Par François Lermigeaux le 29 novembre 2011, 08:15 - TICE
Plus d'espace pour plus de tice
C'est une équation qui fait mal,
surtout en cette période où tout le monde à l'unisson doit chanter
et se ranger derrière la sévère et insoupçonnable Restriction :
plus de tice est-ce égal à plus d'argent ? Sans vouloir éviter
la question – que je me pose moi-même, ça serait un comble !
– on peut se dire qu'avec moins de freins, on obtient plus de tice
sans dépenser bien plus, c'est ce qu'exprimait récemment Michel
Guillou :
Pour accélérer la pédagogie, pour la
transformer radicalement, je cite « [pour faciliter] le
passage d’une pédagogie magistrale à une pédagogie plus active,
participative et collaborative », il ne faut pas avoir le
pied enfoncé sur le frein. Or l’encadrement dans sa très grande
majorité, les chefs d’établissement, les inspecteurs de
l’éducation nationale dans le 1er degré, les inspecteurs
d’académie dans les départements, les inspecteurs pédagogiques
régionaux, les cadres administratifs des rectorats, les inspecteurs
généraux, les recteurs eux-mêmes sont les principaux freins à
l’innovation pédagogique numérique.
On pourrait nuancer, parce qu'il n'est
pas rare de rencontrer des cadres de l'éducation nationale
volontaristes et aux avant-postes pour amener leurs équipes à
utiliser plus souvent les tice. En revanche, cette politique n'est
pas toujours motivée par une volonté de faire évoluer
l'enseignement lui-même. On souhaite plus de tice, parce que cela
semble souhaitable, mais au fond on n'entend pas assez souvent l'idée
que les tice n'ont d'intérêt qu'en tant qu'elles permettent de
faire travailler les élèves et les professeurs autrement et non pas
pour le beau décor d'un collège numérique dont tous les murs
seraient recouverts de tnis dernier cri. Autrement dit du point de
vue de l'encadrement on se préoccupe d'abord des équipements et pas
assez de la pédagogie qu'ils doivent permettre – mais, ici encore
nuançons, car les ipr tiennent souvent un discours qui aboutit
aux tice en commençant par une redéfinition des modalités
d'apprentissage – voilà pour la nuance.
Moins de freins, donc, c'est un bon
début. Mais aussi plus d'espace, ce qui pousser à l'accélération, amener quelques initiatives et motiver éventuellement
quelques prises de risque : faites du poney dans un couloir pour mieux comprendre ce que je veux dire par là... Et en termes d'espaces dans l'éducation, franchement, ça coince de tous
les côtés et à tous les étages.

Ça coince d'abord du côté des
programmes.
Oui, pas un programme n'oublie les tice, c'est
entendu, chacun aura son paragraphe, allez je prends au hasard :
Le recours aux technologies du
numérique est incontournable, il permet d’augmenter les moments
de
pratique authentique de la langue tant dans l’établissement
qu’en dehors de celui-ci. [programmes d'espagnol 2nde]
ou bien, je prends là encore le premier qui me tombe sous le coude :
Les technologies numériques
(séquenceurs, éditeurs graphiques
mais aussi générateurs de sons
et synthétiseurs) peuvent aider et
enrichir la réalisation d’un
projet musical. [programmes d'éducation musicale, collège]
Tout le monde est
servi en apparence, les tice sont partout et mêmes
« incontournables » mais dans les faits un petit tour en
salle des profs vous convaincra : les programmes par leur
ampleur, par leur exhaustivité, par leur universalité sont un frein
constamment opposé aux tice. Il suffit de faire travailler une fois
avec conviction ses élèves, en les mettant en situation de
questionnement et de production autonome pour s'en convaincre :
ça marche, oui, mais ça marche au rythme de l'élève et à ce
rythme là non seulement on ne bouclera jamais le programme, mais on
ne trouvera pas non plus le plan génial qui fera se pâmer un
collègue le jour du bac ; non, on se posera seulement quelques
questions auxquelles on apportera quelques éléments de réponse,
c'est écrit d'avance et c'est même tout le prix de la méthode.
Alors on tente le coup, parce qu'on est convaincu ou simplement
curieux, on le tente deux ou trois fois dans l'année et puis on
revient sagement devant son tableau noir ou numérique, ça n'a guère
d'importance, pour avancer au rythme attendu.
Attendu par qui, par le
programme, et pour quoi, probablement pour faire bonne figure...
[photo par Newtown grafitti, Flickr, license Cc]