ « ordre bourgeois ». L’Etat
n’intervient pas dans le processus de production, mais il réduit l’arbitraire
dans les relations employeurs/employés (la première loi sur les retraites est
votée en 1910). Le travailleur non-propriétaire accède à la propriété sociale
qui est « comme un minimum de propriété » qui assure un minimum
d’indépendance, lui permet de jouir d’une certaine liberté et d’être un citoyen
comme les autres. Ce programme est parachevé par les gouvernements de
l’après-guerre et en particulier par l’institution de la Sécurité Sociale qui
s’étend à presque toute la population. Cette extension est corrélative de
l’extension du salariat (86% de la population active en 1975). Cette dynamique
d’expansion des protections, par laquelle l’Etat constitue et garantit la
« solidarité organique » de la société culmine vers le milieu des
années 1970.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Ce sont les trois piliers de cet « Etat
social » qui vont commencer à être ébranlés à partir des années 80, par le
nouveau régime du capitalisme post-industriel : la relative autonomie de
cette structure, la consistance du statut de l’emploi et la force et l’étendue
des services publics. Les deux facteurs conjoints de la construction européenne
et de la mondialisation tendent inéluctablement à déposséder les
Etats-Nations de la maîtrise des paramètres de leur développement économique et
en particulier sur l’ensemble des dispositifs juridico-administratifs qui
peuvent faire obstacle à la compétitivité dans un contexte de concurrence
exacerbée ; d’où le développement de la précarisation des relations de
travail, du chômage de masse, du basculement des services publics vers le
secteur marchand. R. Castel remarque ainsi deux « décrochages »
significatifs du rôle initial de l’Etat social générés par ce contexte ;
le premier, à travers les politiques de décentralisation, l’Etat se retire de
l’action et l’organisation directe de l’action sociale pour se cantonner à un
rôle de simple animation ou d’impulsion de politiques locales ; le second,
à travers la mise en œuvre de politiques dites « d’activation des dépenses
passives » qui consistent à n’accorder de prestations qu’à certaines
conditions, c'est-à-dire dans une logique de « contrepartie » :
des allocations chômage allouées à proportion de l’engagement à s’investir
« activement » dans la recherche d’un emploi, ou comment la
« responsabilisation » du demandeur d’emploi conduit à le tenir pour
responsable de sa situation.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> R. Castel s’intéresse
ensuite à l’évolution du « travail social » et à la manière dont le
secours aux populations « reléguées » est progressivement conçue et
mise en œuvre dans ce même cadre socio-historique. Ce point est essentiel car
on ne peut définir l’Etat social par son seul rôle de redistributeur, mais par
son action concrète pour lutter contre la misère et les risques sociaux. Son
analyse prépare ici la troisième partie de l’ouvrage consacrée au processus
qu’il appelle « désaffiliation », c'est-à-dire à la manière dont est
générée et entretenue une forme de « marginalisation » de certaines
populations dans le cadre socio-économique du capitalisme post-industriel.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> De son origine privée
et religieuse, le travail social dans fonction d’assistance s’est
progressivement structuré et organisé à travers des institutions publiques
prenant en charge délinquants et handicapés. Sa fonction de réparation et
d’intégration sociale a fait l’objet de fortes critiques comme ne constituant
en réalité qu’une forme de contrôle social à la disposition du pouvoir
politique ; paradoxalement fait remarquer R. Castel ce serait son
impuissance sur ce rôle initial qu’on lui reprocherait actuellement.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> Fondamentalement les
difficultés rencontrées par l’action sociale reposent sur le fait que sont mis
à mal les collectifs structurés auxquels les individus « relégués »
avaient vocation à être réintégrés et en particulier les collectifs de travail,
assortis de leurs organisations (syndicats, associations
professionnelles) et de leurs protections sociales propres : l’individu
déjà « intégré » en quelque sorte est de plus en plus laissé à
lui-même dans la gestion de sa carrière. Il faudrait donc que le rôle
intégrateur du travail social fonctionne paradoxalement dans ce schéma
« individualiste » : c’est pourquoi, à terme la finalité
socio-politique de son mandat se transforme en traitement psycho-relationnel
des difficultés de ses potentiels bénéficiaires. On retrouve ici le schéma
rencontré précédemment dans la mise en œuvre de l’ « activation des
dépenses passives ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> Cette réflexion sur
l’évolution de la protection sociale conduit R. Castel, en particulier dans un
passage très suggestif et éclairant où il se réfère à Hobbes, à formuler
le véritable enjeu de la question : comment peut-on véritablement exister
en tant qu’ individu ?: « Les analyses de Thomas Hobbes n’ont
sans doute pas été assez prises au sérieux à cause de la conception effrayante
de l’Etat (le Léviathan) qu’il a construite sur le modèle de l’absolutisme
royal qu’il voyait de mettre en place sous ses yeux. Il est vrai que l’Etat de
Hobbes est un Etat absolu qui présente une figure repoussante du pouvoir. Mais
c’est aussi le seul garant de la paix civile, du développement des arts, du
commerce et de l’industrie. A l’ombre du Léviathan, les individus sont asservis
politiquement, mais ils sont libres dans leurs pratiques privées et dans leurs
pratiques sociales, grâce à l’Etat ils peuvent être des individus. L’existence
des individus en tant qu’êtres capables de conduire leur vie dans un cadre
régulé et protégé suppose l’existence d’un Etat ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> C’est pourquoi par
rapport aux effets désintégrateurs, tant au niveau de l’individu que de la
société, de l’évolution du capitalisme, R. Castel veut promouvoir ce qu’il
appelle un « réformisme de gauche » qui permettrait de préserver les
forces libératrices du marché en restant intransigeant sur la référence au
droit et au rôle de la puissance publique comme ultime garant de la cohésion
sociale.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> Dans la troisième et
dernière partie de l’ouvrage R. Castel étudie la question de la spécificité du
mécanisme de désintégration sociale provoquée par le nouvel âge du capitalisme,
à savoir les phénomènes de marginalisation et d’exclusion qui lui sont
propres ; il caractérise cette spécificité par ce qu’il appelle « la
désaffiliation » dont il trouve le paradigme dans l’histoire de Tristan et
Yseut qui selon lui présente autant de séquences d’une même expérience de
désengagement social. Les personnages, sans se présenter comme des
transgresseurs de l’ordre social, sont amenés à une répétition de décrochages
par rapport à lui ; leur amour n’a plus aucun support possible dans la vie
sociale ; il ne régule pas des successions et des partages, ne s’inscrit
pas dans des stratégies sociales et matrimoniales, et ne donne pas lieu à une
descendance. Ce roman de la désaffiliation illustre le problème de ceux qui
sont conduits à vivre sans les supports négociables que peuvent offrir les
structures de régulations sociales.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> Une des figures prise
par la désaffiliation est celle du marginal : celui qui a rompu les
amarres par rapport à sa communauté d’origine, qui vit au gré d’opportunités
qu’il saisit hors du cadre patrimonial et professionnel, dans une forme
d’instabilité permanente quant à ses relations sociales et affectives ; contrairement
au pauvre qui reste intégré à l’ordre du monde, le marginal est une sorte
« d’étrange étranger » dont l’existence peut tout autant susciter la
répulsion que l’attirance . C’est pourquoi pour R. Castel, il convient de
distinguer avec précision la marginalité de l’exclusion, surtout afin de
démasquer comme il le montrera par la suite l’usage discutable de ce deuxième
concept dans les politiques sociales dites de « lutte contre
l’exclusion ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> On peut caractériser la
marginalité comme l’effet distinct de deux logiques sociales : l’une
d’exclusion, à l’origine forme de séparation « instituée » par des
procédures ou des rituels appuyés sur des règles (frappant par exemple les
criminels, les hérétiques ou les fous), l’autre de stigmatisation des
populations vulnérables. Ainsi l’exclusion n’est pas la marginalisation, bien
qu’elle puisse y conduire, car le processus de désocialisation que génère la
marginalisation a pour cause l’impossibilité de construire des positions
assurées dans un type de société.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">La marginalisation est donc une production sociale qui
trouve son origine dans les structures de base d’une société, dans
l’organisation du travail et des divers rôles sociaux. Or au début de la
révolution industrielle, on peut remarquer que le processus de production qui
lui est propre a été paradoxalement pris en charge par des populations aux
conditions de vie propres à la marginalité, ces « prolétaires campant au
milieu de la société occidentale sans y être casés ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Cette situation du prolétariat originel, qui
deviendra « la classe ouvrière » nous fait comprendre que toute
restructuration d’une société entraîne nécessairement une marginalisation de
certains groupes sociaux. On peut comprendre ainsi comment les transformations
actuelles du capitalisme engendrent de nouvelles formes de marginalité à
travers la mise en instabilité par le chômage et la précarité, de groupes
précédemment intégrés : la dérégulation des rapports de travail conduisant
par exemple une part significative de la jeunesse pour sortir de « la
galère » à chercher des ressources dans la débrouille et les expédients
(solidarité familiale, aide sociale et parfois un peu de délinquance). Cette
situation interroge très profondément la structure sociale dans son ensemble, car
les tentatives de réponses sociales (politiques de réinsertion diverses) à
cette nouvelle marginalité, bien que nécessaires restent fragiles.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> Mais pour caractériser
cette situation et tenter d’y remédier, c’est le terme
« d’exclusion » qui s’est imposé institutionnellement, et dont R.
Castel note d’emblée la faiblesse sur le plan analytique et pratique. Il peut
en effet s’applique à des situations aussi différentes que celle d’un chômeur
de longue durée reclus chez lui, qu’à celle d’un jeune « glandeur » dont
l’existence à tous vents est toute d’extériorité ; l’un est menacé par la
dépression, l’autre guetté par la délinquance. Ainsi le terme d’exclusion nomme
un manque sans dire en quoi il consiste et d’où il provient. En réalité dans la
plupart des cas « l’exclu » est un désaffilié dont la
trajectoire est faite d’une série de décrochages par rapport à des équilibres
antérieurs et de ce point de vue focaliser l’attention sur
« l’exclusion » nous rend aveugle sur le fait que ce sont bien des
processus continus et spécifiques qui y conduisent et nous rend impuissants à
agir pour juguler cette vulnérabilité autrement qu’en terme de remédiation ou
d’assistance et non de prévention.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> User de ce mot d’une
manière « métaphorique », en prenant le terme « d’exclusion »
comme synonyme fallacieux de « précarisation ou de
vulnérabilisation » est encore plus illégitime dans la mesure où il
conduit à confondre deux logiques hétérogènes : l’une de discrimination,
l’autre de dégradation des supports de sociabilité ; ce qui peut conduire
à un traitement discriminatoire de populations ou de groupes en déficit
d’intégration (le traitement réservé récemment par les pouvoirs publics à
la population Rom serait ici un bon exemple). C’est pourquoi R. Castel préconise
sur cette question trois axes de vigilance : tout d’abord ne pas nommer
« exclusion » tout type de dysfonctionnement social, éviter ensuite
que les mesures prises pour les « traiter » ne débouchent pas sur un
statut d’exception et enfin privilégier la prévention dans les politiques
d’intervention.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> Afin de préciser et
d’expliquer encore la nature et les effets de « la grande
transformation », suit un chapitre au titre provocateur :
« Pourquoi la classe ouvrière a perdu la partie » où R. Castel
montre que celle-ci a été victime d’une «double dépossession » ; si
l’on prend comme point de repère 1936, on peut remarquer qu’ à ce moment même
où la classe ouvrière apparait consciente de sa force, dotée d’une idéologie
propre et d’appareils organisés (partis et syndicats), elle reste néanmoins
subordonnée au pouvoir économique et politique ; certes le salariat
ouvrier représente 75% du salariat dans les années 30, mais celui-ci ne
représente que la moitié de la population active, ce qui ne place pas encore la
classe ouvrière en position de renversement radical de l’ordre social. Or pour
R. Castel, l’évolution du salariat jusqu’aux années 1975, n’est pas
d’ordre quantitatif (le nombre des ouvriers n’a pas sensiblement augmenté
depuis les années 30), mais qualitatif, ce qui lui ôte alors toute perspective
de type révolutionnaire ; la classe ouvrière n’ira donc pas au
« paradis », « doublée », pour ainsi dire par le
développement spectaculaire d’un salariat « haut de gamme » constitué
par les cadres et les professions intermédiaires. Ainsi la question
sociopolitique qui se pose dans ce contexte n’est plus celle de la révolution,
mais celle de la répartition équitable des richesses.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> C’est la mise à mal des
conséquences positives de cette évolution qui constitue la deuxième phase de la
dépossession. En effet, on peut faire un double constat concernant ce
développement « qualitatif » du salariat : il a permis d’une
part une amélioration du sort des différentes catégories ouvrières et d’autre
part la cohésion de chacune de ces catégories, dont le statut est relativement
stable grâce à son inscription dans un système de droits sociaux (par exemple
le SMIC).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">C’est ce qui paraît aujourd’hui remis en cause par la
dégradation du statut de nombreuses catégories salariales. La nouvelle
conjoncture de l’emploi creuse les disparités entre les catégories ; le
chômage et la précarité brisent les homogénéités intercatégorielles ; la
mise en concurrence des égaux par la nouvelle organisation du travail
(individualisation) casse les solidarités catégorielles et empêche la
reconnaissance d’une commune condition. Le nouveau défi que doit relever le
monde du travail consiste donc dans cet effort de
« recollectivisation », tâche d’autant plus difficile que comme le
remarque R. Castel en post-scriptum, le processus de rupture des solidarités
sociales est accentué par le développement d’une forme de ressentiment social
qui bascule vers le culturel, voire « l’ethnique », et le rejet de
l’autre supposé « mieux traité que nous ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> C’est donc la question
de «l’altérité » et la mise en exergue de son enjeu politique : la
question de la citoyenneté, qui va constituer le chapitre final de cette
troisième partie. Pour R. Castel, il faut « oser le mot : la
racialisation de la question sociale » est attestée par une série de
formes de discriminations dans plusieurs domaines : recherche d’emploi,
rapports avec la justice ou les forces de l’ordre, accès au logement, rapports
avec le système scolaire, à l’appartenance religieuse ou ethnique. Ces
discriminations sont le terreau du développement du communautarisme qui, tout
en constituant une réponse légitime à ce discriminations en tant que recherche
de formes de solidarité et de supports d’identité et d’existence, représente
une menace pour « le pacte républicain ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Sur ce point R. Castel compare les différentes
politiques mises en œuvre sur cette question, en Allemagne, en Grande-Bretagne
et au Québec (il cite à ce propos le célèbre rapport Bouchard-Taylor, bien
connu sur la question multiculturelle, en particulier à travers le traitement à
double étage des conflits culturels : les ajustements concertés et les
accommodements raisonnables). Cette étude comparative le conduit à définir la
spécificité française sur cette question et à en tirer une règle méthodologique
générale pour traiter ce difficile problème. En particulier, il faut remarquer
dit-il, que le traitement réservé aux jeunes « issus de
l’immigration » renvoie à des caractéristiques bien précises de la société
française : « la prégnance du modèle républicain, le poids de
l’héritage colonial, le chômage de masse, la dégradation de la situation
sociale surtout en banlieue ». Ainsi, sur un plan général, on peut en
tirer l’hypothèse de recherche suivante : « le rôle joué par une
minorité se comprend à partir de la problématique propre à la société dans
laquelle elle prend place…Il faudrait toujours partir des problèmes qu’a à
affronter la majorité, parce que c’est elle qui définit les règles du
jeu…L’altérité est réinterprétée à partir de la problématique des groupes
dominants », R. Castel cite ainsi Georg Simmel : l’étranger est déjà
membre du groupe, et la cohésion du groupe est déterminée par le rapport
qu’il entretient avec cet élément ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> La conclusion de cet
ouvrage, et sa composition, d’une grande cohérence dans l’articulation de ses
différentes parties, constituées pourtant d’articles distincts, témoignent du
combat que R. Castel entendait mener par son travail de sociologue, pour que
chacun puisse rester ou devenir un individu « digne de ce nom ». Sa
réflexion finale prend la forme d’une caractérisation paradoxale de ce qu’il
appelle « l’individu hypermoderne », qui le conduit à déterminer le
socle à partir duquel « peuvent se déployer les aventures de la
subjectivité », c’est-à-dire les conditions objectives spécifiques, sans
la défense et la promotion desquelles nul ne peut prétendre réellement se
constituer en tant qu’individu.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> La forme choisie pour traiter la question sera
donc celle d’une « histoire de l’individu », de ses transformations
par rapport à la valeur de référence qui définit l’individu par la capacité à
se conduire de manière libre et responsable, selon les conditions qui
conduisent à tenir ou à trahir cette promesse. Ici R. Castel se réfère à la
démarche foucaldienne de problématisation, à savoir comment rendre compte d’une
réalité sociale actuelle à partir de ses transformations historiques.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">De la conception initiale qui fait de Dieu le support
de l’individu, qui ne peut de ce fait exister en réalité hors de son
Royaume, R. Castel analyse la conception moderne de l’individu née au 17<sup>ème</sup>
siècle qui fait de la propriété son support essentiel, dans la mesure même où
seront définies par le terme de « propriété sociale » les protections
sociales et juridiques dont bénéficieront par la suite, avec le développement
du salariat, les « non-propriétaires » pour être capables d’exister
en tant qu’individus, c’est-à-dire à la fois hommes et citoyens.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> C’est ce modèle d’individu indissociablement lié
à ses supports qui est mis à mal par « la grande transformation » qui
valorise un autre modèle que R. Castel appelle « individu
hypermoderne » paradoxalement contraire au concept historiquement
construit et conceptuellement cohérent en ses propriétés précédemment définies.
Ce nouvel « individu » prend en réalité deux formes distinctes et
opposées ; l’une qu’on peut appeler « par excès », l’autre,
« par défaut ». Reprenant les analyses de G. Lipovetsky entre autres,
R. Castel caractérise ce premier type par une forme de recentrage de
l’individu sur lui-même, par un excès de subjectivité qui le conduit aux
limites du narcissisme, noyé en lui-même, croyant posséder tendanciellement la
capacité à être auto-suffisant, c’est-à-dire croire avoir en lui-même les
supports nécessaires à assurer son indépendance. L’extension de ce modèle dont
il faudrait analyser plus précisément l’implantation et la diffusion montre
qu’il n’est nullement l’apanage des « nantis », de ceux qui ne
doutent pas de leur « capital » culturel, social, relationnel et
symbolique. On peut au moins remarquer qu’il permet de comprendre en partie les
phénomènes actuels de décollectivisation et de désinstitutionnalisation.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">L’autre modèle que R. Castel dégage est celui de
l’individu « par défaut », de celui qui « aspire » à être
un individu, mais qui manque des ressources nécessaires pour assumer
positivement son indépendance. A la désaffiliation revendiquée et assumée par
l’individu « par excès », s’oppose ainsi la désaffiliation subie par
l’individu « par défaut ». C’est cette distinction, que voudrait
occulter l’expression « société des individus », souvent invoquée
pour caractériser le monde actuel, qui permet de comprendre comment la
centralité de l’individu défini par la propriété de biens puis de droits, est
en fait érodée « par les deux bouts» si l’on peut dire. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
text-indent:47.2pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">De ce point de vue, elle nous conduit à réfléchir, en
tenant compte de l’évolution du capitalisme post-industriel, à la
caractérisation et à la défense des bases objectives, des supports qui rendent
possible l’existence de l’individu, en reconnaissant qu’il n’existe pas
d’individus sans supports et qu’il n’y a pas de supports sans Etat.</span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:right" align="right"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Philippe
Blanc</span></p>Alain Laurent, En finir avec l’angélisme pénal, Les Belles Lettres, 2013, lu par Benoît Charuauurn:md5:230448eacd22819c7c3f15239dc2ddc62014-01-31T06:00:00+01:002016-01-24T13:48:55+01:00Cyril MoranaPhilosophie politiqueangélismeDroitjustivepamphletpolitiquepénal<p><strong><img title="Laurent 1, janv. 2014" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/.Alainlaurent_t.jpg" /></strong>
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</p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><strong><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Alain Laurent, <em>En finir avec l’angélisme pénal, </em>Les Belles Lettres, 2013</span></strong></p>
<p>
<!--EndFragment--></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">Dédié à la mémoire du psychanalyste José-Luis Goyena, cet ouvrage
s’inscrit dans la perspective idéologique du <em>Nouvel 1dividualiste</em>
qu’Alain Laurent coéditait avec lui, une perspective résolument libérale, soucieuse
de défendre notamment la liberté de vivre en sécurité. Heurté par la position
de l’actuelle Garde des Sceaux en faveur des peines de probation, Alain Laurent
entend ici lui opposer une conception morale et pénale faisant valoir la
légitimité et les bienfaits d’une incarcération qui fasse mal. L’enjeu est de
civilisation, pense l’auteur, qui dénonce le « naufrage
intellectuel » d’une société multiculturelle qui n’oserait plus
sanctionner. Une société en somme malade d’un angélisme qu’il serait urgent de
renverser. Organisé en deux parties, l’ouvrage s’insurge contre « le
rousseauisme anti-punitif » triomphant, pour ensuite lui opposer une
conception rétributive qui se veut « raisonnée ».</span></p> <p class="MsoNormal" style="margin-bottom:12.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><em><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Prologue : Mort de la peine ?<img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/janvier14/.22510100811510L_m.jpg" alt="" title="22510100811510L.jpg, janv. 2014" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;" /></span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Partant d’une liste de récentes victimes de
récidivistes, Alain Laurent dénonce d’entrée l’orientation antirépressive de
« l’establishment politico-judiciaire », soit l’humanisme
bien-pensant, l’angélisme, le « révisionnisme anti-pénal »
qu’incarnerait aujourd’hui ce qu’il appelle « la doctrine Taubira ».
« Décriminaliser le crime, et criminaliser le châtiment » :
telle serait la devise implicite d’une gauche prompte à excuser criminels et
délinquants. Une orientation dont « la conférence du consensus » de
février 2013 aurait consacré le triomphe par la défense des peines de
probation. A cette « doxa post-punitive » et sa
« moraline » laxiste, Alain Laurent oppose une morale visant à
refonder notre justice pénale. Une conception qui se réclame des grands
« humanistes libéraux » que seraient Kant, Humboldt, Constant,
Tocqueville et J-S Mill.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><em><span style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">1<sup>ère</sup>
partie : Misère de l’angélisme pénal</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Alain Laurent s’attache, dans une première partie, à
identifier ce qu’il nomme « l’angélisme pénal », en en dégageant la
filiation, les principes et les ressorts du succès.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- L’humanisme en alibi :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">« L’humanisme pénal » serait l’alibi de
l’angélisme pénal. Un humanisme, vieux de plus d’un siècle, qui, pointant le
déterminisme social plutôt que la responsabilité individuelle, préfère la
prévention à la punition et promet à tout infracteur la réhabilitation. Lié au
socialisme par un lien de « consanguinité » (selon Alain
Laurent), dont on trouve déjà des traces chez E. Fournière et Oscar Wilde, cet
humanisme angélique a trouvé sa doctrine de référence dans <em>La Défense
sociale nouvelle</em> de M. Ancel dont le mot d’ordre est de vider les prisons
accusées de produire la récidive. Les grands principes de ce réquisitoire
anti-carcéral (égalité de dignité entre l’infracteur et « les
autres », dénonciation du caractère improductif de la souffrance,
inversion de la répression en clémence) suffisent, selon Alain Laurent, à
justifier l’accusation d’angélisme.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- L’ « homo
criminalis » transfiguré :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">L’angélisme pénal a, poursuit l’auteur, inversé la
représentation de l’infracteur. Jadis (avant 1945), on était convaincu
qu’il n’y a rien à attendre de celui qui a attenté à la vie ou à la dignité
d’autrui. Désormais (depuis les années 1970), on considère qu’un tel homme est
d’abord une victime à la fois de l’injustice de l’ordre social et des forces
répressives (police et prison). « Le travailleur du crime » se voit
ainsi traité comme « un malade social » dont il faut prendre
soin et qu’il faut rétablir dans « sa dignité de citoyen à part
entière ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- Le nouvel abolitionnisme :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Après avoir aboli la peine de mort, c’est la réclusion
que l’on voudrait donc supprimer et, à terme, le punir lui-même. De là le
procès qui est fait à la prison de ne pas atteindre ses objectifs. Un procès
qui, pas un instant, n’interroge la responsabilité d’un angélisme devenu
« exclusive pratique idéologique d’Etat ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- Crimes sans châtiments :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Privilégiant la rééducation, la resocialisation, la
réconciliation aux dépens de la punition, la probation voulue par Christiane
Taubira relèverait d’une « câlinothérapie » supposée favoriser la
rédemption. « Un vœu pieux », une funeste ambition qui met en danger
nos vies. Et Alain Laurent d’ajouter : « les futures victimes
(sacrificielles) apprécieront. » </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- « Angélisme pénal » <em>vs
</em>« populisme pénal » :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">« Le pénalement correct ambiant » n’aurait,
en fait, que faire des victimes. Pire : il s’en méfierait. En témoignerait
sa diabolisation du souci sécuritaire auquel il dut faire face jusqu’en 2012.
Un souci accusé « d’obsession sécuritaire » de « "petits
Blancs" plus ou moins racistes », ou encore de
« populisme » à l’idéologie victimaire. Une accusation qui
confirmerait la préférence morale de l’angélisme pénal pour le délinquant et,
partant, son « déni de victime ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><em><span style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Seconde partie :
Plaidoyer pour un réalisme pénal</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Fort de sa critique frontale de « l’angélisme
pénal », Alain Laurent s’efforce, dans une seconde partie, de fonder et
d’esquisser les grandes lignes d’une politique pénale « réaliste »
et sachant répondre à l’exigence morale.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- Avec Kant : légitimation
morale de la rétribution pénale :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">A l’humanisme angélique, Alain Laurent oppose ainsi le
socle rétributif et moral du « bon humanisme » kantien. Un humanisme
partisan de peines douloureuses à la hauteur des crimes commis. Car il faut
être intraitable avec ce qui est inhumain. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- Le droit de vivre en sûreté :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Contre la justice pénale « bisounours »,
Alain Laurent souligne la légitimité du droit à la sécurité invoqué, sous le
terme de sûreté, par notre Déclaration des droits de l’homme (versions 1789 et
1793). Un droit qui, loin de se réduire à la sûreté face au pouvoir, est le
droit de vivre en sûreté dans la société. Un droit qui implique que les
infracteurs soient sanctionnés. Faute d’une tolérance zéro, chacun finira par
s’auto-défendre ou par se barricader. Ainsi en sera-t-il, considère Alain
Laurent, si les voyous et les violents continuent d’être « encouragés par
l’impunité [qui leur est] généreusement octroyée. »</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- La logique de la responsabilité
individuelle :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Contre une telle impunité, Alain Laurent adopte un
principe de responsabilité individuelle distinguant cause et influence. La
pauvreté ou une enfance malheureuse ne saurait être tenue pour cause d’un crime
ou d’un délit. La pauvreté influence mais ne nécessite pas. La responsabilité
de l’infracteur est totale. Aussi la sanction doit-elle le rétribuer à la
hauteur de son acte.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- Criminels et délinquants tels
qu’en eux-mêmes :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Responsables du mal qu’ils commettent, criminels et
délinquants sont des « parasites », affirme Alain Laurent qui
n’hésite donc pas à les « essentialiser ». Ce sont des violents
faisant preuve de ruse pour obtenir vite et sans effort argent, sexe et vie facile.
Calculateurs rationnels, ces êtres sont capables donc coupables sur le plan
juridique comme sur le plan moral. Mais, égoïstes et insensibles, ils ne se
laissent pas toucher par la conscience morale. Délinquants ou criminels, ils
veulent tous éprouver leur toute puissance et goûter à la jouissance que
procure la désobéissance à la loi. « Despotes »,
« égoïstes », « sadiques », « pervers », ce sont,
dit Alain Laurent, des « salaudsde la pire espèce ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- Le devoir de punir :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Le droit de punir de tels hommes est un droit naturel,
comme le soulignait déjà Locke. Un droit incontestable, « une
nécessité », à moins de cautionner l’infraction. Mais « en vue de
quoi » faudrait-il punir ? Pour stigmatiser l’injustice de la transgression,
ce qui implique de faire mal car il n’y a pas de peine sans souffrance.
Conséquence nécessaire de la violation, celle-ci n’est pas une violence, mais
un acte légitime qu’on ne saurait remplacer par une transaction financière ou
une peine de probation.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- Le juste avant l’utile :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">En matière pénale, le critère de l’utile ne saurait
l’emporter sur le critère du juste. Celui-ci n’interdit toutefois pas de se
soucier de l’utilité de la peine au regard d’abord des victimes dont on doit
entendre, dit Alain Laurent, la « saine » envie de se venger,
auxquelles on doit donc reconnaître le droit de légitime défense différé.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-top:0cm;margin-right:0cm;margin-bottom:8.0pt;
margin-left:48.0pt;text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;text-indent:
-24.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">- Les prisons de la raison :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Neutraliser les nuisibles, réprouver socialement,
choquer par le déplaisir de la perte de la liberté : l’utilité de la
prison est multiple, insiste Alain Laurent. Encore faut-il que l’on ne cède pas
à la folle ambition de transformer le détenu en honnête homme et qu’on en
finisse avec « l’infâme » principe de la réduction de peine. Certes,
l’état de nos prisons n’est pas digne, mais cela ne condamne pas la prison en
soi. Et qu’on ne l’accuse pas d’être criminogène : « le contexte
idéologiquement anti-punitif » le serait bien plus. Construisons donc de
nouvelles prisons et désencombrons les actuelles en reconduisant les
sans-papiers à la frontière... Construisons des prisons, non du cœur, mais de
la raison : des prisons qui fassent mal : des prisons de « la
raison morale ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><em><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> </span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><em><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Epilogue : Un enjeu de civilisation</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">La « pénophobie généralisée » ici
dénoncée serait un symptôme du « naufrage intellectuel » de notre
époque, un naufrage dont le laxisme moral et le multiculturalisme seraient les
deux faces. Par ce vilain temps de « rousseauisme anti-punitif et
post-carcéral », seul le « réalisme rétributif et raisonné »
pourrait, comprend-on, nous sauver de la noyade.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><em><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Postface : Des citoyens au-dessus de tout
soupçon ?</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Après avoir malmené la magistrature, Alain .Laurent
précise qu’il ne vise qu’une minorité de « juges militants ». Des
juges qu’il rappelle à leur devoir de réserve, sans songer à la subtile
distinction kantienne de l’usage public et de l’usage privé de sa raison.
« Les gardiens » ont besoin d’être gardés, préfère-t-il renchérir en
s’inspirant de Platon et de Juvénal : on doit pouvoir se retourner contre
les juges tout-puissants.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:
none;text-autospace:none"><strong><span style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US"> Commentaire :</span></strong></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Moins qu’un essai, cet ouvrage relève, on l’aura
compris, du pamphlet. En témoignent le ton et le lexique adoptés pour qualifier
la position adverse : « moraline », « révisionnisme
anti-pénal », « la madone des prisons qu’est Mme Taubira »,
« infamie », « justice de bisounours »,
« câlinothérapie » et autres « fariboles »… Un propos
auquel manque cette « juste mesure » dont Alain Laurent reproche
pourtant à « l’humanisme pénal » de ne pas faire preuve. Porté par la
passion, le propos cède aux préjugés (« <em>on sait</em> » le rôle que
jouent les experts-psychiatres <em>en faveur</em> des inculpés »), aux
amalgames (le délinquant est semblable au criminel, le multiculturalisme est du
relativisme culturel), aux sophismes (l’échec de la prison est dû à la critique
de la prison), à la caricature elle-même (essentialisation des
« parasites »). Des dérapages, tantôt par ignorance, tantôt
délibérés, qui discréditent une conception qui se revendique
« réaliste » et « raisonnée ». Puisque de « raison morale »
il est question, il eût été opportun que celle-ci ne plie pas sous la
passion ; qu’Alain Laurent <em>se retourne et regarde</em> ceux dont il
parle : des infracteurs certes, mais hommes et femmes irréductibles à ce
« salaud » qu’il postule dénué de conscience morale. La réalité
humaine est plus complexe, moins rassurante aussi que le simpliste partage des
« parasites » et des « normaux ». L’appel légitime à plus
de souci du sort des victimes n’est pas renforcé par de semblables raccourcis.
Mépriser l’homme en « l’homme vicieux » lui-même n’élève pas
l’humanité. Alain Laurent gagnerait à relire Kant, tout Kant, un philosophe
plus cohérent avec sa conception du devoir que celui dont il se réclame :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:justify;text-justify:
inter-ideograph;mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:
none"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";
mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">« Il ne faut pas pousser [les reproches] jusqu’à
mépriser absolument l’homme vicieux et à lui refuser toute valeur morale ;
car, dans cette hypothèse, il ne saurait donc plus jamais devenir meilleur, ce
qui ne s’accorde point avec l’idée de l’homme, lequel, à ce titre (comme être
moral), ne peut jamais perdre toutes ses dispositions pour le bien. »<span style="color:#0000E9">[1]</span></span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:center;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none" align="center"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:right;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none" align="right"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> Benoît Charuau</span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:8.0pt;text-align:center;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none" align="center"><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US"> </span><span style="font-family: 'Lucida Grande'; font-size: 10pt;"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom:6.0pt;text-align:justify;line-height:
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mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">[1]</span><strong><span style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">Kant ; </span></strong><em><span style="font-size:10.0pt;font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:
EN-US" lang="EN-US">Métaphysique des mœurs</span></em><span style="font-size:10.0pt;
font-family:"Lucida Grande";mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">, Doctrine de la vertu, §
39, Remarque.</span></p>