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Introduction de La guerre d’Otto Dix

La Guerre d’Otto Dix a été peinte entre 1929 et 1932. C’est un triptyque, c’est-à-dire une œuvre peinte sur trois panneaux en bois que l’on peut replier. Ce format était principalement utilisé au XIème et XIIème siècle pour les peintures religieuses. Le panneau central mesure 204 x 204 cm et les panneaux de chaque côté mesurent 204 x 102 cm chacun. Elle est actuellement visible à la galerie Gemäldegalderie Neue Meister de Dresde. Cette oeuvre composée de trois panneaux principaux est appelée triptyque*, elle rappelle la forme des retables** de la Renaissance que le peintre n'a pas choisie par hasard puisqu'il évoque avec son triptyque une oeuvre majeure de la Renaissance : Le retable d'Issenheim de Mathias GRÜNEWALD.

Biographie d’Otto Dix

Otto Dix est né en 1891 à Untermhaus en Allemagne d’un père ouvrier et d’une ancienne poète. Elle fut en partie responsable de son éducation artistique avec son cousin, un peintre dans le studio duquel Otto Dix passait beaucoup de temps. Au début de la première guerre mondiale, il s’engage avec enthousiasme dans l’armée allemande. Il devient mitrailleur et combat en France notamment durant la bataille de la Somme. Il obtient la croix de fer mais est traumatisé par les horreurs de la guerre dont il a été témoin au point d’en faire des cauchemars dans lesquels il rampe dans des maisons en ruine. A la fin de la guerre, Otto Dix quitte Gera pour Dresde où il commence à adopter l’expressionnisme et le collage. Il décide de peindre les horreurs de la guerre, notamment des « gueules cassées » les infirmes estropiés par la guerre ( Les Joueurs de Skat, le marchand d’allumettes et Rue de Prague). Les peintures d’Otto Dix abordent souvent des thèmes lugubres comme la mort, la vieillesse et la violence.

Quand les nazis arrivent au pouvoir, ils qualifient Otto Dix d’artiste dégénéré et il est renvoyé de son poste de professeur à l’académie de Dresde. Un bon nombre de ses œuvres sont présentées à l’exposition nazie « Art dégénéré » ou brûlées. Il est cependant forcé de rejoindre la Chambre des Arts du ministère de la culture de Goebbels et doit promettre de ne pas critiquer le Reich dans ses œuvres. Il est engagé de force dans l’armée pour la seconde guerre mondiale en 1944 mais se fait capturer par les troupes françaises. Il est relâché en 1946. A son retour, il continue de peindre en utilisant notamment des allégories religieuses. Il décède en 1969 d’un infarctus.

La Guerre a été peinte entre 1929 et 1932. Il présente une image plus réaliste et encore plus sombre de la guerre que ce qu’il avait pu peindre auparavant. Ce tableau est donc peint durant la République de Weimar qui a tendance à glorifier l’héroïsme de la guerre. Alors que la population commence à oublier les horreurs qu’elle a vécues, Otto Dix en dépeint une image crue non pas pour choquer mais plus pour témoigner et rappeler la réalité de la guerre.

I- Analyse de La Guerre d’Otto Dix

A- Ensemble des panneaux

On peut observer une évolution dans le temps au cours des panneaux. Ils racontent une histoire. A gauche dans la brume du matin, on voit les soldats partir au font. Au centre on voit la terrible bataille et ses morts. A gauche, on peut voir le soir ou la nuit avec des flammes en arrière-plan. La lumière nous donne quelques indices et l’on peut distinguer une bande de lumière qui traverse les trois panneaux, partant de la gauche en bas, montant jusqu’à la gauche du panneau central puis descendant en bas à gauche. On peut également dire de la lumière qu’elle est pâle, elle ne parait pas naturelle tout comme le ciel. Le peintre nous montre une vision d’apocalypse et de désespoir. On peut également noter un contraste important dans les lignes et les formes du tableau. Alors que celles des panneaux de gauche et de droite sont principalement droites, celles du panneau centrales sont courbées et enchevêtrées. Il semble le peintre veut faire passer par là l’idée du chaos et de la désolation du champ de bataille. Les couleurs utilisées sont principalement ternes : le gris et le noir pour les gravats, la mort et les cendres. On repère cependant des couleurs plus chaudes notamment le rouge et le marron pour le sang et la boue.

B- Analyse panneau par panneau

1- Le panneau de gauche, représente les soldats partant au front, on ne peut pas voir leurs visages, on ne peut pas savoir combien de soldats sont présents, ils disparaissent dans la brume. Otto Dix rend ces soldats anonymes. Ils pourraient être n’importe lequel des soldats partis à la guerre.

2- Le panneau central représente affiche sans retenue une vision d’horreur du champ de bataille. On peut voir des cadavres à peine identifiables, des entrailles repandues dans la boue au premier plan, des bâtiments écroulés ou brûlés. Un des cadavres, à droite a la main tendue et on l'imagine mort dans une souffrance atroce. Embroché au reste de la structure d’un bâtiment, on peut voir un squelette pointant d’un doigt accusateur le corps criblé de balles du cadavre de droite. On ne peut voir qu’un seul survivant portant un masque à gaz et une cape. Il se confond avec le chaos et est lui aussi privé de son humanité. Il n’a pas de visage et semble immobile.

3-Le panneau de droite est en réalité un autoportrait d’Otto Dix. On le voit transporter un blessé, et c’est pour cette raison que c’est le seul personnage vivant du tableau dont on voit le visage, c’est le seul à avoir son humanité. On peut interpréter que la seule chose d’humaine dans la guerre est la solidarité entre les soldats. Le personnage d’Otto Dix ne porte pas l’uniforme du soldat et regarde le spectateur doit dans les yeux avec un regard presque effrayant. Par là, il montre comment la guerre l'a transformé.

4-Le panneau inférieur (ou prédelle)*** représente un cercueil collectif contenant au moins 3 personnes. On peut noter que le panneau a les mêmes proportions que le cadre d’un cercueil et est aussi fait de bois. Comme on a pu le voir, Otto Dix utilise une technique et un format qui sert traditionnellement à représenter des scènes de la religion chrétienne. Comme ce tableau s’inspire notamment du « Christ mort » de Hans Holbein, on peut en déduire qu’Otto Dix veut présenter les victimes de la guerre comme des martyrs. On peut aussi voir ici une inversion de l’image biblique de l’enfer. Ici, l’enfer est sur terre et la paix et le “paradis” sont sous terre.

II- Les éléments plastiques.




La Guerre est une peinture à l’huile réalisée sur des panneaux de bois (qui sont donc les SUPPORTS) de l’œuvre.

La couleur : dans cette œuvre Otto Dix utilise principalement des nuances de rouge et de brun. La couleur dominante est le brun, brun de la terre des tranchées, environnement quotidien et unique horizon des poilus. Le rouge est utilisé pour représenter tour à tour le ciel tourmenté sous lequel les soldats partent au front (panneau de gauche), l’amas de viscères ensanglantées (panneau central) et le feu du champ de bataille (panneau de droite). L’artiste choisit le rouge parce que c’est une couleur organique (celle du sang) mais aussi pour sa valeur symbolique ; dans notre culture le rouge symbolise en effet le violence et parfois la mort.

Les couleurs sont sombres, ternes et sales comme l’est l’univers guerrier que dépeint Otto DIX : une guerre qui se déploie dans la boue et la crasse et qui répand la violence et la mort.

La lumière : la principale touche de lumière se trouve dans le panneau de droite dans lequel le peintre éclaire, grâce à l’emploi de couleurs claires, le personnage du sauveur. Cet éclairage puissant guide notre regard de spectateur vers cette partie importante de l’image, peut-être la plus importante pour l’artiste car elle est la seule à présenter une part d’espérance et de vie.

Conclusion: une œuvre engagée.

Cette œuvre est celle d’un homme qui a vécu la guerre et qui souhaite, grâce à l’art, témoigner de la souffrance mais aussi de la brutalité et de la violence sans précédent de cette guerre. La Guerre est donc une œuvre engagée qui appartient au courant artistique expressionniste. Otto Dix est un pacifiste qui exprime ses sentiments de révolte face à l’horreur de la guerre. Elle met aussi en évidence le caractère traumatisant d’une guerre totale et industrielle qui tue en masse et enlève aux combattants leur part d'humanité.

Pour l’oral d’histoire des arts, on peut choisir de mettre en relation cette œuvre avec d’autres du même peintre sur le même sujet mais avec un approche différente comme Les Joueurs de Skat.

* Triptyque: Oeuvre en trois parties.
** Retable: Dans une église, tableau placé sur un autel et sur lequel sont représentés les épisodes de la vie du Christ et des saints. C'est à la Renaissance que le retable peint fait son apparition (il peut également être sculpté).
*** Prédelle: C'est la partie inférieure du retable.