L'école à la maison ?
11 04 2020Un extrait d'interview qui fera sûrement écho chez certains d'entre vous, et qui confirme mon point de vue sur cette période "particulière" :
Tandis que le débat sur l'école à la maison mobilise la communauté éducative, la psychanalyste Caroline Eliacheff, invitée des "Matins" de France Culture, bouscule le discours dominant sur le défi imposé aux parents de faire la classe : selon elle, la qualité de la relation parent/enfant doit passer avant le reste.
Comment encadrer au mieux le travail scolaire de ses enfants ? Peut-on vraiment faire "l'école à la maison" ? Ces questions, depuis que les établissements scolaires sont fermés en raison de l'épidémie de Covid-19, concernent tous les parents, et au-delà l'ensemble de la communauté éducative, des enseignants aux psychologues. Le défi que représente l'encadrement des devoirs scolaires par des parents qui n'y sont pas préparés engendre dans de nombreuses familles une source de stress supplémentaire en cette période où le confinement met déjà les relations intra-familiales à rude épreuve. Au risque d'aggraver souvent des tensions déjà existantes, notamment avec les adolescents. A rebours des discours qui imposeraient à tous les parents de faire toujours plus et toujours mieux quels que soient leurs moyens, voire de se substituer aux enseignants, la pédopsychiatre et psychanalyste Caroline Eliacheff, vient faire entendre un discours dissonant, afin de déculpabiliser les parents, de rendre à chacun la fonction qui lui incombe, et de remettre en tête de la liste des priorités la qualité de la relation entre parents et enfants.
En tant que pédopsychiatre et psychanalyste, que pensez-vous du dispositif qui a été mis en place depuis le début du confinement et qui demande aux parents d'encadrer le travail scolaire de leurs enfants ?
Caroline Eliacheff : Pour les parents qui peuvent s'y consacrer facilement, ou qui arrivent à le faire sans trop de difficultés, pourquoi pas ? Mais je voudrais dire aux parents que, s’ils n’y arrivent pas, s’ils s’énervent, il vaut mieux lâcher l’école plutôt que d’engueuler ses enfants. Les parents ne sont pas des maîtres, et encore moins des maîtres d’école. Et je pense qu'ils ont autre chose à faire que de faire la classe. Dans cette situation de confinement, c’est avant tout la qualité de la relation avec l’enfant qui doit être privilégiée. Et passer avant les devoirs scolaires. C’est pourquoi j’ai envie de dire "Foutez la paix aux enfants !"
Mais les enfants ne risquent-ils pas alors de ne plus rien faire ?
Caroline Eliacheff : En êtes-vous certain ? Peut-être risquent-ils de ne rien faire pendant un moment. Et à un moment, ils vont s’y mettre. C’est aussi une occasion pour les parents de les mettre devant leurs responsabilités. Peut-être que les premiers jours, ils seront ravis de ne rien faire mais je suis persuadée que les enfants ont envie d’apprendre, ont envie de travailler. En revanche, ce dont ils n’ont pas envie, c’est qu'on leur crie dessus. Quand on voit à quel point - indépendamment de cette période de confinement - l'enjeu des devoirs scolaires peut devenir dans certaines familles une source de conflits parent/enfant incroyable, ce n’est pas le moment d’en rajouter de ce côté-là. Vraiment, si l’on ne peut pas faire travailler ses enfants, ce n’est pas grave. Ils rattraperont plus tard. Et pour ceux qui sont au collège et au lycée, c’est une occasion en les laissant travailler seuls de leur faire acquérir cette fameuse autonomie dont on parle tant mais qu’on ne leur laisse pas la possibilité de développer en étant sans arrêt sur leur dos. J’ai envie de dire aux parents qui s’énervent trop, ou qui ne se sentent pas en capacité de faire travailler leurs enfants que la meilleure chose qu’ils puissent faire en ce moment c’est de bien s’entendre avec leurs enfants, de les soutenir dans leur envie de travailler. Pas d’être continuellement sur leur dos ni de leur crier dessus. Et pour conclure, je ne crois pas du tout que les enfants vont éternellement profiter de la situation, trouver ça merveilleux de ne rien faire. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder ce qui se passe avec le bac : la plupart des élèves de Terminale regrettent que l'examen pour lequel ils s'étaient préparés n'ait pas lieu.
C'est en partie pour ces raisons que depuis la fermeture des écoles, je ne fais que vous proposer des activités, défis, missions et rien d'imposé sauf le dessin du bonhomme fin mars.
Je suis persuadée qu'il est primordial de maintenir le lien entre vos enfants ainsi qu'avec Brigitte et moi et grâce à vous à travers ce blog, cela fonctionne pour presque tous et je m'en réjouis. Il est important pour vos enfants de savoir qu'ils ne se retrouvent pas seuls tout à coup, et que vous êtes là pour assurer leur sécurité affective dans cette période de grande inquiétude. C'est là notre essentiel en ce moment en tant qu'adultes.
Et en tant que parents, nous vous remercions chaleureusement de cette stratégie adoptée pendant ces semaines particulières.
En effet, consolider des liens étroits avec nos enfants, ainsi que la relative sérénité lorsqu'elle est possible est primordiale pour eux. D'autant qu'il n'est pas rassurant pour les petits de voir leurs repères se brouiller.
C'est pourquoi nous préférons rester "maman" et "papa" et apprécions tout particulièrement ces missions qui nous permettent de nous retrouver avec nos enfants autour d'une activité plaisante.
Merci encore à vous.