oeil de minerve ISSN 2267-9243 - Mot-clé - écologieRecensions philosophiques2023-12-27T09:56:23+01:00Académie de Versaillesurn:md5:b5151268a8c1e471830557044d755c66DotclearH-S Afeissa, Portraits de philosophes en écologistes, éditions DEHORS, 2012, lu par François Chomaraturn:md5:4e8c85ffc17f25f8ea63cd7122c8233e2013-10-04T06:00:00+02:002013-10-04T06:00:00+02:00Cyril MoranaPhilosophie politiqueculturenaturepolitiqueécologieépistémologieéthique<p class="MsoNormal" style="mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;
text-autospace:none"><strong><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"><img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/octobre/.dehorsHD573_nb_t.jpg" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0; " title="dehorsHD573_nb.jpg, sept. 2013" />HICHAM-STÉPHANE
AFEISSA, <em>PORTRAITS DE PHILOSOPHES EN ÉCOLOGISTES</em>, paru aux
éditions DEHORS, en novembre 2012</span></strong></p>
<em><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Hicham-Stéphane Afeissa, bien
connu désormais pour ses textes sur Arne Naess et l'écosophie, sur l’éthique
environnementale, ou encore la « philosophie animale », et dont le
dernier essai personnel s'intitulait : <em>La communauté des êtres de
nature</em> (avril 2010, éditions MF), a publié en novembre dernier aux éditions
Dehors un nouveau recueil d'études intitulé : <em>Portraits de philosophes
en écologistes. </em>Certains des textes, réécrits, proviennent d'articles déjà
parus dans des revues ou des collectifs.</span></em> <br /><p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Afeissa propose dans cet ouvrage,
à travers trois séries de « portraits » (qui donnent leur nom aux
trois sections : « en pied », « de groupuscule »,
« en majesté »), des lectures minutieuses d'auteurs encore peu connus
chez nous (Bryan Norton ou Holmes Rolston III) et de philosophes ou penseurs
rarement lus sous cet éclairage environnemental (Husserl, Heidegger,
Arendt, Michel Serres notamment, la bibliographie raisonnée de la fin de
l'ouvrage proposant d'autres pistes, par exemple pour une lecture
« environnementale » de Lévinas.) Les protagonistes majeurs d'une
pensée environnementaliste plurielle sont ainsi convoqués pour déployer le
« problème du monde » et de l'homme comme habitant du monde, mais est
aussi soulevée la question des passerelles possibles entre les différents
courants, particulièrement entre les philosophes continentaux qui ont
essentiellement pris appui sur une réflexion critique sur la technique pour
aborder ces questions, et les tenants anglo-saxons de l'éthique
environnementale. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Entre ces textes variés se tisse
le thème d'un arrière-plan passé au premier plan : en effet, à la lumière
de la « crise écologique », le monde n'est plus une scène
indifférente ou déjà installée, mais devient le thème même des événements qui
s'y déroulent. Autrement dit, il s'agit de prendre acte de « l'épuisement
de l'idée qui a fait l'histoire même de l'humanité, où la différence
métaphysique entre la scène préhumaine du Monde et le drame historique de
l'humanité a longtemps prévalu. » (page 176) </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"><img src="http://blog.ac-versailles.fr/oeildeminerve/public/octobre/.1368847-gf_m.jpg" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0; " title="1368847-gf.jpg, sept. 2013" />Désormais, sur la scène, se joue
la possibilité de l'avoir-lieu de la pièce. Nous avons désormais en charge
l'habitation du monde, comme une tâche qui ne va plus de soi et qui suppose
tout un travail d' « explicitation des conditions terrestres de toute
existence » (p. 295).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Les auteurs choisis sont non
seulement lus à la lumière du contexte de la « crise écologique »
contemporaine, mais aussi dans un après-Hiroshima prolongé, à l'ère de la prise
de conscience définitive de l'unité terrestre de l'humanité (nous sommes
devenus des « monogéistes » comme le dit Peter Sloterdijk, cf. p.
295). Cette conscience prend différentes formes, mais sans doute
prioritairement celle d'une menace globale à laquelle il nous faut répondre.
Soulignons ici la forte expression : « à l'ombre de la bombe »,
qui provient de l'autobiographie de Hans Jonas et donne son titre au chapitre
qu'Afeissa consacre à Michel Serres (voir p. 157 et cette citation de
Serres : « Hiroshima reste l'unique objet de ma philosophie. »)
Il nous semble que c'est aussi à la question de la temporalité de la conscience
et de l'action écologiques que ces études nous confrontent, et l'on peut
pointer à ce titre l'intérêt du chapitre sur Hans Jonas, qui retrace la
généalogie complexe de son dispositif de pensée, qui trouve une de ses sources
dans la théologie de l'apocalypse ou la réflexion patristique sur la repentance
préventive, impliquant une théorie de la temporalité prophétique où le présent
et le futur peuvent se modifier l'un l'autre (p. 132-133).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Le principal objectif affiché par
l'auteur est d' « ouvrir un espace d'interlocution » et de faire
ainsi dialoguer des propositions multiples plutôt que de présumer que la
topique de ce champ de réflexion soit déjà solidement tracée. Si ces études
sont des « portraits », l'on pourrait se demander qui s'y avance
masqué. Comme le titre général et l'introduction du volume nous l'indiquent, il
ne s'agit pas de restituer ces philosophes tels qu'en eux-mêmes, mais de capter
et faire saisir un mouvement qui les anime et pourrait relancer plus loin leur
pensée ; mais aussi, selon nous, de les exposer selon une certaine
posture, de telle sorte qu'ils pourraient tout autant être affublés du masque
d' « écologistes » (plutôt que d'écologues?) pour paraître au
goût du jour, qu'<em>a contrario</em> trouver dans la situation présente
l'éclairage adéquat pour manifester la pleine actualité de leur pensée.
Parions, avec Afeissa, pour cette seconde option.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;
text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Dans les limites de cette courte
présentation, plutôt que de suivre chapitre par chapitre le livre (certains
chapitres portent sur un auteur, d'autres sur un groupe d'auteurs, certains
auteurs sont convoqués plusieurs fois, comme Arne Naess, Bryan Norton, Martin
Heidegger, Holmes Rolston ou encore Hans Jonas, mais l'ensemble suit un ordre
d'exposition très précis), nous mettrons en avant deux questions qui le
traversent : celle du degré de radicalité nécessaire à une pensée de
l'habitation du monde (en référence à la section 1 du livre) et celle de la
possibilité d'une politique liée à l'éthique environnementale (en référence aux
deux autres sections). </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:14.0pt;font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Que pourrait être une philosophie
de l'environnement ? Afeissa écrit, en conclusion du chapitre 2 qui porte
sur Heidegger, que l'heure est venue de « fourbir les indispensables
outils conceptuels permettant de faire de la crise environnementale un objet de
pensée » (p. 111)</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">On saisit ainsi le rôle
spécifique des philosophes, dans cette transformation conceptuelle qui
permettrait d'aller au-delà du seul diagnostic de la crise émanant des
sciences, de la nature comme de la société. Mais la question est alors de
savoir s'il s'agit toujours de la même chose, si cela permet<span style="mso-spacerun:yes"> </span>d'élargir l'horizon du problème ou plutôt de
changer radicalement de problème : peut-il être question en philosophie
d'une pensée environnementale, peut-on en dégager les linéaments à partir de
philosophèmes construits originellement selon une tout autre visée ? La
philosophie n'aura-t-elle pas tendance à imposer son diagnostic propre, à
ramener les problèmes du jour à son propre fond, par exemple en faisant de la
question de l'environnement un avatar de <em>sa</em> question du monde ? Comment
prendre en charge sérieusement ce moment de « crise
environnementale » en tant que matière étrangère qui force à penser ?
</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">On peut aborder ces questions à
partir des points de convergence possibles entre les philosophes
« continentaux » abordés et les problématiques des éthiciens
environnementalistes. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Comme cela nous est rappelé
notamment à la fin du chapitre sur Heidegger (ch. 2), cette convergence
pourrait se construire (et Afeissa admet même qu'il convient de la forcer, pour
éclairer les différences, cf. p.180)<span style="mso-spacerun:yes">
</span>autour du réexamen critique nécessaire de toute notre tradition, dans
une remontée aux prémisses de notre pensée ontologique et morale. A la
différence de la <em>shallow ecology </em><span style="mso-bidi-font-style:italic">(écologie
superficielle)<em>,</em></span> la <em>deep ecology </em><span style="mso-bidi-font-style:
italic">(écologie profonde)</span> a effectivement l'ambition, non pas
d'accompagner ou de réorienter le développement économique pour le rendre plus
« vert », mais de repenser toute la tradition occidentale supposée
être un des facteurs-clés de la crise plutôt qu'une ressource pour la résoudre.
À travers le développement d'une « éthique environnementale »,
l'enjeu est de mettre à jour, contester ou renverser la prémisse
anthropocentriste cachée de toutes les philosophies morales, qui conduisent à
rendre impensable l'idée même qu'il y aurait des valeurs dans la nature,
indépendamment du souci propre de l'homme-évaluateur pour son bien-être ou ses
intérêts. L'hypothèse de travail retenue est donc bien celle des racines culturelles
profondes de la crise écologique contemporaine. C'est là que ce projet rentre
en consonance avec ce que nous appelons ici une « philosophie
radicale ». La réorientation nécessaire de nos conceptions sur le rapport
homme-nature suppose une forme de sondage réflexif suffisant, que seules
peuvent donner des philosophies fondamentales ou ce que Arne Naess appelaient
des « vues totales» (sans aller jusqu'à admettre, avec Michel Serres, que
ces questions sont celles des « fins dernières » et engagent à ce titre
une religion.)</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">On pourra s'expliquer les
chapitres de la première section sous cet angle :</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Le chapitre premier porte sur
Husserl, le philosophe du « monde de la vie », qui reprend à la
racine la méditation sur les conditions de possibilité des sciences de la
nature, sur la validité des constructions de l'espace qui leur sont propres.
Cela débouche sur une approche de la terre comme sol, sur un examen de la
possibilité de « lieux » qui ne soient pas seulement des parties d'un
espace homogène. Afeissa développe ici (pages 77 à 82) un plaidoyer pour une
« topo-phénoménologie » qui finit par rejoindre certaines
considérations sur la « localité culturelle » ou le <em>projet local</em>
(le territoire habité comme « diagramme de sens » d'une communauté,
inscrit dans le bâti et le paysage.)</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Le chapitre 2 sur Heidegger
aborde plus précisément la lecture qu'en a donné Michael Zimmerman (un des
animateurs de la revue d'écologie radicale américaine <em>The Trumpeter</em>),
tentant d'en dégager les implications normatives, si l'on s'appuie sur des
propositions comme <em>laisser être les étants</em>, ce qui devient ici :
« laisser les choses et les êtres se manifester eux-mêmes en accord avec
leurs propres limites, plutôt qu'en accord avec les limites que leur imposent
les constructions scientifiques et les projets technologiques.» (page 107)
Peut-on faire une règle pratique de l'injonction à ne pas vouloir <em>exploiter</em>
toutes les possibilités latentes de la terre et des êtres ? Afeissa
souligne ici, à propos d'une autre approche de Heidegger : celle de Bruce
Foltz, qu'il serait néanmoins vain de vouloir rapprocher trop directement le
questionnement heideggérien et l'éthique environnementale, sans en passer par
un patient travail préalable de construction de médiations (p. 96-97).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Après les chapitres 3 et 4, sur
Arne Naess et Hans Jonas, arrêtons-nous sur le chapitre 5, très éclairant, sur
Michel Serres, qui insiste notamment sur la nécessité de<span style="mso-spacerun:yes"> </span>repenser la dualité des sources de notre
culture, correspondant à deux modalités fondamentales, la latine (placer dans
l'ombre) et la grecque (mettre en lumière) – et de revenir plus en arrière
encore aux racines même de l'hominisation, pour comprendre ce pourquoi <em>homo
sapiens</em> est tout autant l'animal despotique. Le projet occidental de la
science gagnerait ainsi à prendre conscience de sa dualité problématique, entre
idéalité et puissance mortifère, et d'une possible nouvelle bifurcation ou
« recommencement du processus d'hominisation » (page 167) que Serres
appelle l' « hominescence ». À l'heure où nous réalisons que
nous dépendons de ce qui dépend de nous, nous devons prendre en charge – à
travers un nouveau type de contrat - les objets-monde nouveaux, puisque nous
sommes devenus des acteurs planétaires et « naturants ».</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Au bout du compte, la philosophie
– qu'Afeissa défend contre toute attaque paresseuse contre le spéculatif – nous
permettrait effectivement de penser une forme de désinscription d'une histoire
par trop anthropocentrée, pour nous réinscrire en une temporalité plus profonde
et nous projeter ainsi dans un autre avenir possible.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Les « Portraits en
pied » de la première section du livre (p. 27-176) débouchent logiquement
sur des questions d'ordre pratique et politique, dans la partie suivante
intitulée « Portraits de groupuscule » (p. 179-280). On y découvre
une critique des positions du pragmatisme écologique dans le chapitre consacré
à Bryan Norton qui représente son principal défenseur (surtout p. 218 à 229.)
En effet, ce pragmatisme – en pronant une sorte d' « abstinence
métaphysique » - revient, selon Afeissa, à nier l'existence de
« causes profondes » de la crise écologique, et à récuser ainsi toute
l'entreprise « fondationnelle » de l'éthique environnementale. Les
lectures philosophiques que nous venons de mentionner, au contraire, tentaient
de faire entrer la métaphysique au titre d'une dimension supplémentaire du
dialogue nécessaire pour construire une pensée du monde susceptible d'avoir une
préoccupation morale pour les êtres naturels. En fin de compte, le paradoxe est
que la prise en compte des philosophies continentales n'ayant pas
l'environnement pour principal objet rapproche de l'éthique environnementale,
plus que ne le feraient des conceptions explicites des problèmes
environnementaux, comme on les trouverait chez Ulrich Beck ou Bruno Latour par
exemple (le cas de Jonas étant un peu particulier), dans la mesure où ces
dernières visent avant tout une recomposition du politique qui ne rompt pas
suffisamment, aux yeux d'Afeissa, avec l'anthropocentrisme (voir les pages 187
à 194.)</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Qu'en est-il des implications
politiques d'une telle rupture ?</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.5pt;font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Page 157, Afeissa prend pour
exergue un extrait de texte de l'écrivain vaudois Charles Ferdinand Ramuz, où
l'on peut lire ceci : « La terre est elle-même toute perdue et transitoire
dans les espaces où elle erre en se détruisant peu à peu. »<span style="mso-spacerun:yes"> </span>Comment, dès lors, retrouver la terre, ou lui
faire regagner son site, pour nous post-coperniciens ? Peut-on se
contenter d'une sorte de diagnostic en archipel, selon lequel la crise écologique/environnementale
actuelle se dirait en plusieurs sens, mais avec cette difficulté pratique de
savoir comment éclairer l'action dans des conditions plurielles ? Doit-on
chercher à formuler, comme Arne Naess l'a fait pour la <em>deep ecology</em>, une
sorte de « plate-forme » commune, qui permettrait de définir des
lignes directrices pour l'action ?</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">À plusieurs reprises, H.-S.
Afeissa affirme la nécessité d'échapper à un double écueil : soit
l'éthique de la nature se ramène à la protection des conditions de la survie
des hommes sur terre, et sa portée écologique est réduite ; soit elle
défend le projet d'une éthique de la valeur intrinsèque, au risque de se rendre
politiquement stérile et inefficace (voir par exemple la discussion des
positions de Jonas, page 198, puis de B.Norton, p. 199, sur cette question.) </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Dès lors, quelle troisième terme
avancer ? On peut se demander si Afeissa n'a pas délibérément fait sienne
la « stratégie » d'Arne Naess de laisser délibérément dans une sorte
de « vague » spécifique l'énoncé des principes, en accord avec les
théories sémantiques de Naess qu'Afeissa prend soin d'expliciter (voir
notamment le chapitre 3, pp. 116-121, et le chapitre 8, pp. 235-241, sur
l' « empirisme sémantique » de Naess ; on apprend dans ce
chapitre 8 que Naess a mené une série de travaux importants pour l'UNESCO dans
le cadre d'un projet portant sur l'analyse des « états de tension »
dans le monde et les méthodes de résolution). Le risque est alors que la
pratique politique se limite à la seule articulation de « diverses formes
d'activisme écologique » (p. 252)</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">On discerne bien, en effet,
quelques lignes directrices pour la pratique : </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">-Tout d'abord, intervenir au
niveau de l'aménagement de l'espace. Si le territoire est défini, avec Husserl,
comme « une formation géo-historique, l'inscription de limites historiques
symboliques à même la surface de la terre », le « péril »
consiste aujourd'hui dans la <em>raréfaction des lieux</em> au profit d'espaces
uniquement fonctionnels (page 69.) Plus généralement, on peut trouver là un
rapprochement possible avec les propositions de Guattari, lesquelles – au-delà
des seules <em>trois écologies</em> (voir p. 271) – engagent à se soucier de tous
les « territoires existentiels » en voie de disparition.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">-Plus encore : Créer, au
lieu d'intervenir ? Une humanité garante de la nature, d'un « laisser
être », peut se mettre à l'écoute des « géoplasticiens », de
Goldsworthy à Herman de Vries, lesquels nous font ressentir et en quelque sorte
nous <em>mettre à l'ambiance</em> de la terre et des éléments (voir le chapitre
11, à nouveau sur Heidegger, où les liens établis entre la pensée de Heidegger
et le <em>land art</em> ne nous ont pourtant pas paru très convaincants.)</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">-Ou bien encore : retrouver
le sens des possibles au niveau local. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">La question plus globale que l'on
peut se poser sur ces propositions, porte sur la signification de cette formule
qu'utilise Afeissa : « Re-territorialiser la praxis
politique » ? De quel territoire s'agit-il ? Est-ce le même que
celui des vastes étendues de l'Utah où installer des œuvres de <em>land art</em>,
ou bien celui de la « vie paysanne » entièrement fantasmée par
Millet, Rilke et Heidegger (cf. le chapitre 11) ou réinventée par Ramuz, ou
encore des « niches », « écosystèmes » ou
« paysages », voire biorégions, des différentes écologies
scientifiques ? Ou bien encore, du « monde de la vie » que
Husserl a en vue ? Peut-être faudrait-il clarifier cet usage du terme de <em>territoire</em>.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Il nous semble pourtant que la
réponse de l'auteur est contenue dans sa critique de la considération de la Terre
vue de l'espace. L'opinion écologique courante voit dans ces clichés qui ont
« fait le tour de la Terre » (à tous les sens du terme!) le moment
d'une prise de conscience de la fragilité de notre habitat, une valeur au cœur
de la pensée écologique (voir l'ensemble du chapitre 10, « La Terre vue
d'en haut », p. 283 à 304.) Afeissa discerne plutôt, dans les <em>clichés</em>
multipliés de cette prétendue « Terre auratique », une nouvelle
preuve de la perte de la Terre comme sol. Dès lors, les Temps Modernes apparaissent
définitivement comme l'ère d'une terre devenue « laboratoire à ciel
ouvert » (p. 304) La « crise » écologique ne serait-elle pas la
conséquence de cette « pensée de survol » ? Sa résolution
ne pourrait dès lors s'accomplir qu'en admettant notre situation comme être
dans le monde et du monde, on serait tenté de dire : il s'agit d'une forme
d'éthique de renoncement à l'infini.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">L'ouvrage se termine en compagnie
d'Holmes Rolston III, pour qui l'histoire naturelle doit être conçue comme un
récit : on ne peut que la raconter, car on ne peut en déduire les étapes
les unes des autres par aucun argument logique ou en faisant fond sur une
chaîne causale univoque. Cette perspective, qui fait de la biologie une bio- ou
une géo-graphie, voire une herméneutique du vivant, débouche sur cette notion
intéressante de « storied residence » qu'Afeissa traduit – en jouant
sur les divers sens possibles en anglais – par « résidence
légendaire » (pp. 325-326) et qui pourrait très bien déboucher, selon nous,
sur une forme inédite d'approche écologique de notre identité narrative,
renvoyant là encore à la problématique de la temporalité que nous avons
soulignée plus haut. Elle suppose ici de revêtir la « longue histoire de
la vie » dans laquelle nous nous situons, d'une dignité qui force le
respect.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">En tout cas, si l'on suppose
qu'Afeissa reprend à son compte les conclusions de sa lecture de Holmes Rolston
(chapitre 12 et dernier, notamment, p. 328 à 330), on peut alors restituer sa
position ainsi : la nature ne nous enseigne pas comment nous devons agir
les uns envers les autres au sein de la culture, mais bien comment nous devons
agir envers elle. La politique consiste alors à mettre en œuvre les conditions
de la prise en compte la plus large possible des valeurs naturelles. L'originalité
de cette position est qu'elle suppose – à rebours d'un certain nombre
d'environnementalistes qui tentent plutôt de dépasser ce dualisme – de
maintenir une césure nature/culture, condition d'un primat de la morale sur la
politique et d'une certaine transcendance maintenue (ne serait-ce qu'au sens
phénoménologique) dans l'approche des relations homme-nature à l'ère de
l'anthropocène.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:11.0pt;font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">On l'aura compris, la grande
richesse de ce livre exigerait plusieurs lectures. Il est de fait qu'une des
manières de procéder de son auteur, réside dans un effort intellectuel
salutaire pour mettre en dialogue les différentes approches, sans exclusive, ce
qui ne signifie pas sans examen critique. Cependant, il manque peut-être
quelques médiations pour rendre le dialogue encore plus fructueux. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">On peut être quelque peu inquiet,
par exemple, si l'on confronte l'exégèse d'Afeissa à ces lignes de Holmes
Rolston dans son avant-dernier ouvrage : « À la fin, nous devons
poser les questions avec lesquelles le livre de la Genèse commence : en
contemplant une création qui mène à des personnes qui sont à l’image de Dieu.
Nous sommes mieux placés que n’importe quelle génération dans l’histoire
humaine pour poser ces questions. </span><span style="font-family:
"Times New Roman";mso-ansi-language:EN-US" lang="EN-US">De prendre leur mesure.» (<em>3 Big
Bands, Matter-Energy, Life, Mind</em>, Columbia UP, 2010, p. XI-XII.) </span><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Cela ne donne-t-il pas une autre
tonalité à la notion de « résidence légendaire » qu'Afeissa relie
plus volontiers au néodarwinisme ? Ne faut-il pas être plus tranché, ici,
et tenir fermement l'exigence philosophique d'éviter de faire fond sur une
téléologie à trop bon marché ?</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Mais peut-être ne faut-il pas en
tout cas s'en étonner. En effet, et si l'on garde à l'esprit les exemples de
Jean-Pierre Dupuy, Michel Serres et Hans Jonas, on voit que la figure du futur
– ou plutôt de l'avenir – prend, à la lumière de la crise écologique, le plus
souvent un caractère prophétique. Il s'agit effectivement de se déplacer en
dehors du temps de l'histoire, puisque celui-ci est la manifestation de la
différence homme-nature qu'il s'agit de repenser et de surmonter. La
considération de l'avenir de la Terre devient ainsi souvent l'objet d'une
religion possible ou pour le moins d'une spiritualité. N'est-ce pas une étude
plus serrée des diverses modalités de notre rapport au futur qui nous fait
défaut sur ces questions ? Pour ne pas nous contenter d'une opposition
binaire et stérile entre le calcul technoscientifique et la vision prophétique
(y compris sous son mode révolutionnaire), ou bien encore pour retrouver le
sens du possible (thème du chapitre d'Afeissa sur Gilles Deleuze, Félix Guattari
et Isabelle Stengers), ne faut-il pas redonner poids et sens aux multiples <em>futuritions</em>
dont nous sommes capables : anticipations, projets, scénarios prospectifs,
conjectures et heuristiques ? C'est une piste qu'esquisse d'ailleurs
Afeissa en un passage important sur le rôle des utopies, et d'une prometteuse <em>poétique
de la volonté </em>selon une expression empruntée à Ricoeur (notamment p.
266-267), à condition de ne pas faire de l'utopie la seule modalité alternative
capable de pluraliser les futurs. Le travail de Jean-Pierre Dupuy sur les
boucles temporelles serait d'ailleurs à mettre en avant sur ce point (rappelons
qu'il place lui-même tout son travail sous l'inspiration de <em>Vertigo</em> d'Hitchcock,
et l'obsession de la « spirale du temps ».)</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Dans le même ordre d'idée, on
peut regretter que les sciences soient parfois traitées comme un des deux pôles
d'une dichotomie un peu figée, selon une version qui ne retient que rarement
leur rôle et leur inscription dans la culture. On s'explique ainsi ce passage
contestable du livre sur la question du climat (p. 264-265) : comme s'il
fallait rappeler aux climatologues qu'il ne consiste pas uniquement en
« attributs physiques de la planète » (p. 264) et qu'il est
« toujours pris dans un récit », pour être bien certain d'en faire un
enjeu social et politique. N'est-ce pas pourtant les avancées de la
climatologie elle-même qui ont pu faire du climat un objet de questionnement
pour nous aujourd'hui ? </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">Risquons une antithèse sur ce
point : à défaut de pouvoir inventer de toutes pièces une nouvelle
éthique, n'est-ce pas la connaissance scientifique, quand elle est capable de
réflexivité et non réductible à un « positivisme » borné, qui force notre
éthique à se poser de nouveaux problèmes qu'elle ne se posait pas, à s'enrichir
elle-même de nouvelles propositions, jusqu'à pouvoir, -qui sait ?-, se
métamorphoser ? On gagnerait sans doute à ne pas opposer l'épistémologie à
l'éthique, les deux faces d'une même intelligence de l'habitant du monde. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-size:10.5pt;font-family:"Times New Roman"" lang="FR"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">NB : On pourra lire d'autres
titres récents du même auteur, notamment un recueil d'articles : <em>Nouveaux
fronts écologiques. Essais d'éthique environnementale et de philosophie animale</em>,
chez Vrin, ainsi que la traduction entièrement révisée du livre d'Arne Naess, <em>Ecologie,
communauté et style de vie</em>, qu'il a dirigée (février 2013 aux éditions
Dehors).</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR"><span style="mso-spacerun:yes"> </span>+ Une nouveauté à paraître fin Août
2013 : le chapitre sur l'éthique environnementale, dans : <em>Éthique
des relations internationales</em> direction Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Ryoa
Chung, PUF. </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify;text-justify:inter-ideograph;
mso-pagination:none;mso-layout-grid-align:none;text-autospace:none"><span style="font-family:"Times New Roman"" lang="FR">François Chomarat<br /></span></p>
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